Le rappeur Maky Lavender nous parle de boisson, d’amour et d’anxiété
Crédit photo: Jessica Dzandu

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Musique

Le rappeur Maky Lavender nous parle de boisson, d’amour et d’anxiété

« Ce projet peut te donner un peu l’effet de quand tu vomis après avoir trop bu : tu te sens beaucoup mieux, mais l’état d’ivresse est encore présent. »

On ne se préoccupe que trop rarement de la santé mentale des musiciens, encore moins de celle des rappeurs. Sans doute parce que c’est un milieu où la « fragilité » est vue comme un signe de faiblesse. Dans son nouveau projet Blowfoam 2 (qui est synonyme de « vomi » en anglais), qu’il qualifie de drinking album, le rappeur et beatmaker Maky Lavender, originaire de l’Ouest-de-l'Île de Montréal, y évoque ses problèmes de boisson, de cœur et d’anxiété.

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Le rappeur

Lil Peep

est décédé le 15 novembre dernier,

Kid Cudi

annonce publiquement sa dépression ou encore

Azealia Banks

parle ouvertement de ses troubles mentaux : aux États-Unis, les artistes de la scène hip-hop sont de plus en plus ouverts à parler de leurs problèmes de santé mentale, qui peuvent être liés à l’isolement, la surcharge de travail ou des problèmes plus profonds. « Aujourd’hui, on sent que c’est un sujet de moins en moins tabou dans le rap américain, je ne sais pas pourquoi, mais j’imagine que les mentalités ont évolué. À vrai dire, tant mieux parce qu’on a vraiment besoin de parler de ces sujets-là. »

Du haut de ses 22 ans, Maky Lavender compte trois EP à son actif : Blowfoam, Lavender Fields et Blowfoam 2. Un dernier projet qui se révèle très introspectif. « L’élément déclencheur a été une bonne amie à moi qui était internée à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Verdun. Elle avait des tendances suicidaires et je me suis rendu compte que je n’avais jamais été aussi proche de la mort. J’allais souvent la voir. C’est d’ailleurs là que j’ai pris la photo initiale du cover de l’album, qui est devenu un dessin par la suite parce qu’ils font beaucoup dessiner les gens dans les hôpitaux psychiatriques. Cette expérience m’a fait réfléchir sur ma vie, et c’est pour ça que j’ai décidé de parler de ma propre mort sur ce projet. D’ailleurs dans le vidéo de Fairview Term, je suis mort tout le long du clip. »

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Même si le projet comporte certains moments d’ego trip comme dans tout bon projet de rap qui se respecte, Maky a voulu mettre en lumière ses défauts, ce qui est assez rare pour être souligné. « Quand j’ai sorti Blowfoam 1, j’avais 19 ans, j’étais dans une période vraiment sombre de ma vie : je buvais beaucoup trop et j’avais une très faible estime de moi. Blowfoam 2, c’est un update de ma santé mentale, mais, à la fin, il y a quand même un côté positif : j’ai vieilli et j’arrive à mieux relativiser mes problèmes, c’est comme voir la lumière au bout du tunnel. Ce projet peut te donner un peu l’effet de quand tu vomis après avoir trop bu : tu te sens beaucoup mieux, mais l’état d’ivresse est encore présent. »

Crédit photo: Kathryn Macaulay

La mort et l’alcool ne sont pas les seuls sujets de prédilection de Maky Lavender : l’amour et les problèmes de cœur y occupent une grande place. « Dans la chanson Montrose Dr, je parle de la relation avec mon ex-copine, qui s’est mal terminée, et au final je trouve ça vraiment dommage parce que c’est essentiellement de ma faute. En réalité, ça traduit un problème plus profond de ma relation avec les femmes en général, j’ai dû mal à leur faire confiance, à part à ma mère et ma sœur. »

Une relation complexe avec l’amour qui fait écho à celle qu’il entretient avec le temps. « J’ai toujours peur de manquer de temps et de ne pas pouvoir tout faire. Je suis effrayé à l’idée que ma mère ne soit pas là pour voir mes futurs enfants. Pour te dire à quel point c’est fucked up, je me suis tatoué un sablier brisé avec l’inscription Heaven Can Wait. Je veux utiliser chaque minute de ma vie et essayer tout et n’importe quoi, même si ça se solde par un échec », raconte celui qui vient tout juste de signer sur le label montréalais Ghost Club Records.

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Crédit photo: Jessica Dzandu

Un état d’esprit conquérant parce que l’intégralité de sa démarche, c’est aussi pouvoir vivre de sa musique et mener une vie confortable dans un contexte où il n’est pas facile pour un jeune de gagner sa vie lorsqu’il choisit une carrière qui sort de l’ordinaire. « Ma relation avec l’argent est un peu bizarre parce j’ai l’impression que je ne sais jamais où il va vraiment. J’ai aussi parfois l’impression que succès doit rimer avec dépenser beaucoup de cash. J’aurais pu devenir comptable, conduire une Civic et vivre chez mes parents pour sauver de l’argent, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas fait pour moi. J’ai décidé d’être all in dans le rap en acceptant l’instabilité que cela implique. »

Crédit photo: Jessica Dzandu

Mais n’allez pas croire que Maky Lavender est un jeune homme au bout du rouleau, il illustre simplement les maux que la grande majorité des jeunes vivent aujourd’hui. Rien qu’en allant faire un tour sur sa chaîne YouTube et regarder ses vlogues, vous comprendrez qu’il déborde d’humour et de joie de vivre. Un humour qui n’est pas sans rappeler celui de Tyler The Creator ajouté aux bonnes vibrations de ses instrumentales qui font penser à celles d’un certain Pharrell Williams. « Je me questionne sur tout ce qui se passe. Pour moi, la vie reste belle, mais j’aime bien voir les deux côtés de la médaille sans pour autant plonger dans la dépression. Je n’arrive pas à déterminer si ce projet est un soulagement, mais maintenant que je l’ai fait, je ne vais plus trop y penser. C’est aux gens de l’interpréter à leur manière. Est-ce que je referais d’autres projets de ce genre? Je n’en ai aucune idée. Si un jour quelque chose de sombre m’arrive de nouveau et vient toucher profondément mes feelings, il y aura un Blowfoam 3.

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