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Comment je suis devenu supporter du RC Lens grâce à un album Panini

Tout a commencé avec des vignettes autocollantes.

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Dur de se souvenir précisément du moment où on est devenu supporter. Moi, ça s'est passé durant la saison 1997-98. A quel moment précisément ? Aucune idée. Tout ce que je sais, c'est qu'avant cela j'avais très peu d'intérêt pour le foot en général : à la maison on était plutôt basket. J'ai quelques bribes de souvenirs de matches vus à la télé : Fabien Barthez qui se couche sur un coup-franc un soir de Ligue des champions avec Monaco. Ça devait être en 1996. C'est à peu près tout.

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Mais difficile de passer à côté du foot en cette saison 1997-98. J'ai 7 ou 8 ans. La Coupe du monde sera chez nous dans les mois qui viennent. Et le Pas-de-Calais, où je vis, est en pleine agitation : le RC Lens joue les premiers rôles cette année en Division 1. Cette fois-ci, ce sera peut-être la bonne. Le club n'a jamais gagné le championnat (sauf si on compte les championnats chelous qui se jouaient en 1943-1944, mais c'est une période de l'Histoire assez trouble dans tous les cas).

En habitant à 100 kilomètres de Bollaert, l'épicentre du phénomène me semble à des années-lumière. Ce qui m'arrive entre les mains, c'est un album Panini. Il faut croire qu'il y a une telle émulation autour des Sang et Or en cette saison 1997-98 que même les filles de CM2 du Calaisis se prennent de passion pour Tony Vairelles et compagnie. Ma soeur a commencé à collecter les vignettes Panini et à les coller sur un album spécial RC Lens. Peu de temps après l'avoir commencé, elle me le lègue. Les Spice Girls avaient supplanté Eric Sikora.

L'album est à moitié complet. Il manque les jambes d'Hervé Arsène ou la photo officielle de Mickaël Debève. A l'époque, je pense que je le remplissais plus pour le côté ludique que par vraie passion pour le RCL. Si des enfants achètent encore des albums Panini aujourd'hui, c'est toujours pour ces petits rituels. Acheter les pochettes de vignettes chez le marchand de journaux ou au tabac du coin (qui coûtaient 3 francs à l'époque). Déchirer délicatement la pochette, sans arracher un bout de l'image par maladresse. Et encore, ça, c'était la partie facile : le casse-tête venait après. Coller droit. Aligner la vignette sur l'emplacement prévu à cet effet. Quand t'y arrivais, c'était une petite victoire. Un petit sentiment du devoir accompli. Le genre de truc qui aurait fait écrire un bouquin à Philippe Delerm s'il avait eu 8 ans en 1998.

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Bref, c'est surtout ça qui me mène à tenter de remplir cet album. Le côté collectionneur. On est en pleine période Pokémon après tout. Puis, petit à petit, j'apprends à reconnaître les joueurs. La gueule d'exilé yougoslave d'Anto Drobnjak. La gomina de Guillaume Warmuz. La ganache bien nordiste de Jean-Guy Wallemme. Le mulet de Tony Vairelles évidemment…

Les victoires des Sang et or n'étaient alors qu'une rumeur lointaine, d'adultes qui échangeaient sur les exploits de cette équipe à cent kilomètres de là. Mais je commence à lire les comptes-rendus dans la Voix du Nord les lendemains de matches, et à regarder les résumés sur France 3. Je vois les joueurs inanimés de mes vignettes Panini entrer finalement en action : l'équipe est bondissante, explosive, rageuse. Stéphane Ziani n'est pas qu'un mec brun à la gueule passe-partout : c'est une pile électrique qui s'arrache sur tout le terrain. Philippe Brunel n'a pas que l'allure d'un mec qui rentre tout juste de service militaire, c'est un ailier gauche aux centres tranchants.

Je n'ai aucun souvenir de ce match nul face à Auxerre qui nous offre le titre de champion de France 1998, de ce déboulé de Yoann Lachor sur le côté gauche qui fera déprimer les Messins sur plusieurs générations (Lens remportera le titre à la différence de buts, à égalité avec le FC Metz). Je l'ai vu des dizaines de fois par contre. Mon supportérisme passera en effet pas mal par le merchandising après ça, étant donné mon éloignement de Bollaert. Mon graal d'enfant de huit ans à l'époque est alors la VHS de la saison 1997-98 : tous les résumés de tous les matches, tous les buts de Drobnjak, toutes les passes de Ziani, tous les arrêts de Warmuz réunis en une heure de pur plaisir. C'est d'ailleurs visible sur YouTube :

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Les années qui suivent, je collectionne les produits dérivés. Outre les vidéos des saisons, j'aurais le droit à mon premier maillot en décembre 1998. Mon père me ramène la tunique sang et or floquée "Tony Vairelles" après être allé voir un Lens-Dynamo Kiev où on s'était pris un méchant 3-1 par Shevchenko et ses coéquipiers. C'était en semaine, j'avais pas le droit d'y aller. Après j'ai une écharpe, une casquette, un abonnement à Sang et or magazine. J'ai même eu un pyjama du RC Lens. Oui. Jugez-moi. C'est loin d'être le pire faux pas vestimentaire qui soit arrivé dans le Nord-Pas-de-Calais à la fin des années 1990.

L'étape d'après, c'était Bollaert forcément. J'en avais une image lointaine : "Le meilleur public de France", la Marek en fusion. Mais pour mon premier match à Bollaert, les Sang et Or n'étaient pas des joueurs de Lens. Non, mon premier match à Bollaert, c'était Calais-Bordeaux, demi-finale de Coupe de France 2000. Celle-là même où Cédric Jandau fusille Ulrich Ramé et où Mickaël Gérard fait chialer Dugarry. 3-1. Un beau souvenir, mais pas de quoi étancher ma passion pour le RCL.

Finalement, mon premier vrai Bollaert sera un Lens-OM remporté 2-0 sur un doublé de ce génie sénégalais de Lamine Sakho. Je me rappelle surtout du mur de brouillard provoqué par les fumis des Marseillais présents dans le parcage en-dessous.

Bollaert à l'occasion d'un Lens-Auxerre en 1999. (Photo Flickr/Guillaume Bavière)

Au fil des ans, Bollaert deviendra un de mes divertissements rares : une à deux fois par saison, j'accomplis les petits rituels qui me lient au RC Lens. L'américain merguez-frites Sensas d'avant-match, la Marseillaise lensoise, les Corons de la mi-temps, le clapping à la fin, avec un peu de chance. J'y ai vu des heures sombres, des échauffourées de supporters lors d'un Lens-Bordeaux de fin de saison où on descend en Ligue 2, des victoires faciles contre des équipes tristes de deuxième division, et ces derniers temps un bon lot de matches ennuyeux. Mais le plus important n'est pas là : peu importe l'équipe, Lens vaut plus que ses joueurs. On va à Bollaert pour le folklore, l'ambiance, pour les à-côtés, plus trop pour y voir du jeu. Et de ce point de vue là, on est toujours récompensé.

J'ai retrouvé récemment mon album Panini spécial RC Lens saison 97-98 dans un carton chez mes parents où il tenait compagnie à de vieux Planète Foot et Kop Football. Il était presque terminé, un peu écorné mais dans un bon état général. D'ailleurs, si jamais vous avez les vignettes 26, 52, 61, 64, 128 et 136, je suis preneur.

Adrien supporte aussi le RC Lens sur Twitter.