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Retour au lycée

Désireuse de voir à quoi ressemblait la vie des adolescents d'aujourd'hui, j'ai profité de mon acné tardive pour m'infiltrer parmi les étudiants de mon ancien bahut.

​​On dit souvent que ceux qui considèrent leurs années de lycée comme les meilleures années de leur vie sont devenus des gens incroyablement malheureux. De leur côté, ceux qui étaient considérés comme des asociaux prétendent avoir grandi et laissé le traumatisme de l'adolescence derrière eux. J'aimerais en finir avec cette idée reçue. Je fais partie des personnes qui ont vécu des années lycée merdiques. Quand je repense à mon expérience, je n'ai que des mauvais souvenirs – et pourtant, je ne suis pas devenue super riche pour autant. Encore un point pour les enfants populaires.

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Au lycée, j'étais prétentieuse. Mon attitude générale envers les gens de mon école se résumait plus ou moins à « Allez tous vous faire foutre. » J'étais loin d'être une fille populaire, notamment parce que je refusais d'écouter Sublime et que je ne participais pas aux activités de l'école. Je ne suis jamais allée à un match de football américain, à un défilé de bienvenue ou à des soirées d'intégration. Je ne me suis même pas rendue à mon bal de promo. J'étais le genre d'adolescente persuadée d'être incomprise. Je pensais que j'étais meilleure que tout le monde, parce que je regardais et faisais semblant de comprendre les films de Fellini. Ma vie se limitait à traîner avec le peu de gens que je considérais digne de partager mon amitié à l'heure du déjeuner. En bref, j'étais insupportable. Je sortais rarement le week-end et je suis peut-être allée à trois fêtes durant toute ma scolarité. J'étais aussi à fond dans le théâtre, ce qui n'arrangeait rien. A l'époque, mon seul rêve était de partir – de préférence très loin.

Récemment, je me suis demandée si ces quatre années étaient si terribles que ça. Désormais, il semble qu'avec l'avènement des réseaux sociaux et des smartphones, les adolescents se retrouvent dans une situation bien pire que la mienne. À mon époque, tout tournait autour de MySpace et de MSN – et c'était à peu près tout. Les ados d'aujourd'hui uploadent des bastons sur Youtube, compilent des Vines racistes, envoient des photos érotiques via Snapchat, s'insultent par tweets interposés et participent à des tendances stupides telles que le ​Condom Challenge. Est-ce-que je devrais être reconnaissante d'avoir été une ado avant que toutes ces choses n'arrivent ? J'ai décidé de revivre le lycée et de voir par moi-même si être de nouveau une ado valait le coup ou non.

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J'ai contacté mon ancien lycée, situé dans la Vallée de San Fernando , pour leur demander si je pouvais redevenir étudiante l'espace d'une journée. Après beaucoup de conversations gênantes pour garantir à l'administration scolaire que j'étais vraiment une journaliste et non une pédophile, ils ont finalement accepté de me laisser revenir pendant une journée.

Quand j'ai décidé de faire cet article, j'avais oublié que les cours commençaient à 8h pétantes, ce qui signifie que j'allais devoir me lever tôt – chose qui ne m'est pas arrivée depuis très longtemps. J'en ai toujours voulu à l'école de commencer si tôt. A l'âge d'or de mon adolescence, j'étais en retard à l'école presque tous les jours, ce qui m'a valu de nombreuses retenues. Mais je m'en accommodais plutôt bien, étant donné que c'était le seul truc un peu cool qui pouvait m'arriver.

Mon alarme s'est déclenchée à 6h30 et j'ai immédiatement décidé que je n'avais plus besoin de prendre une douche. J'ai continué à dormir et je me suis finalement forcée à me lever à 7h20.

Au moment de me préparer, j'ai réalisé que je n'aurais aucun problème à passer pour une ado. On me dit souvent que je fais plus jeune que mon âge - un commentaire que je suis censée trouver flatteur. C'est notamment dû à mon acné tardive (que je tiens de mon père) et au fait que je mesure 1m55. Je me suis quand même assurée de me débarrasser de tout ce qui pouvait me faire ressembler à une « adulte ». En gros, je ne me suis pas maquillée.

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J'étais censée aller au bureau principal à 7h30 pour avoir mon emploi du temps. Je suis arrivée à 8h, je me suis précipitée au bureau principal et j'ai immédiatement commencé à parler à la dame de la réception. Elle m'a sommée de me taire, a placé sa main droite sur le cœur et a pointé du doigt le drapeau américain derrière moi. Je me suis retournée et j'ai attendu qu'un adolescent finisse de réciter le serment d'allégeance diffusé par des hauts-parleurs. J'avais complètement oublié que c'était une chose que les lycéens américains devaient faire tous les jours. J'avais même oublié ce qu'il fallait dire – bravo l'Amérique pour avoir fait de moi une bonne patriote.

On m'avait assigné cinq cours : écriture créative, histoire mondiale, littérature anglaise, biologie et histoire du cinéma. Les professeurs savaient que j'étais journaliste, mais pas les élèves. J'ai commencé par mon cours d'écriture, et je savais exactement dans quelle salle me rendre. J'ai été surprise de voir à quel point je me souvenais bien de la place de chaque chose. Presque rien n'avait changé dans les bâtiments. Je pensais qu'au moins un élément me rappellerait que nous n'étions plus en 2003.  En 2003, j'avais l'impression que mon école était restée bloquée en 1994. Conclusion : cet endroit n'a pas changé depuis 1994, au moins.

J'étais sincèrement contente d'aller à ce cours, persuadée que j'allais passer une heure à écouter les angoisses existentielles des adolescents d'aujourd'hui. Quand j'étais dans cette classe en terminale, j'avais écris des conneries idiotes sur le fait que Wes Anderson était la seule personne à me comprendre bien qu'on ne se soit jamais rencontrés. J'étais prête à entendre tout ça de nouveau. Allez les jeunes. Donnez-moi un peu de drama. S'il-vous-plaît, plongez au plus profond de votre ANGOISSE.

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Qu'est-ce-que j'ai eu à la place ? Une fille nous a lu un poème qu'elle avait écrit sur sa mère. Un poème affectueux. Elle a même dit qu'elle l'avait donné à sa mère qui avait ensuite pleuré. N'importe quoi, sérieux. Un autre type a lu une histoire qui disait à quel point sa grand-mère lui manquait. C'est quoi ces conneries ? Vous êtes des ados. La famille est votre ennemi. Ils ne vous achètent pas toutes les bêtises que vous voulez et ne vous laissent pas sortir après minuit. Ce sont des dictateurs qui ne vous comprennent pas. Vous êtes censés les détester jusqu'à ce qu'ils paient les frais de votre université – et ensuite, ils vous manqueront parce que vous serez contraints de faire votre propre lessive.

Mes trois matières suivantes étaient des cours théoriques, qui sont avérés beaucoup moins décevant que je ne le craignais. Absorbé par mon environnement, j'ai eu du mal à me concentrer. J'ignore pourquoi, mais je m'étais dit que les adolescents d'aujourd'hui s'habillaient mieux qu'à mon époque. C'est complètement faux. J'ai vu toutes les erreurs que j'ai moi-même regrettées par la suite : des tee-shirts à message, des baggys avec beaucoup trop de poches, des jeans Abercrombie & Fitch avec des faux trous. J'ai même vu quelqu'un porter des mitaines rouges et noires.

Quand j'ai prêté attention au professeur, j'ai réalisé que je ne me souvenais plus de la majorité des choses que j'avais apprises au lycée. Il est facile de réussir le lycée tant que vous vous investissez pour retenir un tas de choses. Je n'étais pas une bonne élève vu que je me consacrais à retenir de la merde. La biologie, en particulier, me le rappelle tous les jours. J'avais pris des cours de biologie au lycée, mais presque tout ce que disait le professeur me paraissait nouveau. Des os ? Qu'est-ce-que c'est ? Oui, nous pensons tous savoir ce que sont les os. Ce sont ces choses qui constituent notre squelette et qui empêchent nos organes de se mélanger à l'intérieur de nous – ou quelque chose comme ça. Cependant, je ne savais plus de quoi étaient composés les os. Ce sont des informations que j'ai connues à un moment de ma vie – et j'ai tout oublié. Le professeur a demandé à la classe : « Quels sont les deux types de tissus dont un os est composé ? » Les élèves ont levé la main et ont directement lu la réponse sur leur cahier : les tissus cortical et trabéculaire. Ça ne m'a absolument rien rappelé, sans doute parce que j'étais trop occupée à mémoriser les paroles de ​« Nookie » à l'époque. Je n'ai jamais oublié cette chanson, mais j'ignore désormais ce qui se passe à l'intérieur de mon propre corps. C'est la raison pour laquelle les médecins nous font payer une fortune pour nous expliquer que nous avons le nez qui coule à cause des allergies – à cause de Limp Bizkit.

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Je dois avouer que j'ai développé un béguin momentané pour mon prof d'histoire, comme Drew Barrymore dans le film Collège Attitude. Il paraissait n'avoir que quelques années de plus que moi et était sapé comme un étudiant en école privée, avec un blazer et un nœud-papillon. Je l'ai trouvé attirant et j'ai été impressionnée par sa manière d'enseigner. Il a fait l'opposé de ce qu'a fait la prof de biologie - il a interdit aux étudiants de regarder leur cahier et les a encouragés à répondre aux questions en utilisant uniquement leurs connaissances. Alors qu'il faisait son cours, il a souligné à sa classe que la prise de notes ne consistait pas à répéter ce qu'il disait mot pour mot – il leur a demandé de noter les concepts qu'il enseignait avec leurs propres mots. Je ne pensais pas que ça arriverait, mais j'étais vraiment excitée d'apprendre.

Je lui ai un peu parlé après la fin du cours. Il savait que je n'étais pas une véritable élève et a commencé à me parler de l'époque où il vivait à New York. À l'inverse de Drew Barrymore, mon béguin a disparu dès que j'ai quitté la salle de classe. Je pense que mon amour temporaire était uniquement fondé sur le fait qu'il soit le seul homme de mon âge que j'ai eu l'occasion de côtoyer ce jour-là.

C'était le moment du déjeuner et je me sentais nerveuse. Je suis allée aux toilettes pour reprendre mes esprits. Les cabines étaient extrêmement petites, même pour moi, et des serviettes en papier avaient été jetées partout. Deux lavabos étaient inondés. À l'intérieur de ma cabine, j'ai lu une citation inspirante écrite au marqueur noir : « Peu importe la taille de votre maison. Peu importe la taille de votre compte en banque. Nos tombes feront la même taille. Restez humbles, salopes. »

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Je n'avais personne avec qui manger. À l'exception des profs, personne ne m'avait adressé la parole. J'avais espéré qu'au moins un ado me fasse visiter le lycée, en pensant que j'étais une nouvelle élève. J'aurais dû essayer de parler à quelqu'un mais honnêtement, j'étais terrifiée. En cours d'anglais, une fille m'a demandé à quelle chapitre nous étions, et je suis restée pétrifiée pendant dix secondes. J'ai ensuite bégayé pour la première fois depuis 10 ans. Je ne sais pas pourquoi, mais je trouvais ces ados intimidants.

Je me suis placée dans la longue queue qui menait à la cantine. Devant moi, un groupe de trois filles embêtaient un groupe de quatre garçons en leur disant qu'ils avaient Ebola. Les blagues sur Ebola ont un succès fou dans les lycées en ce moment. Pour la nourriture, les options étaient limitées : un sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture ou une sorte d'hamburger. Il y avait aussi une pomme et du lait. J'ai pris un hamburger avec du maïs, une pomme et une brique de lait. Comme je n'avais pas de carte de cantine, le caissier m'a fait payer 2,80 €. J'étais un peu outrée. À mon époque, le déjeuner ne coûtait qu'1,20€. La nourriture n'avait même pas changé. En fait, ces hamburgers auraient très bien pu être des restes de mon époque au lycée.

Par habitude, je me suis dirigée vers l'endroit où je mangeais mon déjeuner la plupart du temps quand j'étais au lycée, près d'un grand pot de fleurs situé dans une cour intérieure. J'ai passé beaucoup de temps ici, en compagnie de mes trois meilleures amies. Nous passions notre pause déjeuner à finir nos devoirs et à paniquer sur les textes que nous devions mémoriser parce que nous faisions toutes du théâtre. Nous pouvions entendre les plus nerds d'entre nous de l'autre côté du pot de fleurs, en train de chanter des chansons de comédies musicales de Broadway. Les nerds cool du théâtre étaient au centre. Ils étaient cool parce qu'ils avaient les rôles principaux dans toutes les pièces, avaient des amis en dehors du théâtre et fumaient des joints.

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J'ai fini mon déjeuner et j'avais pas mal de temps à tuer. J'ai décidé de me diriger vers la salle où ma prochaine heure de cours avait lieu. Alors que je me baladais, j'étais émerveillée par le fait que tout le monde paraisse si jeune. Quand j'étais en seconde au lycée, les terminales semblaient être des adultes accomplis pour moi. Les filles avaient des seins et les gars avaient des barbes. Il n'y avait pas seulement ça, ils pouvaient aussi conduire et certains pouvaient même voter. Ces choses étaient très importantes. Je pouvais facilement déterminer qui était en âge de voter et qui venait juste de débarquer au lycée. Désormais, je ne pouvais pas du tout faire la différence. Ils étaient tous exactement pareils. Ils avaient tous de l'âge d'être des ados.

Toujours pendant la pause, je me suis rapprochée d'une salle de classe et j'ai regardé à l'intérieur. Un groupe d'élèves était dans la salle et mangeait en regardant Labyrinthe. La prof était assise à son bureau. Je suis rentrée et j'ai regardé le film jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Tout ça était très déroutant. Labyrinthe ? Je ne connaissais personne au lycée qui passait son déjeuner à regarder Labyrinthe. Était-ce un nouveau phénomène, ou était-ce parce que je n'avais jamais pris la peine de rentrer dans une salle de classe quand je n'y étais pas obligée ?

Mon cours suivant – le dernier de la journée – était sur l'histoire du cinéma. Je suppose qu'il est donc plutôt normal qu'un groupe d'élèves soit déjà à l'intérieur de la salle pour regarder un film - même si Labyrinthe n'était pas au programme. Notre prof nous a donné un petit cours sur les Marx Brothers et nous a passé La Soupe au Canard. Au bout de dix minutes, la moitié de la classe s'est endormie. J'ai été étonnée de voir que personne ne sortait son téléphone. En fait, je n'ai pratiquement vu personne pianoter sur son téléphone. La cloche a finalement sonné – et ma journée de cours était terminée.

Pendant le trajet pour aller chez moi, je me suis retrouvée à penser que tout ça n'était pas si horrible. Peut-être que mon attitude était la seule chose qui faisait que le lycée était aussi nul. Ensuite, j'ai pensé au fait de devoir revivre ce jour, tous les jours. Pendant neuf mois de l'année – tout en vivant chez mes parents. Les mauvais souvenirs sont vite revenus. Désolée les enfants, le lycée craint et vous ne pouvez rien y faire. Ça m'a fait du bien de voir que peu de choses avaient changé. Les adolescents doivent toujours prendre leurs cours avec un papier et un stylo et s'asseoir sur des chaises en bois, tout en se faisant royalement chier. C'est vrai que les cliques ne changeront jamais. Il y aura toujours les populaires, les asociaux, les nerds, les défoncés et les scouts. Même si ces groupes étaient bien plus faciles à discerner pour moi quand j'étais adolescente. Désormais, je les vois tous unis dans une même catégorie : celle des petits insolents qui n'ont aucun respect pour les toilettes publiques.

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