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Les mystères de la plante carnivore la plus rapide du monde

Des scientifiques tentent de comprendre comment l'utriculaire peut aspirer sa proie avec une force près de 600 fois supérieure à celle de la gravité.

Nous avons tendance à penser que le règne végétal est le royaume d'êtres paisibles, capables de proliférer sans avoir recours aux comportements violents que l'on trouve chez les animaux, comme tuer pour se nourrir. Pourtant, cette intuition est trompeuse ; d'ailleurs, elle néglige de prendre en compte le cas de plus de 600 espèces de plantes carnivores qui doivent tendre des pièges à leur proie pour survivre.

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Ces plantes carnivores ont développé toute une gamme de mécanismes différents pour capturer leur nourriture. On recense les pièges à clapet (utilisé par la Dionée attrape-mouche par exemple, qui referme brutalement ses feuilles sur sa proie) ou les pièges gluants (les insectes sont piégés dans une poche avant d'être décomposés par des enzymes digestives). Quelques-unes des espèces les plus remarquables utilisent quant à elles des pièges utriculaires, qui leur permettent d'aspirer leur proie avec une force plus de 600 fois supérieure à l'accélération due à la gravité. Cependant, les scientifiques sont bien de peine de décrire en détail le fonctionnement de ce mécanisme.

Le phénomène de succion, ralenti 10 fois

Dans une étude récente parue dans AoB Plants, Simon Poppinga et ses collègues de l'équipe de biomécanique végétale de l'Université de Freiberg ont récapitulé l'état actuel des connaissances sur la physique de ce piège, capable de réaliser des mouvements extrêmement rapides sans l'aide de muscles ou de nerfs.

« Les pièges utriculaires font partie des structures les plus complexes du règne végétal », a déclaré Poppinga dans un communiqué. « Ils sont minuscules, leur mouvement de succion est ultra rapide, ce qui les rend difficiles à étudier. Il y a encore beaucoup de mystère autour du fonctionnement de ces dispositifs. Dans notre étude, nous avons cherché à rassembler toutes les informations biophysiques et structurelles pertinentes sur le sujet afin d'inspirer de nouvelles pistes de recherche. »

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Les pièges utriculaires sont réservés à un genre de plantes aquatiques et terrestres dont le nom est transparent, les Utricularia. Les plantes en question expulsent continuellement de l'eau depuis un petit réservoir en forme d'outre, ce qui crée un vide partiel à l'intérieur de celui-ci. Ce vide aspire les parois du réservoir qui stockent alors de l'énergie potentielle à la manière d'un ressort. À ce stade, le piège du réservoir est prêt. Il ne manque plus qu'un invertébré malchanceux le déclenche en touchant les « leviers » qui dépassent de la trappe du réservoir. La trappe s'ouvre alors brutalement, libérant l'énergie potentielle et provoquant l'aspiration de la proie, qui, prise au piège, sera ensuite digérée lentement par les enzymes de la plante.

La succion de l'utriculaire, ralentie 240 fois.

Toute l'opération se déroule en un centième de seconde. Pour cette raison, il a été très difficile de l'étudier jusque-là. Heureusement, comme le précisent Poppinga et ses collègues, les progrès en microscopie et la vitesse des caméras récentes nous offrent un aperçu de la technique d'aspiration incroyable employée par les utriculaires.

« Le grand avantage des microscopes modernes… c'est qu'ils nous permettent de voir distinctement les structures super fines qui permettent au piège de fonctionner, » explique Poppinga. « Nous pouvons observer son architecture avec une précision jamais obtenue auparavant. Si nous parvenons à comprendre comment l'utriculaire peut attraper sa proie avec une telle rapidité, cela pourrait donner lieu à des innovations techniques en biomimétique. »