Décloisonner une idée reçue : la drogue ne frappe pas qu’en milieu festif
Il faut quand même séparer les drogues. Certaines sont vraiment inhérentes à tous les milieux comme la cocaïne ou l’herbe et l’alcool. D’autres sont réservées à certains publics. « On a l’impression que le GHB c’est répandu parce qu’on en voit beaucoup autour de nous, mais je pense pas que tout soit aussi répandu que l’herbe ou la cocaïne », explique Samia*, qui s’occupe de la prévention pour un club. « Chez nous, les gros abus de drogue c’est souvent après les soirées, en after. La soirée est quasiment devenue l’apéro. Ça part après sur 24 heures d’after. Les gens chez nous arrivent parfois en fin de week-end, en after de l’after du vendredi. »« En Belgique, t’as beaucoup cette histoire de vouloir en acheter, puis vu qu’il y a une promo, on se met à plusieurs pour avoir 1g gratuit, que tu vas filer à tes potes. Puis t’as le “3 pour 2” et tu finis par avoir plus de drogue que ce que tu voulais initialement commander. »
L’effet « première fois » qui met une claque à tout le monde
De nouvelles pratiques liées à la drogue (et donc de nouveaux risques)
« Il y a 20 ans, il n'y avait que du GHB, puis le GBL est arrivé, explique Samia. Et depuis quelques années, en soirée, on commence à voir des gens prendre des doses ridiculement petites. À cause de nos habitudes avec le GHB, on avait l’habitude de faire des doubles doses de GBL. ». Vous pensez avoir du GHB en main, mais vous risquez de faire une surdose directe. Les gens ont compris maintenant l’importance de prendre une pipette pour millimétrer sa dose. Mais il y a quand même trois gros soucis : l’alcool, qu’il ne faut surtout pas mélanger avec ; prendre sa dose toutes les heures fait en sorte qu’au bout de la Xème heure, votre système n’a pas eu le temps de digérer… et c’est la surdose ; surveiller sa boisson et ne pas faire en sorte que quelqu’un d’autre se serve dedans. Sans parler de l’épidémie de spiking qui touche le monde de la nuit.« Il y a trois ans, on disait que la kétamine allait se démocratiser partout, et c’est arrivé », m’explique Fabrice*, qui travaille pour une ASBL qui s’occupe de la prévention liée aux drogues. « Le GHB c’est pareil, dans 2-3 ans ce sera la drogue base du clubbing, sauf que ça sera un peu bizarre comme façon de danser en club si tout le monde est sous G. » Dans certains pays, les clubs ont fait du GHB l’ennemi public numéro 1 - si on en trouve sur vous, vous êtes banni·e. À Berlin, c’est l’exclusion pour 3 mois, 1 an ou définitivement.« Le GHB, dans 2-3 ans ce sera la drogue base du clubbing, sauf que ça sera un peu bizarre comme façon de danser en club si tout le monde est sous G. »
Une des dernières nouvelles pratiques de la scène, c’est le chemsex (pour « chemical sex ») ou P’n’P (Party and Play), qui consiste à baiser sous produit - le plus souvent sous cocaïne, GHB/GBL, kétamine, méthamphétamines (crystal meth) ou cathinones (méphédrone, 4-MEC, 4-MMC, etc.). Le chemsex englobe tout un processus, et c’est donc pas juste histoire de prendre une pilule en soirée et rentrer chez soi pour niquer. Votre soirée, vous la préparez en mode « On va aller chez des potes avec plein de drogues pour baiser ». Il existe des formes de pratiques quasi industrielles qui se créent, avec des applis de rencontres qui proposent ce genre de plans - plutôt tournés orgies. « J’ai assisté à des scènes de gens qui baisaient et qui étaient presque dans le coma en même temps », m’explique Thibaut* qui tient des groupes de sensibilisation liés au chemsex. « Il y a une dimension presque suicidaire dedans. Et souvent, on oublie les limites, notamment la capote. »« J’ai assisté à des scènes de gens qui baisaient et qui étaient presque dans le coma en même temps. Il y a une dimension presque suicidaire dedans. Et souvent, on oublie les limites, notamment la capote. »
Ne jamais cesser d’expérimenter dans son approche pour trouver des solutions
Heureusement, certain·es innovent dans le milieu. Outre les fameuses capotes à verre - les couvercles pour protéger ses boissons -, qui peuvent tantôt servir à éviter que l’on mette quelque chose dans votre conso ou au contraire que quelqu’un ne boive votre cocktail ++, des initiatives plus ou moins directes sont prises pour limiter la casse et responsabiliser plutôt que d’interdire.« On a toujours un espace en backstage pour accueillir les gens trop fracass et les filles qui se sont fait emmerder aussi. C’est un espace à l’abri qui permet de décanter la situation, prendre l’air et libérer la parole. »
Informer, éduquer, sensibiliser
Mais comment distribuer les rôles pour faire ce travail ?
- Faire en sorte que la sécurité soit invisible (et pas oppressante).
- Mettre en place un modèle qui évite de dégager les gens à la première remarque.
- Désescalader les confrontations.
- Un réel travail de communication interne avant l’événement.
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