Bienvenue à Lisbonne, capitale de l’afro-house
Photo: Marta Pina

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Bienvenue à Lisbonne, capitale de l’afro-house

Carrefour des cultures et des continents, Lisbonne est la capitale d'un brassage musical en constante évolution. Une énergie débordante qui n'en finit pas d'animer la vie nocturne de la ville.

Avec le soutien de Joon.

Il y a des sons impossibles à définir, ceux qui échappent aux cases et résistent devant l’étroitesse des compartiments. À peine accrochée, leur étiquette se décolle, tombe, s’envole et disparaît. À Lisbonne, voilà quelques années que la vie nocturne vibre au rythme de percussions africaines infusées de techno, de rap et de marimbas. Kuduro, kizimba, batida : les syllabes se mélangent dans la chaleur des clubs du centre-ville, désormais réinvestis par une jeunesse bigarrée, avide d’échanges, qui bâtit des ponts entre les quartiers, les sons et les continents. En à peine cinq ans, la ville s’est transformée au gré de mélodies visionnaires, celles qui donnent envie de danser plus fort pour se coucher vraiment très tard.

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« Wegue wegue wegue » : ce son entêtant a probablement un jour traversé vos tympans en vous donnant envie de bouger, sans savoir trop comment vous y prendre. Dans les clips de Buraka Som Sistema, le kuduro se danse de manière spectaculaire : on tombe, on se redresse, comme un soldat blessé mu par une énergie surhumaine ou un danseur bourré qui tente d’imiter Jean-Claude Van Damme dans Kickboxer. Un mix détonnant à l’image de celui qui domine la scène musicale de Lisbonne, mâtinée de sonorités africaines et de dancehall, au son de laquelle une jeunesse cosmopolite vibre à l’unisson depuis la déferlante Buraka Som Sistema. Si le groupe s’est dissous depuis pour se concentrer sur l’accompagnement d’artistes lisboètes, il a inauguré le retour en pompe des musiques traditionnelles issues des anciennes colonies portugaises. Refusant d’être définis comme Angolais, les Buraka se revendiquent avant tout comme des habitants de la banlieue nord de Lisbonne, dont ils tirent d’ailleurs leur nom. Ils comparent volontiers le kuduro, présent au Portugal depuis les années 1970, à la scène zouk française, même s’ils considèrent l e zouk comme beaucoup plus doux et sensuel à la différence d’un kuduro à la fois agressif, sexuel mais aussi plus social.

Longtemps tenus à l’écart de la pop culture, les enfants issus des communautés cap-verdiennes et angolaises l’ont donc progressivement investie grâce à Fruity Loops, un logiciel bas de gamme du début des années 2000. Largement piraté, il a permis à une génération de DJ de s’imposer dans les clubs de la capitale, avant d’investir ceux de toute l’Europe. Avant de se partager grâce aux nouvelles technologies, la musique portugaise s’est modifiée au gré des vagues d’immigration mais aussi à travers le trafic d’esclaves. Au milieu de cette histoire complexe, Fruity Loops fait office de miracle, à même de traduire l’authenticité d’une percussion en réalité digitale. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les traditions rythmiques ont donc trouvé de puissants alliés dans les outils numériques plébiscités par une nouvelle génération d’artistes . « Et parce que cette richesse est perceptible à l’intérieur même du son, ça peut marcher n’importe où, » expliquait Pedro Gomes, l’un des fondateurs du label Principe Discos, particulièrement actif au sein de cette nouvelle garde.

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Il y a deux ans, le jeune Doctorado Pro saturait les ondes de la scène afro-house avec son morceau « African Scream » : un titre dont les boucles de marimbas sont désormais l’accompagnement classique de battles de danse improvisés dans les rues de Lisbonne. Comme de nombreux Dj éduqués au logiciel Fruity Loops, il est alors encore mineur et avance porté par le sentiment que quelque chose de crucial est en train d’advenir sur la scène lisboète. Membre de Principe Discos, Nelson Gomes a œuvré pour faire connaître des Dj qu’il avait repérés dans des soirées de rue ou sur des radios communautaires. Les premières soirées sont de réels challenges : les Dj investissent des lieux dans lesquels ils n’ont parfois jamais mis les pieds, majoritairement fréquentés par une population blanche et favorisée. Mais le mélange finit par opérer, les Dj viennent avec leurs amis et les jeunes du centre-ville s’ouvrent à cette nouvelle explosion de beats. Tout le monde se mélange, danse, flirte et oeuvre à la disparition des frontières géographiques et sociales. Peu à peu, les soirées mensuelles du label organisées au Music Box, les noite principe, permettent d’exposer la musique des périphéries de Lisbonne au public du centre-ville. Résultat : ces soirées sont devenues incontournables, célébrées comme des rendez-vous à la fois musicaux et sociaux, symbole d’une jeunesse consciente des richesses de la diversité.

Parmi les noms les plus en vue, celui de Dj Marfox est sur toutes les lèvres : à même pas trente ans, il est à la tête d’une lignée de Dj qui n’hésitent pas à emprunter les lettres finales de son blase pour lui rendre hommage. Dans son sillage se tiennent Dj Lilocox ou Dj Nigga Fox, dont le label Warp a flairé le potentiel international. Un bandana sur la tête, et tous ses potes autour de lui, Dj Firmeza fait aussi partie de ces “petits Dj du ghetto” devenus grands. Désormais plébiscités à travers l’Europe, ils sont les passeurs d’une musique qui ne demande qu’à voir le monde et dont Lisbonne peut se vanter d’être l’épicentre rayonnant.

Cet article a été rédigé par la rédaction d’i-D France sans influence de la part du sponsor.

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