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FRANCE

Attentat de la rue Copernic : Pourquoi un professeur canadien a été extradé vers la France

Une moto explose devant une synagogue parisienne et fait 4 morts, le 3 octobre 1980. Trente ans après, la justice française pense tenir un suspect.
Synagogue de la rue Copernic. Photo via Wikimedia Commons / Mu

Hassan Diab jure qu'il n'est pas Hassan Diab. Le professeur qui enseigne la sociologie dans une université canadienne d'Ottawa se défend d'être l'auteur d'un attentat à la bombe à Paris dans les années 1980. Il serait victime d'une homonymie avec un suspect que traque la France. Le pays a obtenu des autorités canadiennes l'autorisation d'extrader Hassan Diab.

Depuis 2008, date à laquelle la justice française convint les autorités canadiennes de l'arrêter, Hassan Diab a clamé son innocence et multiplié les démarches pour ne pas être extradé par le Canada vers la France. Ce jeudi, la cour suprême du Canada a refusé de se saisir de son dossier d'appel de son extradition. Détenu depuis mercredi, il est arrivé en France le week end dernier.

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Dans un communiqué publié juste après la décision de la Cour suprême, l'enseignant dit être profondément choqué. Il confie « avoir vécu un cauchemar Kafkaïen depuis six ans ». L'affaire pour laquelle il va être entendu par la justice française remonte, elle, à plus de trente ans.

Le 3 octobre 1980, un vendredi, la synagogue de la rue Copernic, dans le XVIe arrondissement de Paris, est pleine de fidèles venus célébrer la bar-mitsva de quatre adolescents. À 18h40, en plein pendant la cérémonie, une explosion se fait entendre. C'est une bombe qui a éclaté juste devant la synagogue. Elle était placée dans une sacoche, accrochée à une moto garée devant l'édifice religieux. La détonation fait quatre morts, un motard, un gardien d'immeuble, un passant et une journaliste. Quarante personnes sont blessées. Le souffle de l'explosion a ravagé la rue. Certains éléments de l'enquête laissent penser que la bombe était réglée pour exploser quelques minutes plus tard, à la sortie des fidèles.

Les pistes envisagées penchent d'abord du côté de l'extrême droite, confusion motivée par le nombre de mouvements clandestins possiblement suspects. L'Europe entre alors dans la dernière partie de ses « années de plomb », deux décennies marquées par un activisme politique violent, voire terroriste, avec une série d'attentats parfois accomplis sous faux pavillon.

Dans un article de 2008, le journal L'Express explique que les enquêteurs se sont ensuite tournés vers la piste d'une branche « opérations spéciales » d'une organisation terroriste et politique, le Front Populaire de la Libération de la Palestine (FPLP-OS).

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L'enquête fait une avancée significative en 2007, date à laquelle le magistrat français Marc Trévidic décide de relancer le dossier. Il va identifier un suspect sur la base de plusieurs indices. Trévidic, est connu depuis le début des années 2000 pour son travail au pôle antiterrorisme (affaires de l'attentat de Karachi, assassinats des moines de Tibhirine).

Ce que l'on peut attendre de l'autopsie des crânes des moines de Tibhirine. À lire ici.

Les informations dont il dispose pour son dossier sont d'abord celles obtenues en remontant la piste de la moto à l'époque de l'attentat. Des témoins ont aidé à établir le portrait-robot de celui qui a garé la moto devant la synagogue. Mieux, le numéro de série de la moto permet de remonter jusqu'au vendeur qui, lui, permet de remonter jusqu'au passeport chypriote utilisé par l'acheteur : Alexandre Panadriyu. Le passeport est faux, et son propriétaire a quitté son hôtel, mais une prostituée qui a passé la nuit avec lui donne une description qui colle avec celle du motard. Des analyses graphologiques et des recoupements avec différents services européens permettent de resserrer le spectre des suspects au fil des ans. Le profil qui se dégage se rapproche de celui d'un certain Hassan Diab, véritable identité d'Alexandre Panadriyu. Pour l'identifier, la France a par exemple eu accès à des dossiers du FPLP-OS, détenus par les autorités allemandes.

En 2007, forts de ces éléments, les services secrets, la brigade criminelle et Marc Trévidic retrouvent un Hassan Diab, un professeur de sociologie libano-canadien de l'université d'Ottawa, âgé de 54 ans. Il est suspecté d'être cet ancien membre du FPLP-OS, d'avoir acheté la moto et fabriqué la bombe de l'attentat de la rue Copernic. L'année suivante il est arrêté à Ottawa par la police canadienne à la demande de la justice française, le 13 novembre 2008. Depuis, il conteste être cet Hassan Diab là, celui que la France recherche. Il avance que son patronyme est particulièrement répandu.

Hassan Diab est libéré en 2009 sous contrôle judiciaire très strict. Les échanges entre la France et le Canada se poursuivent. En 2011, la justice Canadienne autorise l'extradition, tout en indiquant que le contenu du dossier français est faible. La décision de ce jeudi met fin aux possibilités d'appel. Le ministre canadien de la justice, Peter MacKay a indiqué dans un communiqué que l'extradition aura lieu dans les 45 jours maximum.

Suivez Etienne Rouillon sur Twitter @rouillonetienne

Photo via Wikimedia Commons / Mu