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Culture

« Showgirls » est le seul DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

En revanche pour ceux qui aiment les trucs bien, il y a Suite Armoricaine et The Nice Guys.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parlent chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-ray qu'c'est pas la peine.

Showgirls
Réalisateur : Paul Verhoeven
Éditeur : Pathé sortie le 1er juillet 2016

Le révisionnisme n'a plus de limite. Alors que la presse et les Razzie Awards avaient largement fait leur travail à l'époque (20 ans déjà), Showgirls bénéficie aujourd'hui des égards que l'on accorde habituellement aux chefs-d'œuvre – à savoir une restauration et une sortie salle et vidéo, le tout chez une prestigieuse maison, Pathé. Mais toutes les restaurations du monde n'y pourront rien : le film de Verhoeven reste désespérément sale et dégoûtant sous ses apparences de spectacle total inspiré par le génie artistique de Las Vegas.

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D'un tel scénario, on pouvait attendre une véritable chanson de geste sur une femme luttant contre un milieu propice à la corruption des âmes, doublée d'une ode à la beauté du corps féminin. Au lieu de ça, on a un film qui ne cesse de faire replonger son personnage principal dans sa condition originelle, celle d'une putain. Échec sur tous les tableaux pour cette oeuvre qui ne parvient même pas à créer le moindre frisson érotique à force de ne pas ménager ses effets dans la monstration de la plastique de ses actrices. Rien ne nous est épargné, pas même les menstruations.

Dans Showgirls, dès qu'un personnage semble prendre conscience de sa position – ce qui pourrait laisser entrevoir la lumière d'un monde meilleur – il est irrémédiablement ramené à sa corruption originelle, où ne s'extirpe de la fange dans laquelle il est vautré que pour se jeter dans une autre.

Encore plus hallucinante est l'interview de Verhoeven qui accompagne ce disque, dans laquelle il prétend avoir voulu faire de « Showgirls » un portrait d'une Amérique uniquement mue par le sexe et l'argent. D'une part, ce n'est formulé à aucun moment dans le film. D'autre part, Verhoeven oublie que, jadis, il y a été accueilli les bras ouverts. Si c'est pas cracher dans la soupe, ça…

Le Soldat Laforêt
Réalisateur : Guy Cavagnac
Éditeur : Carlotta, sortie le 7 septembre 2016

Au cours des années 1970, le cinéma français a été assez avare en représentations de hippies à cheveux longs voulant changer le monde – contrairement au cinéma US. Il y a bien eu Les Valseuses, OK, mais même si ce film coche toutes les cases en matière de remise en cause d'une société corsetée, on est loin du flower power revendiqué par une partie de la jeunesse. C'est comme ça : en général, le cinéma français est nul pour filmer son époque.

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C'est pourquoi l'exhumation – qui avait déjà entendu parler de ce film ? – du Soldat Laforêt de Guy Cavagnac, réalisé en 1970, est une excellente nouvelle. Alors, bien sûr, le cinéaste inscrit son récit dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, mais ça ne trompe personne. Dans cette histoire de soldat déserteur qui se perd avec délectation dans la campagne aveyronnaise, tout ramène à l'après 1968 – des individus à la recherche de modes de vie alternatifs jusqu'à la femme aimée avec qui il tentera un ménage à trois. Cette influence se fait également sentir dans la bande originale du film, emplie d'une guitare sèche qui sent bon le feu de bois et l'encens.

J'ai l'air de me moquer, mais le film est tout simplement beau – et absolument dépourvu de l'habillage folklorique que charrie parfois le genre. Aucune scène psychédélique à l'horizon, par exemple. Ouf ! On a quand même droit à un personnage qui vante les mérites de la combustion de mystérieuses herbes aveyronnaises pour élargir le champ de sa conscience, mais comme c'est le père de Michel Sardou, Fernand, qui s'y colle, le cliché est évité haut la main.

Difficile de trouver de meilleurs mots pour décrire Le Soldat Laforêt que ceux de Catherine Rouvel, l'actrice principale, qui affirme dans les bonus que ledit film a la beauté d'une rivière qui s'écoule.

Suite Armoricaine
Réalisateur : Pascale Breton
Éditeur : Blaq Out, sortie le 6 septembre 2016

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Pour l'instant, le meilleur film de 2016 selon moi.

Voilà pourtant le genre de films qui, habituellement, me pousse à faire l'impasse. La sympathie que j'arrive à conserver pour le cinéma de Desplechin est trop fragile pour que je la mette en danger en allant voir les longs-métrages de ses wannabes. Dans le pitch, tout indiquait un film de cette teneur – Une année universitaire à Rennes vécue par deux personnages dont les destins s'entrelacent : Françoise, enseignante en histoire de l'art, et Ion, étudiant en géographie. Trop occupés à fuir leurs fantômes, ils ignorent qu'ils ont un passé en commun. Garantie 100 % cinéma français. Seulement voilà, comme indiqué, le film se passe à Rennes. J'y habite et j'étais donc curieux de savoir comment cette ville rarement filmée allait l'être. Je l'avoue, j'avais également envie de ricaner bêtement dès que je verrai une tête connue parmi les figurants.

Je n'ai d'ailleurs pas ricané que pour ça. Au bout de 20 minutes, on voit quand même des étudiants causer en breton, chose dont je n'ai jamais été témoin alors que je vis dans le coin depuis 18 ans. J'ai ricané une autre fois lors d'une scène de fête aux Prairies Saint-Martin, où de jeunes participants fringués en toge boivent du vin rouge. Après ça, j'ai été happé par le film, qui m'a rappelé avec force à quel point le cinéma français peut être le meilleur au monde quand il n'est pas occupé à être le pire.

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L'ambition de Suite Armoricaine est d'explorer les rapports entre l'identité, la mémoire et le territoire. Sa réussite est de rendre toutes ses thématiques extrêmement sensibles par la grâce du cinéma, évitant l'écueil du pensum prétentieux. Le film capte l'attention par son efficacité romanesque et nous saisit par le trajet plus souterrain qu'il accomplit. Une trajectoire sensible qui culmine dans un dernier plan magique, de ceux pour lesquels on tombe amoureux du cinéma.

Les Deux Cavaliers
Réalisateur : John Ford
Éditeur : Sidonis Calysta, sortie le 21 septembre 2016

J'ai trop longtemps laissé poireauter la cathédrale John Ford au fond de mon jardin, acceptant sans rechigner qu'il était l'un des pères fondateurs du cinéma contemporain en ayant vu qu'une poignée de ses films. Mais plonger dans son cinéma, découvrir sa famille, fut un bain de jouvence – surtout à l'ère des Nolaneries et des Tarantineries actuelles. À ma grande surprise, et à ma grande colère, je me suis vite aperçu qu'une trop grande partie de ses films n'étaient pas disponibles chez nous – ou dans des copies lamentables – et qu'il fallait se tourner vers l'Espagne ou Los Angeles pour les dégoter. Aujourd'hui, seul un dixième de sa centaine de longs-métrages est disponible en Blu-ray. Après Sur la piste des Mohawks et Le Cheval de fer, Sidonis continue de faire le job avec Les Deux cavaliers.

Pourtant, John Ford disait de ce film qu'il était « la pire merde qu'il avait tournée en 20 ans » et qu'il avait accepté de le réaliser parce qu'il était accro au travail et que son seul souci était de rendre le personnage de James Stewart le plus comique possible. En effet, Stewart est vraiment drôle et le film s'annonce comme léger, sauf qu'il s'avère aussi cruel que L_a prisonnière du désert_ ou Frontière chinoise – avec qui il partage beaucoup. Son anti-sentimentalisme – allié à l'amertume et à une touche de cynisme – fait des ravages tandis qu'il nous dévoile la réalité d'une communauté qui rejette celles et ceux qui s'éloignent de la définition de ce qu'est une bonne société. Même si Ford prétendait s'en foutre un peu, il n'y peut rien : il a du talent.

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The Nice Guys
Réalisateur : Shane Black
Éditeur : EuropaCorp, sortie le 23 septembre 2016

Nice Guys est clairement le film le plus cool que l'on pourra voir en salle cette année. La sensation de légèreté qui s'en dégage vous amènera à le revoir encore et encore, et il n'en sera que plus drôle et prenant. Vous vous direz alors que c'est ça, Hollywood : du cinéma de divertissement hyper généreux. Et puis vous vous rendrez compte de la mécanique sophistiquée dissimulée derrière tout ça et de la sueur que Shane Black a dû probablement verser pour en accoucher. Pour finir, vous maudirez les cyniques qui pullulent derrière la caméra et au scénario de tous les divertissements hollywoodiens actuels. On veut une suite !

Les mecs du Cinéma est mort sont sur Twitter.