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Culture

L’Alouette

Si vous viviez dans l’ombre d’un mari violent, vous aussi rêveriez d’une alouette humanoïde vengeresse.

Vous seriez pas dégouté si, un soir, en découvrant que vous venez d’être cambriolé, la première chose que ferait votre mari serait de vous foutre sur la gueule ? C’est vrai qu’on a parfois tendance à se dire que les victimes choisissent leur bourreau, mais quand même. Quand on vit avec un homme qui n’hésite pas à détruire la seule chose à laquelle on tient, il est temps de l’envoyer se faire mettre.

Gil Kenan s’est intéressé à ce genre de relation et à ses aspects émotionnels et psychologiques pour son film de fin d’étude. L’histoire est simple : une femme rencontre un homme, allez savoir pourquoi elle en tombe amoureuse, l’homme la maltraite, elle fait avec, il finit par aller trop loin et elle met les choses au clair. Ce qui est vraiment intéressant dans L’Alouette, c’est l’aspect visuel dans lequel cette histoire, somme toute banale, prend place. Chaque plan du film a été assemblé à la main et est un mélange de stop-motion, de plans tournés en studio et d’animation de pâte à modeler, ce qui en fait un fantastique conte moderne en noir et blanc.

Kenan a construit chaque détail de l’environnement de ses personnages, en partant de rien. La maison a été imaginée, mur après mur, fenêtre après fenêtre. Chaque partie est mue par sa propre logique interne et souligne le malaise qui se répand dans la maison et sur ses habitants. Après le vol et les coups qu’elle reçoit la femme reste assise, près de la fenêtre brisée. Quand un oiseau vient doucement se poser près du verre brisé, la femme semble regagner un soupçon d’espoir, qui s’envole presque aussitôt, puisque le mari lui brise le cou. Mais sous les larmes de la femme, l’oiseau semble retourner à la vie. Peu à peu, il l’obsède complètement, prenant toute la place dans sa vie, son mari n’étant plus qu’une ombre négligée, soumise. Quand la petite alouette est devenue un beau spécimen humanoïde de près de deux mètres, la femme sait ce qu’il lui reste à faire : son mari doit payer pour ses fautes. Chaque interaction entre l’homme, son épouse et l’alouette est une fable tragique en soi, racontée et repensée avec brio. On a demandé à Gil Kenan de nous parler de son film, et de l’influence qu’il avait eu sur sa carrière.