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Pourquoi l’échange de P.K. Subban a autant brisé le cœur des Montréalais

Pour beaucoup, cette perte brutale représente plus que l'échange d'un joueur étoile : c'est une trahison.
Photo : Jean-Yves Ahern, USA TODAY Sports

Depuis la retentissante annonce de l'échange de P.K. Subban, Montréal est sous le choc. Quand les Canadiens entrent dans les séries éliminatoires, il y a chaque fois l'espoir que les fantômes du Forum reviennent aider l'équipe à remporter sa 25e coupe Stanley et ainsi mettre à fin à la plus longue sécheresse de l'histoire de l'équipe. À sa façon, Subban est plus qu'un excellent joueur de hockey : il permet aux jeunes générations d'avoir une idée de ce qu'étaient les Canadiens des grandes années, quand l'équipe ne misait pas tout sur le jeu défensif et son gardien de but.

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On en parle peu, mais, au début des années 2000, les matchs des Canadiens n'ont pas tous été joués à guichets fermés. L'époque glorieuse était loin derrière et le jeu n'avait rien de spectaculaire. Plusieurs années ont été nécessaires pour regagner la faveur du public. De nouveau, tous les sièges étaient occupés aux matchs, mais ce n'est qu'en 2011 qu'on a recommencé à croire que les Canadiens pouvaient vraiment mettre un terme à leur disette. Quand Carey Price est devenu le gardien étoile qu'on attendait et qu'une recrue de 21 ans qu'on n'attendait pas est passée de la dernière à la première paire de défenseurs en une demi-saison.

Les partisans du tricolore vont s'ennuyer de sa capacité à faire de la magie avec la rondelle. Photo : Jean-Yves Ahern, USA TODAY Sports

La domination de Subban pendant ses six saisons avec le tricolore est statistiquement prouvée : deuxième parmi les défenseurs pour le nombre de points et premier pour la moyenne de points par match en série. Il a remporté le trophée Norris, remis au meilleur défenseur de la ligue. Et surtout, il a gagné le cœur de Montréalais. On l'a vu surprendre des jeunes joueurs dans des camps de hockey; visiter des enfants de l'hôpital Saint-Justine (et donner généreusement); représenter Montréal : il fréquentait les restos, parlait aux partisans, connaissait l'histoire de l'équipe dont il portait les couleurs.

À un moment où les partisans n'étaient pas convaincus que leur équipe était toujours spéciale, différente des autres, P.K. rappelait qu'elle en avait le potentiel. C'était le héros que l'organisation espérait, en mieux : un joueur originaire d'ailleurs qui arrive ici et affirme objectivement que Montréal est une ville de hockey spéciale.

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Subban donnait raison à tous ceux qui se passionnent pour un jeu où six gars sur une patinoire essaient de mettre un disque de caoutchouc dans un filet plus souvent que six autres gars. C'était la lumière au bout d'un tunnel que personne n'aurait imaginé aussi long quand l'équipe y est entrée à l'automne 1993. Pour beaucoup, cette perte brutale représente plus que l'échange d'un joueur étoile : c'est une trahison.

Robyn Flynn, productrice à CJAD et animatrice d'une émission de hockey à TSN 690, était si furieuse de l'échange qu'elle a décidé de recouvrir son tatouage du logo des Canadiens sur son avant-bras. « J'ai pleuré. C'était surréel, après avoir soutenu l'équipe pendant toutes ces années, d'être récompensée par une décision comme celle-là », a-t-elle réagi à VICE Sports.

Selon elle, la direction des Canadiens se fiche complètement des partisans, sûre que la marque est assez forte pour que la perte de partisans soit presque sans conséquence. Quand on accorde son soutien indéfectible à une équipe qui se comporte de cette façon, « on finit par se sentir stupide ».

L'acteur et partisan des Habs Jay Baruchel partage les sentiments de Robyn. « Ça m'a brisé le cœur. S'ils peuvent faire ça à P.K., ils peuvent le faire à n'importe qui. Et si c'est le cas, pourquoi est-ce que je les suis? Pourquoi je suis partisan? Pourquoi je regarde 82 matchs par année? »

Pour Arune Singh de Marvel Comics et Syfy TV, le fait que Subban soit un Noir donne une autre dimension à cette histoire. « En tant que représentant d'une minorité visible de Toronto qui a toujours été partisan des Canadiens, P.K. Subban était plus qu'un joueur de hockey pour moi : c'était un symbole de progrès et d'espoir dans un sport qui souvent préfère l'uniformité dans toutes ses facettes. »

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« La classe, le caractère et l'excellence qu'il a montrés sur la glace et au-delà du sport étaient la parfaite illustration de ce qu'il y a de mieux dans l'histoire des Canadiens. »

P.K. Subban est le type de vedette que veulent (presque) toutes les équipes. Photo : Eric Bolte,

USA TODAY Sports

Dans un sport qui a du mal à conquérir le public non blanc, une superstar auquel les enfants de couleur peuvent s'identifier, dans l'un des plus importants marchés de hockey, était vraiment spécial. Arune a maintenant rangé son chandail des Canadiens. Pour lui, on a arraché le cœur de l'équipe.

Beaucoup ont aussi l'impression que cet échange n'est pas qu'une transaction commerciale : c'est personnel. L'échange de Subban pour un joueur plus vieux, au jeu moins multidimensionnel, a toute l'apparence d'un rejet de ce que Subban représente en tant que joueur, mais aussi en tant que personne. Tout ce qu'il fait est spectaculaire, autant quand il déjoue un joueur adverse qu'en participant à une entrevue d'après-match.

Les Canadiens prêchent la prudence, tandis que Subban possède un style presque rebelle. Il brise la monotonie d'un système conçu par l'équipe d'entraîneurs pour forcer les joueurs à courir après la rondelle pendant plus de la moitié du match plutôt que de la manier et d'attaquer. Pour avoir du succès dans la LNH, Michel Therrien croit qu'il faut attendre que l'équipe adverse commette une erreur et en profiter. Subban, lui, prend le contrôle de la rondelle et les choses en main.

On n'avait plus vraiment le sentiment qu'un joueur pouvait soulever la foule dès qu'il s'empare de la rondelle depuis les bonnes années de Guy Lafleur, sauf à certaines occasions, quand Kovalev a fait preuve de créativité. Et là Subban est parti.

La déception qui suit l'élimination des Canadiens dans les séries éliminatoires est temporaire, tôt ou tard remplacée par la joie que suscitent les festivals puis le début d'une nouvelle saison remplie de promesse. Mais le vide que laisse le départ de Subban ne sera pas comblé de sitôt. Beaucoup voient cette perte comme la perte des vrais Canadiens, remplacés par une marque, sans âme et sans cœur.