Toujours « zay », Fouki veut mettre en musique le son de Montréal

FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

Toujours « zay », Fouki veut mettre en musique le son de Montréal

La star montante de la scène rap locale prouve qu’il est un pur produit de son environnement.

Quand on dit que Fouki est zay (un mot d’argot utilisé par le rappeur et ses amis, une abréviation de pozay, qui signifie être relax en toute situation), ce n’est pas des blagues. Lorsque je le rejoins au Bar Darling, sur la rue Saint-Laurent à Montréal, il est tranquillement assis, occupé à faire des blagues avec son acolyte de toujours, le producteur Quiet Mike, et leur gérant. À son âge, seulement 21 ans, la plupart des artistes qui connaissent une montée en popularité aussi soudaine sont souvent dépassés par les événements, épuisés par de longues journées d’entrevues avec la presse. Mais pas Fouki. Non, Fouki, il est très zay.

Publicité

Le jeune rappeur montréalais a infiltré les playlists locales en sortant au début de l’été dernier Pré Zay, sorte d’apéritif au plat principal qu’est Zay. Bien que ça fasse beaucoup de projets en peu de temps, Fouki affirme être très satisfait de son opus. « La moitié de l’album a été faite l’été dernier, donc on avait des idées qu’il ne restait plus qu’à concrétiser. L’autre moitié s’est faite au courant de l’hiver », me confie-t-il. La vibe hyper estivale qui caractérise Zay est néanmoins empreinte d’une introspection et d’une profondeur, causée par les changements d’humeur que peut occasionner l’hiver montréalais. « L’hiver, ça donne une musique qui est différente. Même au niveau des producers qui vivent dans le Nord, j’ai l’impression que ça paraît dans leur musique qu’il fait froid! » m’explique le MC.

L’éducation rap de Fouki s’est d’abord faite avec les classiques du tournant des années 2000, comme 50 Cent, avant qu’il se découvre une passion pour les rap battles. C’est à travers cet esprit de battles et de cyphers que se sont rencontrés Fouki et Quiet Mike, en secondaire trois, à l’école secondaire Jeanne-Mance, sur Le Plateau-Mont-Royal. « Mike habitait près de l’école, donc le midi on allait manger notre lunch chez lui, il improvisait des beats sur son MPC, et moi je freestylais. » Purs produits de leur quartier, Mike et Fouki ont continué de collaborer, élaborant (volontairement ou non) un son bien particulier, qui évoque les fins de soirée humides d’été sur le Plateau, avec des amis, de l’alcool et beaucoup de weed. Dans les sonorités autant que dans les paroles, on trouve des influences québécoises et américaines autant qu’arabes, françaises et antillaises. Les expressions créoles, particulièrement, ont une place de choix dans les textes et le langage vernaculaire de Fouki.

Publicité

Si cette manière de parler semble naturelle à la plupart des Montréalais de son âge et de son quartier, elle ne lui a pas valu que de la reconnaissance. En mars dernier, le rappeur Dice B, qui avait auparavant fait l’éloge de l’habileté de Fouki à intégrer de l’argot haïtien dans ses textes, l’a accusé d’appropriation culturelle. « Mon beau-père est haïtien, m’explique-t-il. J’ai grandi dans sa voiture, en écoutant la radio créole et de la musique haïtienne. J’ai plein d’amis haïtiens, donc tout ça fait partie de moi », se défend-il, se décrivant plutôt comme étant un produit d’une assimilation culturelle.

Lorsque je lui demande si le soutien et l’encouragement de ses pairs lui importent, Fouki concède que les compliments des gens qu’ils respectent, comme Alaclair Ensemble et autres, lui font chaud au cœur. Mais ce n’est pas sa motivation principale. Car, conscient du fait que son son soit unique, Fouki ne voit pas non plus de « vraie » compétition dans le paysage musical québécois.

Pour plus d'articles comme celui-ci, inscrivez-vous à notre infolettre.

À l’heure où les rappeurs québécois ont tous leurs yeux rivés sur la France, Fouki commence à avoir droit à son lot de reconnaissance de l’autre côté de l’Atlantique. À commencer avec Konbini, qui l’a nommé parmi les quinze artistes québécois à surveiller cette année, ce qui a considérablement fait augmenter ses statistiques de streaming. « En termes de villes qui nous écoutent le plus sur Spotify, ça fait Montréal, Paris et après, genre, Laval », dit-il en riant. Bien qu’aucune maison de disques française ne l’ait encore approché, il caresse tout de même l’idée de s’exporter éventuellement. « J’ai longtemps joué au hockey, en tant que gardien de but. Il y a des années où on était pourris, mais on dirait que cela me donnait de la liberté, parce que j’arrêtais de me stresser et je me disais “Au pire, on va perdre!”, m’explique le jeune MC. C’est un peu comme ça que je vois la France. J’habite pas là, au final, c’est au Québec que je fais mes shits. Je peux faire ce que je veux en France, parce que les gens ne vont pas nécessairement comprendre ma musique. Mais, rendu là, ce que je dis n’a pas vraiment de barrières, donc je vais jouer un meilleur match en m’en foutant… »

Fouki et Quiet Mike sont bien contents d’enfin sortir Zay, mais pensent déjà au prochain album, et à la forme qu’il prendra. Pour l’instant, pour ce qui est de la meilleure manière d’écouter l’album qui sort demain selon eux, ils sont unanimes : « Bien zay, sur votre balcon, dans un hamac! »

Zay sort demain chez 7e Ciel Records, et la soirée de lancement aura lieu au Artgang, le 21 avril prochain.

Billy Eff est sur internet ici et .