Ali Al-Habsi : le pompier du désert devenu portier en Premier League
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Ali Al-Habsi : le pompier du désert devenu portier en Premier League

Contre toute attente, cet ancien pompier du sultanat d'Oman est parvenu à remporter une Cup, et s'est imposé comme un des joueurs les plus attachants du foot anglais.

Selon un cliché éculé, il faut être un peu taré pour être gardien de but. Ali Al-Habsi, l'actuel portier de Reading, confirme à lui tout seul qu'il existe parfois un fond de vérité dans ces lieux communs. Ce gardien un peu spécial est né à Oman, un petit sultanat du Golfe persique, ce qui ne le destinait pas vraiment à jouer un rôle sur la scène du foot européen. Ce destin atypique lui a donné une aura extraordinaire dans son pays, dont il est devenu un porte-étendard depuis une décennie. Une source d'inspiration pour ses compatriotes, mais aussi pour les autres footballeurs au parcours sinueux car Al-Habsi n'a pas toujours eu la vie facile. Ceux qui galèrent pour réussir n'ont qu'à lire le texte qui suit pour en être convaincus.

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Ali Al-Habsi voue une reconnaissance éternelle à John Burridge, un ancien gardien de but passé par Southampton, Newcastle et Manchester City dans les années 80 et 90. Et pour cause, ce dernier lui a ouvert les portes du foot européen. Alors qu'il se rendait régulièrement dans les pays du Golfe pendant ses vacances, Burridge a découvert Ali Al-Habsi et a tout de suite cru en son potentiel. Il a donc oeuvré pour lui trouver une place dans son premier club européen, le Lyn Oslo, en Norvège, avant de poursuivre son travail de lobbying pour l'envoyer à Bolton, qui vivait alors ses heures de gloire sous les ordres de "Big Sam" Allardyce. A vrai dire, Burridge s'est lié d'amitié avec Al-Habsi et lui vouait une grande affection. Pas sûr qu'il pensait que cette proximité entre les deux hommes amènerait Al-Habsi à avoir une telle carrière.

Une carrière déjà savoureuse, mais qui prend tout son sens si l'on s'intéresse plus largement à la vie d'Al-Habsi, qui ne manque pas de piquant. Avant de devenir joueur amateur dans les équipes locales de Al Mudhaibi et Al Nasr, Al-Habsi a eu une première carrière, très éloignée des terrains pour le coup : après le lycée, le jeune homme est devenu pompier à l'aéroport international de Muscat, la capitale du sultanat. De cette période, il conserve de nombreux souvenirs, et a tiré de belles leçons qu'il a appliquées ensuite dans les cages des stades anglais : « C'était un choix que je ne regrette pas. J'adorais entendre l'alarme incendie se déclencher, cette sonnerie stridente rythmait mes journées, même si je n'ai jamais eu l'occasion d'éteindre un feu pas moi-même à proprement parler. C'était une expérience riche en enseignements, et si je n'avais pas eu l'occasion de me lancer dans le football, je serais resté pompier. »

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La première fois que le grand public a pu apprécier l'étendue du talent d'Al-Habsi, c'était lors d'une soirée européenne de la saison 2006-2007, lorsque Bolton, sur la lancée de l'exercice précédent, disputait la coupe de l'UEFA. Ce soir-là, les Wanderers se déplaçaient à l'Allianz Arena, l'antre du Bayern Munich. Pour le gardien de Bolton, habitué à jouer devant 500 pèlerins sur les terrains brûlés par le soleil d'Oman, jouer contre l'un des plus grands clubs européens aurait pu être une expérience intimidante, surtout qu'il s'agissait de sa seconde titularisation seulement. Il n'en a rien été. Il faut dire qu'Al-Habsi n'est pas homme à craquer sous la pression. Il a plus tendance à se sublimer.

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Il s'est en effet illustré à plusieurs reprises, notamment face à Frank Ribéry qui, au sortir d'une belle action, a envoyé une mine claquée en corner par Al-Habsi. Derrière, c'est au tour de Bastian Schweinsteiger de se heurter au portier. Sa frappe, qui semblait prendre la direction de la lucarne, a été sauvée du bout des doigts pas Al-Habsi. Sa performance XXL a donc permis à Bolton de repartir de l'Allianz Arena avec un joli nul 2-2, un résultat historique pour un club plus habitué à lutter pour le maintien qu'aux joutes européennes.

Etrangement, cette prestation n'a pourtant pas permis à Al-Habsi de s'installer durablement dans les cages de Bolton. 15 titularisations sur la saison, puis seulement deux sur les trois exercices suivants, un crève-coeur quand on connaît le talent de ce gardien. Mais Al-Habsi n'est pas du genre à piquer sa crise. Le bonhomme, conscient de sa chance, a toujours gardé les pieds sur terre : « A Oman, on est déjà heureux quand on peut regarder un match de Premier League à la télé. Moi, je les jouais ! Je n'imaginais pas que je puisse même atteindre ce niveau un jour, donc impossible de me plaindre. »

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Un comportement qui a payé sur le long terme puisqu'au terme de la saison 2010-2011, Al-Habsi a enfin eu la chance de prouver ce qu'il valait sur la durée. Il a été prêté pour toute la saison à Wigan, alors en pleine crise sportive. Le club flirtait avec la relégation, et sans les multiples arrêts d'Al-Habsi, Wigan serait sûrement redescendu en Championship. Avec le portier d'Oman dans ses cages, le club est parvenu à arracher le maintien lors de la dernière journée de championnat grâce à un victoire à Stoke. Al-Habsi a été désigné joueur de la saison, une récompense qui lui a valu d'être définitivement transféré chez les Latics.

Une belle reconnaissance pour Al-Habsi, qui, à première vue, ne lui offrait pas les mêmes opportunités de briller que lors de son passage à Bolton. Pourtant, c'est bien avec Wigan qu'il a remporté son premier trophée en Angleterre. En 2013, à la fin d'une saison pourrie, Wigan, sur le point d'être relégué en deuxième division, a paradoxalement brillé en Cup, puisque les coéquipiers d'Al-Habsi ont remporté le trophée, battant Manchester City en finale sur un but de Ben Watson à la 88e minute. Même si le petit gars d'Oman n'a pas joué cette finale, il a eu un rôle déterminant dans les qualifications aux tours précédents.

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D'ailleurs, personne n'a oublié l'importance d'Al-Habsi dans ce succès, et surtout pas Ed Jones, l'attaché de presse de Wigan. Ce dernier a exprimé toute sa gratitude envers le gardien en pleine euphorie de la victoire en lui tendant le drapeau d'Oman qu'il avait amené exprès au stade pour l'occasion. Il se souvient d'un moment d'émotion : « C'était un moment magnifique pour nous tous, Ali compris. J'avais pris le drapeau d'Oman, et je lui ai déposé sur les épaules. Je pouvais voir toute la fierté qui émanait de lui, ce jour-là, il était un peu l'ambassadeur de son pays. »

L'ambassadeur a longtemps représenté avantageusement son pays, en totalisant 118 sélections, dont beaucoup en tant que capitaine, mais aussi en remportant la médaille d'argent de la Coupe des Nations du Golfe 2009. Hors du terrain aussi, Al-Habsi s'est montré très classe, en créant une ONG, Safety First, qui lutte contre la mortalité liée aux accidents de la route, et ajoute même que c'est le moins qu'il puisse faire pour sa communauté.

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Wigan a été finalement relégué après son triomphe en Cup, et n'est jamais remonté depuis, son seul fait d'armes se limitant à compter Will Grigg dans son effectif. Al-Habsi, lui, est d'abord parti à Brighton and Hove Albion, avant d'être définitivement transféré à Reading en 2015. Il s'est rapidement rendu indispensable aux yeux de Jaap Stam dans la course à la remontée, un objectif qui continue de faire rêver comme un gosse le portier de 35 ans. Quand il parle de la première division, Al-Habsi est aussi enthousiaste qu'humble et plein d'humour sur sa situation : « Mon rêve, c'est de revenir en Premier League. J'ai vécu tellement de beaux moments dans ce championnat, je suis prêt à rejouer à ce niveau d'intensité. Et puis, il faut parfois accepter de reculer pour mieux avancer ensuite ! »

Par son palmarès, son caractère et son vécu, Al-Habsi est devenu une figure à part dans le paysage footballistique anglais, n'en déplaise à ses détracteurs qui critiquent sa carrière assez surprenante. Alors qu'il approche de la retraite, le gardien d'Oman peut se retourner sur sa vie avec fierté. Nul doute que d'ici quelques années, comme l'a fait John Burridge pour lui, il arpentera les terrains d'Oman et du Golfe à la recherche d'un gamin du désert pour l'aider à réaliser ses rêves de Première Ligue.