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Sports

​Consolat : l'autre club de Marseille, loin de l'OM

Prétendant sérieux à la montée en Ligue 2, le Groupe sportif Consolat fait pour le moment avec les moyens du bord, sans pression, et surtout sans l'aide de l'OM.
Photo GS Consolat

Avec des miettes dans les poches, le Groupe sportif Consolat (GSC) a conquis les Marseillais, déconfits par le spectacle proposé par l'Olympique de Marseille cette saison. Entre les barres d'immeubles et l'autoroute A7, le club des Quartiers Nord, plus petit budget de National, lutte tranquillement pour sa montée en Ligue 2 (Consolat occupe en ce moment la deuxième du classement, un point derrière le leader strasbourgeois, ndlr). Sans pression.

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Il faut s'éloigner du centre de Marseille, et rouler une dizaine de bornes sur l'Autoroute du Soleil, pour apercevoir les projecteurs du Stade La Martine. Le parking qui jouxte l'arène de Consolat contient une cinquantaine de places, les bagnoles garées en travers pullulent. Jour de match : les Jaune et Vert, alors leaders de National, affrontent Amiens, 8ème du championnat. « Je viens pour un reportage sur le club », dis-je au type de la sécurité à l'entrée. Il a l'air étonné, mais me laisse passer.

Marseille-Consolat face à Châteauroux, au stade La Martine. Photo GS Consolat.

Ambiance district au stade La Martine. Une seule tribune latérale, vallonnée par des gradins grisâtres en béton armé. En face, une vue plongeante sur l'autoroute A7. Depuis nos sièges, on assiste à un ballet de phares, de vombrissements de moteurs et de vapeurs d'essence. Collée à l'unique estrade, la buvette propose des maillots du Consolat à 50 euros. Marque de l'équipementier : "Patrick". Dans le stade des Quartiers Nord, pas une seule tunique de l'OM. Pas de crise identitaire, le GSC est bien un club à part entière. Même si, lorsqu'on entend une sonnerie de portable jouer "Jump" de Van Halen, on se rend compte que l'autre club n'est jamais vraiment loin.

A la buvette, le type qui sert les bières n'a pas de décapsuleur. Il nous demande gentiment si ça nous dérange pas de les ouvrir avec nos briquets. Devant le stand, ça discute un peu de « cette pipe de Michel » (l'entraîneur de l'OM, évidemment), mais surtout de la saison exceptionnelle de Consolat et de ses 600 000 euros de budget, le plus étriqué, National et CFA confondus. « Mais notre petit budget, c'est notre force, nous assure l'emblématique Jean-Luc Mingallon, président du club depuis 33 ans. Nos gars jouent ensemble depuis qu'ils sont tous petits, ils se connaissent par cœur. Après, on n'a pas un rond, donc on repère des minots du coin. Mais c'est vrai qu'on doit faire gaffe, on le voit surtout dans le quotidien. Quand on va jouer à Boulogne-sur-Mer, c'est Ouigo à 10 euros jusqu'à Marne-la-Vallée et 3 heures de car. Eux, quand ils viennent à Marseille, ils arrivent en avion deux jours avant le match, et ils dorment au Sofitel. Nous quand on a un Ibis, on est content ». Tous ne jouent pas dans la même cour. Mais la gestion au centime près du boss Mingallon leur permet aujourd'hui de lutter avec Strasbourg et ses 5 millions d'euros de budget pour le titre de champion de National.

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Il est 19h55, l'heure de rallier les tribunes pour assister à l'entrée des joueurs. Les gradins peuvent accueillir 1500 personnes, mais sont loin de faire le plein. Le speaker, qui gère aussi la sono, balance Bad Boys de Marseille d'IAM, et nous demande de brandir deux feuilles jaunes et vertes, en guise de tifo. Un couloir amovible en toile blanche éclot lentement et laisse sortir les héros marseillais et leurs adversaires. On reconnaît à peine David Gigliotti, ancien Monégasque et Stéphanois, épaisse barbe noire et plus un poil sur le caillou. Mais ses premières prises de balle provoquent le frisson. Tête levée, torse bombée, l'enfant de Martigues a de beaux restes. « Il se régale avec nous David, il est avec ses potes, il est bien », nous confie le président Mingallon.

De dos, David Gigliotti en action. Photo GS Consolat.

« Pourtant croyez-moi, il pourrait se faire bien plus ailleurs. Un jour j'ai reçu une offre, j'ai halluciné ! Je lui ai dit "allez viens je t'accompagne à l'aéroport". Il a préféré rester avec nous ». Outre le Franco-Argentin, coqueluche des fans du Consolat, on observe aussi Alexis Sauvage, le portier des Jaune et Vert. Si le gardien de but est sportivement épanoui à Marseille, l'homme, lui, a vécu des heures difficiles. Le 12 avril 2014, alors sous contrat avec Boulogne-sur-Mer, il prend la route avec le Brésilien Mauricio Alves Peruchi, meneur de jeu chez les Rouge et Noir. « Distrait », alors que l'ambiance était « à la déconnade », il percute un camion. Son coéquipier meurt sur le coup. Il est condamné à 6 mois de prison avec sursis et rejoint Marseille Consolat l'été dernier, pour « que plus rien ne me rappelle Mauricio », avait-il confié à l'époque. « Ici, il a immédiatement été adopté, affirme Karim, qui suit d'un œil le match. Il a fait de très bons matches ».

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Face à Amiens, les Jaune et Vert ont du mal. Ils balancent loin devant, ont du mal à se trouver au sol. Mais dans la tribune, les supporters assurent le spectacle : « Ta mère la grenouille », crie un type, « Oh le 29, ton père c'est Yannick Noah », hurle un autre. Pas suffisant pour doper leurs héros : ce soir-là, Consolat s'incline 2-0 et laisse Strasbourg prendre la tête du championnat.

Inimaginable en début de saison, une montée en Ligue 2 est évidemment espérée par les supporters de Consolat. Mais elle n'est pas attendue. « La pression de la montée, moi je l'ai pas. Vous croyez que c'est la même histoire pour le président de Strasbourg », ironise Jean-Luc Mingallon. Si ses supporters le laissent tranquille, ce sont les fans du monstrueux voisin qui mettent désormais la pression : « Ah, les supporters de l'OM… Ils me font chier ! Parce que leur club va mal, ils veulent absolument un autre club à Marseille. Même Bengous met le maillot du Consolat pour faire ses débriefs ! ». Quand il parle de l'OM, le président de Consolat devient amer, mais ne mâche pas ses mots : « Ils s'en foutent de nous. Mes relations avec Labrune sont inexistantes, lui veut faire du business. Ils sont en train de tuer le club, ça me rend fou ! Le problème aujourd'hui c'est qu'il n'y a plus aucun Marseillais chez les dirigeants. Lui, quand il vient au stade, c'est en fourgon blindé ».

Les supporters de Marseille-Consolat. Photo GS Consolat.

Contactée par téléphone, la sénatrice PS des Bouches-du-Rhône Samia Ghali confirme : « L'OM ne joue pas son rôle de grand frère avec les club locaux. Il pourrait être dans une démarche de soutien, d'accompagnement des plus petits clubs, travailler avec eux main dans main. Mais ça ne les intéresse pas ». Jean-Luc Mingallon va plus loin : « L'OM c'est un tel bordel avec la formation. Il n'y a plus un bon jeune qui sort et quand il y en a un, il se casse tellement c'est n'importe quoi. Regardez le petit Boutobba, il a même refusé de signer pro pour se casser (il est annoncé aujourd'hui proche de Juve, ndlr) ». Et enchaîne avec une autre anecdote : « L'année dernière, l'OM voulait Faiz Selemani. Il avait fini meilleur buteur de National avec nous. Niort me proposait 80 000 euros et l'OM… 0 ! ». Le président des Jaune et Vert est si remonté qu'il discute avec le FC Nantes pour un partenariat : « On doit les rencontrer. On a très bien compris qu'avec Marseille, c'était fini. A moins que la direction ne change… ».

Mais pour l'heure, le club des quartiers nord a mieux à faire. Il s'inquiète de son vétuste Stade de la Martine, non homologué pour la Ligue 2. Il va donc falloir trouver un nouveau terrain de jeu et il est déjà trop tard pour construire : « Aujourd'hui, on pense à Martigues et Arles. Mais à Marseille, ils construisent des stades d'athlétisme à 17 millions d'euros pour deux meetings par an et après ils ne peuvent plus nous aider. Parfois, j'ai du mal à comprendre ». Jean-Luc Mingallon aura beau essayer de se mettre Marseille sur le dos, il n'y arrivera pas.