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J’ai été un baron de l’Oxycontin pendant mon adolescence

Douglas Dodd a été un acteur majeur de la scène des analgésiques en Floride, avant d’être arrêté par les fédéraux et de se voir contraint de reprendre sa vie en main.
Photo : Michael Williamson/The Washington Post/Getty Images. Photo via Douglas Dodd

En apparence, Douglas Dodd avait tout l'air d'un gamin droit et honnête, pleinement consacré à l'équipe de lutte de son lycée, situé près de Tampa, en Floride. Pourtant, à l'âge de 17 ans, le jeune athlète s'est mis à acheter 100 pilules d'Oxycontin à la fois, dans le seul but de les revendre à ses amis. Il est parvenu, en l'espace de deux ans, à former un réseau de trafic d'opioïdes avec l'aide d'un ami proche, Lance Barabas. Ensemble, ils ont expédié des commandes partout dans le pays, recevant souvent le paiement sous la forme d'ours en peluche bourrés d'argent.

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Pendant un temps, Dodd a eu le vent en poupe, avant de faire preuve d'imprudence en étendant son opération à 20 000 pilules par mois, ce qui lui a valu, en 2009, de se faire pincer par les autorités fédérales.

Au moment où l'adolescent a commencé à purger une peine de prison de 80 mois, la presse a été inondée de gros titres portant sur l'épidémie d'opioïdes aux États-Unis, et Dodd a décidé d'apporter son témoignage. Bien sûr, Hollywood raconte depuis toujours des histoires d'ascension et de chute de jeunes barons de la drogue, mais il existait jusqu'à présent peu de récits détaillés sur les jeunes qui se consacrent à la vente de produits pharmaceutiques tels que l'Oxycontin. Dodd a fini par entamer une correspondance avec le journaliste Guy Lawson, qui a écrit un long reportage sur lui pour Rolling Stone, qui devrait faire l'objet d'une adaptation cinématographique.

Mais c'est une chose de voir quelqu'un dramatiser votre descente dans la drogue et le crime, et c'en est une autre de le faire vous-même – et de gagner de l'argent pour retomber sur vos pattes dans le processus. C'est ce que Dodd essaye de faire avec son livre, Generation Oxy: From High School Wrestlers to Pain Pill Kingpins, à paraître ce mois-ci. J'ai récemment discuté avec Dodd – qui vient tout juste de sortir de prison et a le vertige à la perspective d'une existence légitime – par téléphone. Nous avons abordé son commerce de pilules, et sa réintégration dans la société.

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Voici ce qu'il avait à dire.

VICE : Y a-t-il quelque chose qui te prédestinait à la vente de pilules d'Oxycontin ?
Douglas Dodd : Mon oncle a fait de la prison pour trafic de drogue. J'ai été élevé dans cette atmosphère, dans cet environnement. Mes parents ont divorcé quand j'avais cinq ans, et les petits amis et maris de ma mère ont toujours baigné là-dedans – ma mère est en quelque sorte une alcoolique, et faisait beaucoup la fête. C'était la culture dans notre famille. Dès mon plus jeune âge, je leur piquais de la weed, et j'ai fini par avoir des ennuis. Ma mère et moi étions à couteaux tirés, alors je vivais chez ma grand-mère.

J'avais un cousin qui avait environ dix ans de plus que moi et qui vivait dans la même rue que ma grand-mère. Il est tombé dans le trafic d'analgésiques. J'allais à l'école, je n'avais que des 20. [Mais ma grand-mère] me laissait traîner avec lui. J'ai essayé une ou deux pilules et ma consommation est devenue occasionnelle. J'ai rencontré des gens qui prenaient des pilules et qui en cherchaient. J'en ai parlé à mon cousin, qui m'a rencardé avec un vieux motard. J'ai fini par lui acheter 100 pilules pour les revendre. J'ai commencé à établir un réseau et mon business a évolué rapidement.

J'ai moi-même fait de la prison pour trafic de drogue quand j'étais jeune. Comment as-tu réussi à faire face aux moments difficiles à un si jeune âge – comment t'es-tu senti là-bas ?
C'était effrayant. Je ne savais pas à quoi m'attendre – je ne connaissais pas vraiment la différence entre prison fédérale et prison d'État avant d'avoir des ennuis. J'ai tout simplement fait profil bas. Il se passe beaucoup de choses là-bas et il est difficile de ne pas se laisser porter – qu'il s'agisse de traîner, parier ou autres joyeusetés. Mes potes passaient leur temps sur les terrains de basket ou de foot, tandis que je restais à la bibliothèque pour lire.

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En prison, comment t'es-tu préparé à une éventuelle libération ?
J'ai obtenu un master en développement personnel. J'ai appris l'espagnol. J'ai suivi des formations en communication d'entreprise et en système de réfrigération CVCA. J'ai utilisé autant de temps que je pouvais pour me préparer pour la suite. Je voulais pouvoir sortir et ne pas rencontrer de difficultés, même si c'est presque impossible. J'ai écrit le livre et j'ai essayé de m'améliorer. J'ai suivi tous les cours possibles – que ce soit l'immobilier, l'économie, l'import-export. Je me suis amélioré mentalement, physiquement et émotionnellement.

Outre les particuliers qui revendent des pilules sur le marché noir, quel est ton point de vue sur les causes de l'épidémie d'opioïdes, que le gouvernement vient de qualifier d'urgence de santé publique ?
La cupidité des entreprises, la politique, l'argent – cela résume la situation de la manière la plus simple qui soit. Ils ont alimenté cette idée selon laquelle les trafiquants de drogue, c'est-à-dire les gens comme moi, sont mauvais. Lance va passer 15 ans en prison – ils voulaient le condamner à la perpétuité. La perpétuité pour un gamin de 20 ans qui a vendu des analgésiques et n'a jamais été arrêté avant…

Tu es sorti il y a quelques années maintenant. Que fais-tu à présent ? Ton existence est-elle vraiment différente d'avant ?
[La sortie du livre] pose les bases. Je veux créer [une fondation] et [travailler] dans deux domaines différents, à savoir l'assistance aux toxicomanes et la sensibilisation. Je veux voyager à travers les États-Unis et aborder le sujet dans différentes universités. Je viens de lancer un site web qui donne une vue d'ensemble de l'histoire et de l'actualité. Je veux m'associer à des produits pouvant aider les personnes souffrant d'une dépendance aux opioïdes et, à terme, ouvrir un centre de traitement.

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Depuis que je suis sorti, j'ai obtenu un diplôme de logistique et gestion de la distribution dans un collège technique, via Apex – l'organisation leader dans la gestion de la chaîne d'approvisionnement. À l'heure actuelle, il me reste quatre cours avant de passer mon diplôme en communication d'entreprise.

Qu'est-ce que tes proches pensent du livre et du film ?
Je fais face à des émotions mitigées selon à qui j'en parle. [Certaines personnes] sont vraiment heureuses pour moi, mais j'ai aussi des haters. Beaucoup de gens n'ont pas eu la chance de lire mon livre. Et pour autant que je sache, le film est en pré-production. Mark Mallouk en est le scénariste. Il vient tout juste d'écrire le film Black Mass avec Johnny Depp. Il m'a dit que je ferai office de producteur. Mon but est de jouer dedans. Je veux un rôle mineur. Je veux être l'entraîneur, le procureur ou le flic. Je suis à peu près sûr de faire une apparition, mais dans un petit rôle.

D'un point de vue réaliste, qu'est-ce que les gens doivent retenir de ce livre, à part une mise en garde ?
Nous venons tous de différents horizons et nous commettons tous des erreurs. Je veux vraiment attirer l'attention des gens [sur le fait] que n'importe quel gamin peut terminer en prison. L'incarcération de masse est ridicule. C'est un système d'entreposage humain qui ne fait que créer plus de problèmes au sein de la société. J'estime que la société doit donner une deuxième chance aux délinquants non-violents.

Le livre de Douglas Dodd est à paraître ce mois-ci aux éditions Skyhorse Publishing.

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