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Quand l'Armée américaine voulait équiper ses soldats de slips intelligents

Sur les champs de bataille du futur, votre slip vous sauvera peut-être la vie.
Photo: Shutterstock

Oubliez les exosquelettes futuristes censés incarner le futur des tenues militaires. Pour vraiment comprendre ce que pourraient porter nos soldats à l'avenir, il faut penser à ce qui se cache en dessous du gilet pare-balles camouflage. En gros : aux sous-vêtements.

Plus spécifiquement, il faut se souvenir d'un slip, apparu dans la revue Analyst en 2010. En dépit de son apparence tout à fait banale, puisqu'il ressemble franchement à un slip blanc classique, ce slip pourrait bien vous sauver la vie. C'était un slip intelligent ; une sorte d'Apple Watch pour vos parties génitales, en somme.

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Tout commence par une bourse de 1,6 millions de dollars attribuée par le Bureau de recherche navale américain en 2008. Le lauréat en fut Joseph Wang, un professeur de nano-ingénierie de l'université de San Diego, qui se donnait pour objectif d'inventer un « hôpital de campagne qui tiendrait sur une puce ». Implanté sur un vêtement, son système comporterait des capteurs analysant en permanence le sang, la sueur et les larmes du soldat qui le porterait pour s'assurer de son état de santé. Il contiendrait aussi des médicaments capables de traiter les éventuelles blessures du soldat.

Avançons jusqu'à l'année 2010, quand Analyst publia un article évoquant l'un des endroits où un tel système pourrait être implanté : les sous-vêtements. Des chercheurs avaient en fait installé des capteurs chimiques dans l'élastique d'un slip. La raison de ce choix tenait au fait que l'élastique reste relativement immobile même lorsque le porteur se déplace. En outre, il est en contact direct avec une zone de forte sudation.

Malgré ces recherches prometteuses, rien n'indiquait que les slips militaires conçus par Wang aient un véritable avenir. Il a d'ailleurs décliné ma demande d'interview par email, expliquant que le projet n'était « plus une priorité. » Il n'a jamais répondu aux nombreux messages que j'ai laissés sur son répondeur pour obtenir davantage de précisions.

Pour autant, l'idée de base n'a pas été abandonnée, et des chercheurs financés par le Département de la Défense des Etats-Unis travaillent aujourd'hui encore sur de tels vêtements destinés à être portés sous l'uniforme, qu'il s'agisse de brassières ou de sortes de patches adhésifs.

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"Souvent, une entreprise repère un produit intéressant et en équipe immédiatement ses employés, sans vraiment s'interroger sur les problèmes que cela peut poser en termes de vie privée."

Prenons par exemple les « biocapteurs auto-alimentés » développés actuellement par la Defense Health Agency ("Agence de santé de la Défense"). Au lieu d'être implantés dans l'élastique d'un slip, ces capteurs, qui analysent les signes vitaux, l'activité et le sommeil de celui qui les porte, se situent plus près du torse. Selon le Lieutenant-Colonel Mark Mellott, le prototype ressemble à une sorte de strap.

Pendant ce temps-là, FlexTech Alliance, une entreprise d'électronique imprimée, a reçu 75 millions de dollars de financement de la part du Département de la Défense en août dernier. Selon son directeur, Malcolm Thompson, l'entreprise ne s'intéresse pas spécifiquement aux sous-vêtements, mais travaille beaucoup sur l'analyse des biomarqueurs. Actuellement, elle est en train de développer un match qui recueille de la sueur et qui est particulièrement efficace lorsqu'il est placé dans le creux des reins, explique Thompson.

Contrairement à l'idée initiale (un hôpital contenu dans une puce, donc), ces appareils ont avant tout une visée préventive. Par exemple, Mellott affirme qu'en mesurant la qualité du sommeil des soldats, sa brassière pourrait permettre de déterminer qui est apte à se rendre sur le terrain ou non.

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Thompson ne dit pas le contraire.

« Le Département de la Défense a identifié des biomarqueurs qui nous renseignent non seulement sur l'état de fatigue et de stress de l'individu, mais aussi sur ses capacités cognitives, explique-t-il. Ils sont très intéressés à l'idée d'utiliser ces données pour savoir si un pilote ou un pilote de drone, par exemple, est capable de prendre les bonnes décisions. »

C'est là que l'on bascule du côté potentiellement inquiétant de la surveillance des biomarqueurs. Qu'elle soit collectée par l'intermédiaire de vos sous-vêtements ou d'un simple patch, votre sueur est convertie en données. Et, comme le signale justement la consultante en sécurité Rebecca Herold, la question devient alors : qui a accès à ces données ?

« Est-ce qu'une compagnie d'assurances pourrait obtenir les données recueillies sur un soldat en plein service ? Est-ce que cela affectera ses tarifs, ou le type d'assurances qu'elle lui proposera ? Et que se passe-t-il si un employeur y a accès ? », s'interroge-t-elle.

Mellott a bien conscience de ces problèmes.

« Nous nous assurons que tous nos clients sont conscients de leurs responsabilités, et nos appareils sont équipés de systèmes de sécurité très solides », affirme-t-il, avant d'ajouter que chaque phase de recherche, de test et d'acquisition fait l'objet de très nombreuses inspections et d'un contrôle extrêmement rigoureux.

Malgré tout, Rebecca Herold s'inquiète d'une tendance de plus en plus récurrente dans le secteur privé, s'agissant des vêtements connectés.

« Souvent, une entreprise repère un produit intéressant et en équipe immédiatement ses employés, sans vraiment s'interroger sur les problèmes que cela peut poser en termes de vie privée », dit-elle.

En soi, c'est déjà assez flippant si votre appareil biométrique se trouve autour de votre poignet. Mais ça l'est encore bien plus s'il est dans votre slip.