Ce que nos collègues européens pensent de l'élection présidentielle
Photo de couverture via le Flickr de DIE LINKE. Landesverband Baden-Württemberg dielinkebw

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Élections 2017

Ce que nos collègues européens pensent de l'élection présidentielle

Sans surprise, nos camarades de VICE Europe sont à l'image de nombreux journalistes français : ils ne veulent pas d'une sortie de l'Union européenne.

L'histoire est bien connue. Les journalistes français sont majoritairement de gauche – ce que certains sondages ont d'ailleurs montré par le passé. De là découlent des tombereaux de critiques plus ou moins justifiées – sur l'acoquinement des éditorialistes et des patrons de presse avec les puissances d'argent, sur le regard biaisé que portent les journalistes sur la question migratoire, sur la défense inconditionnelle du libéralisme économique le plus dévastateur –, critiques qui vont de pair avec l'explosion de médias alternatifs sur Internet, permettant à tout un chacun d'exprimer librement ses convictions. Mais qu'en est-il des journalistes du continent européen, au sein duquel de nombreux pays connaissent les mêmes turbulences politiques que notre Hexagone ?

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Eh bien, il en va plus ou moins de même – enfin, à l'échelle de VICE, entendons-nous bien. Après avoir soumis nos collègues à la question lapidaire : « Que pensez-vous de l'élection présidentielle française ? », on a constaté qu'ils craignaient très largement une élection de Marine Le Pen. On a donc tenu à restituer leurs propos tels quels, afin de lever le voile sur ce que peuvent penser des jeunes Européens plutôt « connectés » d'une élection qui se cristallise, chez eux aussi, autour de la figure de la présidente du Front national.

ROUMANIE

« Les Roumains ont toujours eu une relation assez spéciale avec la France. Si nous considérons que vous êtes arrogants et que vous nous piquez nos meilleurs docteurs, nous savons que vous les payez beaucoup mieux que nous, et vous respectons pour cela.

J'imagine que ça ne vous surprendra pas de lire que Marine Le Pen nous paraît être le pire choix possible. En plus de son hostilité à l'encontre des migrants, elle est proche de Poutine – ce qui ne peut être qu'une mauvaise nouvelle pour nous, quand on jette un coup d'œil à nos relations difficiles avec la Russie.

Je prie pour que les Français réfléchissent et ne votent pas pour le Front national. Ce serait un désastre pour l'Union européenne, surtout après le Brexit. En Roumanie, le soutien à l'UE est plus fort qu'ailleurs car nous savons que l'alternative n'est autre que Vladimir Poutine. Pour moi, Le Pen serait le pire choix possible, que ce soit pour l'Europe ou pour la Roumanie. »
– Gabriel Bejan

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PAYS-BAS

« Nous sommes dans le même merdier, vous savez. Toute votre élection semble se concentrer sur le Front national et ses chances d'arriver au pouvoir. De notre côté, il en allait de même il y a un mois lors de nos élections législatives. Geert Wilders – notre version de Marine Le Pen – était proche de la victoire. Même s'il n'a pas triomphé et que son objectif de « printemps patriote » a du plomb dans l'aile, il n'en était pas loin. Faites attention, les Français ! »
– Ewout Lowie

SUISSE

« Nous nous sentons liés à la France, ne serait-ce que parce que de nombreux Français travaillent dans l'ouest de la Suisse. De plus, 200 000 citoyens suisses vivent sur votre territoire, ce qui en fait la diaspora suisse la plus importante au monde. Après, nous nous sentons tout de même un peu à part. L'incident diplomatique le plus grave de notre histoire récente avec la France a eu lieu lorsque l'armée suisse a pompé de l'eau dans le lac des Rousses en Franche-Comté sans prévenir les autorités… Nous ne faisons pas partie de l'Union européenne, et n'avons donc pas vraiment grand-chose à craindre de l'élection de Marine Le Pen. Après, les progressistes de notre pays s'inquiètent tout de même des possibles conséquences d'une telle élection au niveau européen. »
– Kamil Biedermann

ITALIE

« Vous savez, quand on est Italien, on pense toujours que le système politique le plus corrompu et bordélique au monde est le nôtre. Nous voyons les Français comme des cousins certes un peu détraqués mais tout de même beaucoup plus stables que nous.

Après, je ne sais pas vraiment ce qu'il va se passer après 2017 et votre élection. J'aimerais dire que je ne comprends pas comment une candidature extrémiste peut être en passe de l'emporter, mais je le comprends parfaitement, en fait. J'ai bien peur que son succès – relatif ou absolu – ne donne un coup de fouet aux partis xénophobes italiens. Votre gauche semble tellement apprécier de se saborder qu'elle ne nous paraît que très peu audible. Après, il y a Macron, qui semble prouver que votre électorat s'est droitisé. Et puis on ne peut s'empêcher de sourire en constatant que vos candidats semblent faire une compétition de celui qui aura le plus de mises en examen. Tout cela nous est familier. »
– Flavia Guidi

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DANEMARK

« Votre pays est dans la merde, mais autant que les autres pays dans le monde. Vous avez Donald Trump d'un côté, Vladimir Poutine de l'autre. Sinon, vous avez la Grande-Bretagne, qui a décidé d'abandonner tout le monde pour se complaire dans sa propre xénophobie. Même notre petit Danemark est dans la merde.

Bien sûr, votre système politique a toujours eu le chic pour dramatiser n'importe quelle élection – ce qui a sans doute à voir avec votre histoire tumultueuse, faite de guillotines et de bains de sang. Aujourd'hui, vous devez choisir entre de nombreux candidats accusés de népotisme, tout en prenant en considération des questions majeures – par exemple la lutte contre le terrorisme, qui semble diviser en profondeur votre pays. Je n'ai pas grand-chose à vous dire, hormis de vous souvenir que vous êtes l'un des terreaux de la démocratie. Ne nous laissez pas tomber, s'il vous plaît. »
– Alfred Maddox

ALLEMAGNE

« Pour être tout à fait honnête, je dois dire que les Allemands n'ont pas vraiment pensé aux Français au cours des dernières années. De la question de la dette grecque à la crise des réfugiés, l'Allemagne a souvent tout géré elle-même au niveau européen. François Hollande n'a jamais été écouté de ce côté de la frontière, c'est comme ça.

Aujourd'hui, ce désintérêt disparaît, mais pour une mauvaise raison : Marine Le Pen inquiète pas mal de gens par ici. J'ai bien peur que pas grand monde ne mesure à quel point une sortie de la France de l'UE serait catastrophique. Un retour au XIXe siècle, en gros. Les gens feraient mieux de se souvenir de la raison qui a poussé ces deux pays à s'unir dans les années 1950. »
– Matern Boeselager

AUTRICHE

« Vous savez, nous ne connaissons pas vos 11 candidats. C'est énorme, d'ailleurs. Nous nous concentrons seulement sur ceux qui ont une chance de l'emporter – ce que vos médias font également, si j'en crois ce qu'on me dit. On peut dire sans trop s'avancer que Marine Le Pen est la candidate la plus connue dans notre pays – peut-être est-ce la seule.

Au cours de nos dernières élections, près de 50 % des électeurs ayant voté ont donné leur suffrage à Norbert Hofer, notre candidat de droite. J'imagine donc que la moitié de notre pays adorerait que Mme Le Pen l'emporte, tandis que l'autre moitié préfère ne pas y penser. Après, hormis quelques optimistes béats et quelques pessimistes catastrophistes, tout le monde est à peu près sûr d'une chose : l'heure n'est pas encore venue pour la France d'avoir une femme à la tête de l'État. »
– Hanna Herbst