FYI.

This story is over 5 years old.

drogue

Une interview avec des types qui ont vendu du paracétamol comme si c'était de la cocaïne lors d'un festival

Hasse et Danni ont arnaqué le public du festival de Roskilde afin de financer leur beuverie.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Photo de l'auteur

Cet article a été initialement publié sur VICE Danemark.

L'année dernière, alors que je traversais le chaos du Festival de Roskilde, au Danemark, je suis tombé sur deux mecs à l'air satisfait – ils tenaient dans leurs mains des sacs remplis de cash. J'ai reconnu l'un d'entre eux, un ancien trafiquant de drogue du milieu de la nuit de Copenhague. Je les ai abordés et j'ai découvert qu'ils célébraient le résultat fructueux d'un plan bien pensé. « Ici, les gens sont tellement stupides », m'a dit cette connaissance.

Publicité

Hasse et Danni* venaient tout juste de vendre du paracétamol en lieu et place de cocaïne à un tas de festivaliers bourrés et/ou naïfs – tous désireux de dépenser jusqu'à 100 euros pour un petit gramme. L'escroquerie est aussi simple qu'elle est cynique, et Hasse et Danni sont loin de l'avoir inventée. J'ai découvert qu'à Roskilde, il est plutôt courant de revenir dans sa tente avec un sachet de ce qui est probablement un mélange de lessive et de médicaments en vente libre. Derrière chaque personne ivre estimant qu'une trace est essentielle pour faire durer la fête se trouve un enfoiré prêt à l'escroquer.

Il y a peu, juste avant le Roskilde de cette année, j'ai contacté Hasse et Danni afin de savoir ce qui les avait poussés à être aussi méchants.

VICE : Pourquoi avez-vous décidé de faire quelque chose d'aussi cruel l'année dernière ?
Hasse : Ça a été une décision assez impulsive. Nous voulions tous les deux aller à Roskilde, mais nous étions fauchés.

Danni : Nous avons eu l'idée de gagner un peu d'argent en vendant du paracétamol à la place de la cocaïne aux gens bourrés. Nous avons acheté dix paquets de paracétamol dans un supermarché, nous l'avons broyé et emballé dans de minuscules sachets refermables.

Hasse : Le plus difficile a été d'acheter du paracétamol en grande quantité – nous avons dû répondre à tout un tas de questions afin de prouver que nous savions ce que nous faisions.

Publicité

Une fois dans l'enceinte du festival, vous avez abordé les gens pour les dépouiller ?
Hasse : Le travail était mâché d'avance. Nous n'avons fait que nous promener – il n'est pas difficile de reconnaître les personnes qui sont déjà sous l'influence de quelque chose. Il nous suffisait de dire un truc du genre : « Quoi de neuf, mon pote ? Tu as l'air bien bourré. Tu restes à l'alcool ce soir ou tu veux autre chose ? » Il arrivait aussi que des gens nous demandent d'eux-mêmes si nous avions quelque chose – et très vite, leurs potes se pointaient aussi.

Vous voulez dire que les gens acceptaient le paracétamol que vous vendiez sans broncher ?
Danni : Certains clients potentiels voulaient d'abord goûter un échantillon de la marchandise et nous les laissions faire. Beaucoup de gens savent que la cocaïne peut donner une sensation d'engourdissement de la langue et des gencives, ce qui est souvent dû à la substance avec laquelle elle est coupée. Nous avons joué là-dessus : « Regardez, ce n'est pas coupé avec toute sorte de merde. C'est pour ça que vos gencives ne sont pas anesthésiées. Mais attendez un peu de voir – c'est vraiment de la bonne came ! » Certes, nous avons eu quelques acheteurs suspicieux par-ci par-là, mais leurs potes étaient toujours là pour leur mettre la pression : « Allez, ça fait des heures qu'on cherche. Dépêche-toi de prendre ça ! »

Hasse : Nous en avions également réduit une partie en gros morceaux que nous avons commercialisés comme étant de la super qualité. Nous avons facturé 500 couronnes [70 €] pour le produit standard et 900 couronnes [120 €] pour le produit exclusif. Nous avons surtout vendu de ce dernier. Les gens sont prêts à croire n'importe quoi, en particulier dans un festival comme le Roskilde, du moment que vous êtes amical et que vous trinquez avec eux.

Publicité

Combien d'argent avez-vous gagné ?
Danni : Nous avons dépensé une grande partie de cet argent pendant le festival, mais nous nous sommes fait au moins 5 000 couronnes [670 €] chacun en deux heures de vente.

C'est vraiment nul d'arnaquer les gens comme ça.
Hasse : Moralement parlant, c'est vrai.

Danni : Honnêtement, est-il vraiment préférable de vendre aux gens de la cocaïne de merde, coupée avec des produits chimiques obscurs ? Alors oui, nous avons arnaqué les gens, mais nous ne leur avons pas vendu du poison susceptible de détruire leur système immunitaire.

Ce n'est pas vraiment une excuse, vous en êtes conscients ?
Danni : C'est vrai, mais je suis sûr que vous vous sentiriez bien plus mal après avoir reniflé de la mauvaise cocaïne que du paracétamol. Avant de faire tout ça, nous avons examiné les risques potentiels des analgésiques sur la santé et nous n'en avons trouvé aucun. Évidemment, ce n'est pas recommandé, mais une aussi petite quantité ne peut pas vous tuer. Si l'alternative est la mauvaise coke, je sais quel est le plus sûr. Au moins, le paracétamol est approuvé par les autorités sanitaires.

Oui, mais quand même.
Hasse : Je sais, ce n'est pas cool. Mais nous sommes tous passés par là. Et ce n'est pas comme si nous étions en train de sauter sur les gens pour leur voler leur argent. Nous n'avons traité qu'avec des clients disposés. De manière globale, les gens devraient être plus conscients de ce qu'ils achètent.

Publicité

Danni : Je pense que nous leur avons enseigné une leçon précieuse. À un moment donné, il faut faire preuve d'un peu de jugeote.

Ne craigniez-vous pas que quelqu'un essaie de se venger, notamment en ayant recours à la violence, pour récupérer son argent ?
Hasse : Je n'étais pas serein lorsque nous en avons vendu à un mec avec des tatouages au visage – il avait l'air d'un motard. Il a acheté deux grammes, mais il était très sympa.

Danni : Les gens sont en mode festival, ils ne pensent pas vraiment à leurs décisions. Et parce que nous avons laissé des échantillons aux clients, ils étaient plus disposés à payer. Très peu de personnes sont capables de dire avec certitude quelle substance se trouve dans leur système quelques secondes après l'avoir prise. Il leur faut un certain temps pour se rendre compte qu'ils ont été dupés.

Hasse : À ce stade, nous étions déjà bien loin.

Prévoyez-vous de faire la même chose cette année ?
Danni : Je ne pense pas. Je culpabilise pas mal à ce sujet, et j'attends encore de passer en jugement pour une autre affaire – il faut que je garde ça à l'esprit. Bien que ce ne soit pas un véritable trafic de drogue, je doute que ça joue en ma faveur si je me fais attraper.

Hasse : Je n'ai pas encore vraiment décidé, mais il y a de grandes chances pour que je recommence.

*Les prénoms ont été modifiés.