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LE NUMÉRO HOLLYWOOD

Livres et DVD

CRUMB : Ceux qui n’ont jamais vu ce documentaire vont le mettre dans leur lecteur en se disant « cool, je m’apprête à mater une heure et demie de Robert Crumb, ça va être marrant ».

CRUMB
Terry Zwigoff
Compagnie des phares et balises Ceux qui n’ont jamais vu ce documentaire vont le mettre dans leur lecteur en se disant « cool, je m’apprête à mater une heure et demie de Robert Crumb, ça va être marrant ». Il faut se détromper. Le documentaire de Terry Zwigoff n’a rien de marrant. D’abord, il a beau être vraiment très, très bien, il est un peu décevant parce qu’on se rend compte que comme la raison nous l’induisait, Robert Crumb est un peu fou, mais pas plus que vous ou moi finalement. La différence majeure, c’est que graphiquement c’est un génie et ça, le portrait de Zwigoff le montre très bien. En revanche, si Crumb semble si normal finalement, c’est parce que le reste de sa famille est pétée à bloc, au point que c’en est presque glaçant. On comprend comment un tel environnement fangeux a pu faire naître un génie obsessionnel ; qu’il soit finalement si normal tient carrément du miracle, surtout quand on voit comment son frère au potentiel aussi génial a fini. On a le droit de cracher sur l’institutionnalisation de l’underground, mais si celle-ci permet de monter une superbe expo et de ressortir ce portrait assez ultime, je préfère, comme parfois, ravaler ma bile. COSTARD GRAVOS

BABYLON ON A THIN WIRE
Adrian Boot/Michael Thomas Allia Vu d’ici, on ne peut décemment pas parler de reggae en des termes positifs tant cette musique est représentative, sur notre territoire, d’une adolescence qui fait systématiquement les mauvais choix : dreadlocks, chaussures de rando, rastafarisme de province et enfumage généralisé. L’ensemble baignant dans une philosophie de la vie trouvant ses racines dans les Gladiators et son prolongement le plus désespérant dans le brûlot antisystème d’un Stéphane Hessel ou la capoiera. Pourtant, la lecture de ce livre m’a conduit à reconsidérer la question. D’abord, recontextualiser : les années 1970 en Jamaïque sont celles d’une guerre civile larvée, chaque camp ayant ses gangs, ses porte-flingues, ses machettes, ses trafics. Un peu plus loin, les enjeux internationaux, Cuba et la CIA, l’exploitation de la bauxite et la fréquentation touristique qui s’effondre, ce qui signifie : moins d’Américains à qui vendre de l’herbe à prix d’or ou de cachets d’aspirine pilés transformés en coke de premier choix. Au milieu, des rude-boys, défoncés au rhum et à la Red Stripe, très portés sur l’ennui et sur la pression. D’une certaine manière, on retrouve ici toutes les composantes sociopolitiques qui ont structuré et défini les musiques dites noires au cours du XXe siècle, du blues au hip-hop : l’expression d’une esthétique directement politique car ancrée dans une réalité qui ne peut en faire l’économie. Évidemment, sorti de ce contexte, un morceau des Gladiators reste un morceau des Gladiators, autrement dit quelque chose d’assez chiant. ALI TÉRATION

LES MONSTRES VIENNENT DE L'ESPACE
Artus Films Ce mois-ci, je me suis dit au diable l’actualité, au diable le diktat des lecteurs et la politique éditoriale du magazine. J’ai décidé de parler de monstres qui venaient de l’espace. Ouais, ce truc un peu puceau, un peu neuneu, ce genre de films qui a fait naître l’odieuse politique du nanar. Je voudrais pourtant dire que j’ai super vibré en revoyant The Hideous Sun Demon, inclus dans cette anthologie. D’autant qu’Artus Films est un des rares éditeurs à vraiment s’emmerder sur la présentation de ses sorties en les garnissant de cartes postales, d’un livret et d’un chouette coffret. Je m’en bats les couilles en vrai qu’un paquet d’abrutis défendent les vieux films de monstre en disant que c’est de la poésie. Ce n’en est pas. Et que d’autres disent que c’est « tellement fun ». Ça ne l’est pas. J’ai découvert récemment que j’avais fait un vilain transfert psychanalytique entre mon père et la Créature du lac Noir ou n’importe quel autre monstre en caoutchouc par extension. De fait, quand l’hideux démon solaire meurt, moi je suis triste. Et si quelqu’un se marre autour de moi, je me sens humilié dans mon deuil. Alors allez vous faire foutre. AL BATARD

LE JARDIN DES SUPPLICES
Octave Mirbeau/Florence Lucas
Le Lézard noir

Argenté comme le bikini de Beyoncé, ce bouquin d’Octave Mirbeau que viennent de rééditer les éditions du Lézard noir instaure sans peine un sentiment de malaise chez le lecteur, un peu comme les gens qui tiennent le bureau de vote du gymnase Léo Lagrange, à Chaville, ou une soirée télé « premier tour de l’élection présidentielle » en famille. Ce livre, écrit par un anarchiste un peu moins con que ses compères de l’époque, est à la fois une critique politique cinglante et un roman qui se boit comme du petit lait, un traité de botanique et un répertoire des pires tortures qui soient, décrites avec force détails. Les dessins de Florence Lucas viennent encore renforcer ces sentiments mêlés faits d’excitation et de dégout, avec une débauche réjouissante de vits qui jaillissent de fleurs. Conclusion : la nature est cruelle, les hommes sont cruels, et j’aurais pas eu à faire, encore une fois, un aller-retour spécial tristesse électorale en RER pour, au final, voter blanc, si j’avais eu la présence d’esprit de m’inscrire sur les listes à Paris avant le 31 décembre 2011. BARBIE D’AUBERVILLIERS