Dans la chambre des jeunes Français qui vivent toujours chez leurs parents
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Dans la chambre des jeunes Français qui vivent toujours chez leurs parents

Repas dominicaux, conquêtes sexuelles et chambre d'ado : des avantages et des inconvénients d'habiter chez ses darons à 25 ans.

Ce n'est un secret pour personne : les jeunes quittent la maison de leurs parents de plus en plus tard. En France, près de 4,5 millions de jeunes Français habitent toujours avec leurs vieux, ce qui représente près d'un jeune sur trois (dont l'âge oscille entre 18 et 34 ans) – dont 44 % d'étudiants. Si vivre au domicile familial semble assez logique pour les étudiants, ce phénomène semble plutôt subi par les autres.

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Quand on voit les chiffres, on se dit que le film Tanguy d'Étienne Chatiliez, sorti en 2001, était en quelque sorte un film d'anticipation – quoique plutôt optimiste. En effet le protagoniste, âgé de 28 ans, habite chez ses parents et refuse de quitter le domicile familial malgré sa bonne situation. En réalité, le constat est plus sinistre : les jeunes restent chez leurs parents parce qu'ils n'ont pas vraiment le choix. Avec des loyers de plus en plus absurdes dans les grandes villes et des emplois de plus en plus précaires, rester dans sa chambre d'adolescent semble être la meilleure des solutions – et s'avère souvent plus enviable que payer une fortune pour une cage à lapins ou se mettre en colocation avec un inconnu trouvé sur Internet.

Au fil du temps, ce phénomène est d'ailleurs devenu moins tabou en France, et il l'est encore moins en Italie – où près de 80 % des jeunes vivent encore chez leurs parents. Pour en savoir plus sur ces vingtenaires qui n'ont pas encore quitté le bercail, je suis allé en rencontrer quelques-uns.

Guillaume, 24 ans, Issy-les-Moulineaux.

VICE : Hey Guillaume, elle est cool ta frise de la NASA. Ça fait un bail que t'habites ici, non ?
Guillaume : Ça fait 20 ans cette année, et je t'avoue n'avoir jamais pris le temps de faire disparaître cette frise. Peut-être que je l'aime bien, finalement.

Il y a des caisses de rangement à tes parents dans ta chambre, ils essayent d'occuper ton espace pour te virer petit à petit ?
Il y a également deux-trois trucs à moi dedans. Je pense que c'est plus par défaut que pour me pousser dehors. Ça fait un peu plus d'un an que je bosse et mes parents sont assez cool avec le fait que je sois toujours ici pour le moment.

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OK. Et t'as envie de partir d'ici, toi ?
Bien sûr, j'aspire à plus d'indépendance et je vois vraiment le fait d'avoir un appartement, un « chez-moi », comme un accomplissement. Je vais faire le maximum pour déménager courant 2017.

Je vois. Qu'est-ce qui te plaît le plus ici ?
En dehors de l'attache sentimentale forte (ma famille, ma copine qui habite dans le coin, mes amis dans le quartier), il y a le confort du nid. L'aspect financier est également déterminant – j'ai pu mettre de la thune de côté et partir en voyage, ce qui m'aurait été impossible à faire avec un loyer à charge.

Et c'est quoi l'aspect le plus relou ?
Mis à part le fait que mon travail se situe à l'opposé d'ici, il y a le fait que je puisse difficilement recevoir. Je dois également respecter un certain nombre de règles à la maison, par respect pour mes parents et pour le bien de notre « cohabitation ». J'ai aussi l'impression d'être parfois gênant, bien que je mène ma vie de mon côté. Je me prends parfois les mêmes sermons que lorsque j'avais 16 ans. Ça pour le coup, c'est super relou.

Merci Guillaume !

Eva, 24 ans, La Celle-Saint-Cloud

VICE : Salut Eva, pourquoi habites-tu toujours avec tes parents ?
Eva : Pour pas mal de raisons – déjà parce que je m'entends super bien avec ma famille, parce qu'ils vivent à moins d'une demi-heure de mon boulot, mais aussi parce que je ne suis pas prête à lâcher 750 euros pour un 20 m2 avec moquette. Les loyers sont vraiment chers à Paris, donc ça ne me motive pas trop à partir vite.

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Tu bosses et tu ne payes pas de loyer – tu fais quoi avec tout cet argent ?
Je mets cet argent principalement dans mes voyages, sinon j'économise une bonne partie pour acheter directement un appartement et éviter de passer par la case location.

OK. Qu'est-ce qui te plaît le plus ici ?
La vie de famille, tout d'abord. J'ai une petite sœur très cool avec qui je passe beaucoup de temps et une maman avec qui je peux bien rigoler et discuter. Le confort ensuite, ma maison est plutôt cool et grande. Et pour finir, la cuisine… Ma mère est une très bonne cuisinière. C'est plutôt cool d'arriver le soir et de savoir que tu vas manger un bon wok de poulet aux ananas caramélisés.

Et qu'est-ce que tu aimes le moins ?
Les déjeuners en famille les lendemains de soirées trop arrosées…

J'ai mis une heure en train pour aller du nord de Paris jusqu'à chez toi. Comment tu fais quand tu sors sur Paris ?
Les trois-quarts du temps je rentre en Heetch car je préfère me réveiller chez moi, mais ça m'arrive de dormir chez une copine qui a son appart en ville.

J'ai croisé ta mère dans le salon, elle m'a dit – en se marrant – que c'est toi qui voulais rester ici et qu'elle voulait te chasser. C'est vrai ?
Non, pour le moment tout va bien ici. Maintenant je ne compte pas devenir Tanguy, je sais qu'il faudra bien décoller un jour.

Maxime, 23 ans, Paris 20ème.

VICE : Salut Maxime, quels sont les avantages de vivre encore à la maison de tes vieux ?
Maxime : Pas de loyer à payer, pas de factures, pas de courses tous les soirs. Je peux faire le ménage quand ça me chante, genre le dimanche soir pour bien attaquer la semaine. J'aime aussi débarquer et pouvoir demander ce qu'on mange ce soir ! Et bien sûr, le canapé king size, mon chien qui m'attend tous les soirs, et le poulet au curry de ma maman.

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Et c'est quoi qui te déranges le plus ?
Ne pas pouvoir agencer l'appart à mon goût, voir les mouchoirs de ma sœur traîner, et me faire piquer ma serviette de bain par mon père.

Tu m'as dit que ta copine habitait chez ses parents aussi, comment ça se passe avec elle ?
Je ne peux pas dormir chez elle, du coup. Mais chez moi c'est l'auberge espagnole, elle vient quand elle veut, la porte est ouverte. Ça nous permet de passer du temps ensemble avec ma famille, et c'est pour moi essentiel de partager ça avec eux.

OK. C'est pas un peu bizarre quand tu rentres chez toi bourré ?
Une fois, je suis rentré avec un ami et mon cousin, et les deux étaient intenables. L'un d'eux a vomi dans les toilettes pendant que l'autre faisait de même dans l'évier. Heureusement, mes parents ont trouvé ça plutôt drôle.

T'as envie de te tirer ? Ou tes parents commencent à en avoir marre de toi ?
Non, eux voudraient me garder le plus longtemps possible. De mon côté, honnêtement je suis bien, je n'ai pas à me plaindre. Mais c'est vrai que quand j'aurais les moyens ou quand mes parents en auront vraiment marre, je partirai. Mais pour l'instant, avec les économies que j'ai, je ne suis pas près d'avoir mon chez-moi.

Julien, 27 ans, Vitry-sur Seine.

VICE : Salut Julien, t'habites ici depuis toujours ?
Julien : Ouais ! J'ai toujours vécu ici. J'ai quand même fait un an et demi de vadrouille en Australie, puis je suis revenu m'installer avec mon père.

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La transition après l'Australie n'a pas été trop dure ?
Si, clairement. Après l'Australie, il a fallu réapprendre à vivre sous le toit familial. Je n'étais pas vraiment emballé, mais c'était finalement la meilleure solution pour me remettre sur pied financièrement.

En gros, t'es revenu chez ton père parce que tu n'avais pas de boulot en France ?
Oui. Quand je suis revenu ici, rien n'était très concret. Et bien sûr, je ne travaillais pas. Maintenant, je bosse à la SNCF.

Puisque tu bosses maintenant, tu payes une espèce de loyer réduit à ton vieux ?
Je paye un loyer symbolique. On s'est mis d'accord avec mon père pour que ça soit un prix qui nous convienne à tous les deux. Au final, je me sens mieux en payant. J'ai l'impression que c'est plus réglo vis-à-vis de lui et ça me donne la sensation d'avoir mon mot à dire dans la vie à la maison.

C'est quoi la meilleure chose quand on habite à la maison familiale ?
Peu importe ce que je peux faire en semaine ou si je m'en vais le week-end, c'est toujours bon de pouvoir rentrer le soir dans la maison où tu as grandi. C'est un peu mon point de repère. J'ai tellement de souvenirs ici. Je peux aussi faire des grosses soirées, parce qu'on a de l'espace et un jardin.

Et la pire ?
Les petites manies de mon père et le fait que je dois les respecter, plus ou moins.

Quand tu rencontres quelqu'un – une fille dans un bar par exemple –, c'est gênant de dire que t'habites sous le même toit que ton daron ?
En vrai, j'étais gêné au début. Mais je me suis rendu compte que ça me permettait d'économiser de l'argent et de pouvoir quitter le nid quand je serai sûr d'avoir quelque chose de solide derrière.Malgré tout, c'est vrai que t'es quand même gêné quand tu dis à quelqu'un que t'as 27 ans et que tu habites toujours chez ton père. Mais je ne le cache jamais.

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T'as envie de te tirer ?
Oui, j'ai envie de partir depuis quelque temps, et ça ne va pas tarder. Même si je ne suis pas vraiment pressé de payer 600 balles pour un 16 m²… Je reviendrai quand même faire un tour dans ma chambre de temps en temps.

Capucine, 21 ans, Neuilly-sur-Seine.

VICE : Hey Capucine, pourquoi habites-tu toujours avec tes parents ?
Capucine : Déjà, il y a l'avantage financier du loyer et des courses. Je suis étudiante en troisième année de graphisme ; être ici, ça me permet de ne pas devoir avoir de petit job à côté pour me payer des trucs. Je suis chez mes parents, mais j'ai quand même ma chambre et mon espace perso.

Et tu t'y plais bien ?
Je m'entends bien avec mes parents, et en étant ici je peux échanger avec eux et avoir leur avis sur mon travail, par exemple. Et j'ai mon café tous les matins. C'est un peu une colocation, mais avec plus de règles.

Je vois, et tes potes aussi crèchent au domicile familial ?
C'est vraiment 50-50 ! Mais c'est vrai que ceux qui sont dans le même cas que moi ont commencé à chercher des apparts.

C'est quoi qui te dérange le plus en vivant ici ?
Je ne sais pas si je dois parler d'abord des règles de vie ou des remarques quotidiennes, mais bon c'est vrai que je dois souvent composer avec des ordres de type « Range ta chambre ».

Tu penses rester encore combien de temps ?
Je ne sais pas, on verra.

Mais t'as envie de te tirer ou pas ?
Oui bien sûr ! Comme tout ceux qui sont dans mon cas, je pense.

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