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Salut à toi, patriarcat : les Françaises se teignent les poils des aisselles

On a parlé à plusieurs jeunes filles qui se colorient les poils des dessous-de-bras au nom de la féminité.

Photo via l'Instagram de Miley Cyrus

Entre le moment où Miley Cyrus a posté sa première photo Instagram avec ses poils sous les bras roses et le moment où la presse a établi qu'il s'agissait d'un « nouveau mouvement », il s'est écoulé quelques jours. Mais il ne faut jamais écouter la presse. Pour les nouveautés de ce genre, il faut écouter Internet. Et celui-ci certifie qu'il existe de nombreux hashtags liés à la coloration des aisselles apparus depuis début 2015 et qu'ils se nomment #dyedpits, #freeyourpits ou encore #aissellescolorées pour les Françaises.

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Car le truc est en train d'arriver ici. Comme d'habitude, la plupart des filles qui sont là-dedans prônent le féminisme et l'égalité devant la pilosité afin d'expliquer à leurs parents pourquoi elles les embarrassent en laissant apparaître des touffes de poils bleues de leur débardeur. Sauf qu'en réalité, personne ne le sait vraiment. La trend est apparue via deux blogueuses américaines : Roxy Hunt tout d'abord, coiffeuse de Seattle qui a publié, en décembre dernier un « free your pits manifesto) » Et quasi en même temps, Destiny Moreno alias Destiny M, 17 ans, qui postait une vidéo Youtube visionnée quelque 300 000 fois où elle exposait ses aisselles fraîchement colorées en disant : « c'est un moyen de s'affirmer et c'est un grand doigt d'honneur à la société et ses stigmatisations. » OK. Puis des médias tels que le Huffington Post, le Washington Post ou encore Rue 89 l'ont évoqué. De plus en plus de meufs ont commencé à assortir leur couleur de cheveux avec leurs poils. Jusqu'à ce que Miley Cyrus fasse exploser le nombre de retweets et l'installe définitivement comme une mode officielle.

C'est pour comprendre l'emballement autour de cette trend que je me suis adressé à plusieurs Françaises – qui ne possèdent ni blog, ni Instagram - à propos de leurs poils sous les bras colorés, et que je leur ai demandé quel message elles cherchaient à faire passer à leurs parents, à Internet, et au monde.

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Photo via l'Instagram de Leena Gates Ass

PAULINE, 21 ANS
Étudiante aux Arts décoratifs

VICE : Salut Pauline. Pourquoi tu te teins les poils des dessous-de-bras ?
Pauline : Ça m'énervait qu'on parle des filles qui se laissent pousser les poils avec des termes tels que « négligées » ou « laisser-aller ». Il y avait tout un truc derrière ce champ lexical qui me dégoûtait. Comme si on disait à ces filles qu'elles s'étaient oubliées ou qu'elles n'avaient pas réussi à tenir leurs corps – et que ça les rendait de fait ridicules et crades.

J'avais envie de montrer qu'il s'agissait d'un choix conscient et je me suis dit qu'en en faisant un truc esthétique, on pouvait changer le regard des autres là-dessus. Ce qui est drôle, ce que l'idée m'est venue bien avant tout le buzz qu'il y a eu autour de ça.

OK. Comment tu t'y es prise pour te teindre les aisselles ?
On a essayé plusieurs trucs avec des copines. Parce que ce n'est pas si simple qu'il n'y paraît.D'abord, j'ai mis de la teinture rose pour cheveux, mais ça a moyen marché, mes poils d'aisselles étant beaucoup plus fins que mes cheveux. Du coup ça faisait un effet mercurochrome, vu que ça a teint aussi la peau en dessous. Le lendemain, l'effet rose sur la peau s'est estompé. C'était déjà mieux, même si l'effet n'était pas aussi fluo que je l'espérais.Les meilleurs résultats qu'on a obtenus, c'est quand on a utilisé un peigne très fin et de la peinture acrylique bleu roi. Là, l'effet est super. Bon après, ça n'a pas tenu des siècles non plus. J'aimerais bien le refaire en vert la prochaine fois.

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As-tu été surprise de voir que cela devenait une mode, notamment via Miley Cyrus ?
Pas vraiment. J'ai l'impression qu'il y a une vraie appropriation de ces questions chez les filles, on le voit notamment sur Tumblr avec #freeyourpits – ce sont des débats qui découlent de revendications féministes. Je trouve ça super que des filles hyper connues utilisent ce genre de codes, elles contribuent à faire évoluer les mentalités et à montrer que ce ne sont pas des codes de marginales bizarres.Si des filles voient des copines à elles se laisser pousser les poils, ça crée du dialogue. Et c'est comme ça qu'a la longue on arrivera à démonter ces comportements mimétiques et a se mettre à repenser le fait d'être une femme – en dehors des poncifs englobés dans le concept de féminité.

Photo via

LAURE, 25 ANS
Serveuse à Lyon

Tu es satisfaite de tes aisselles colorées ?
Laure : Oui, très. Il faut dire que j'ai des origines espagnoles donc naturellement j'ai les poils très drus. Ça pousse vite et c'est épais. Autant dire que le résultat s'est vu tout de suite. Moi qui me suis battue toute mon adolescence contre ces mêmes poils, les laisser pousser tout d'abord, puis les teindre ensuite, ça a été une nouvelle étape dans le fait de m'assumer. Je trouve que c'est une manière de provoquer les esprits conservateurs en leur faisant un pied de nez plutôt rigolo.

Depuis quand te teins-tu les dessous-de-bras ?
Depuis cet hiver. Ça faisait quelques années que je me laissais pousser les poils des jambes et des aisselles, puis j'ai vu tous ces articles passer sur cette nouvelle tendance anglo-saxonne autour de la coloration des poils ; là, je me suis dit : « wow, mais c'est trop cool ! » Et j'ai tenté l'expérience sur mes propres dessous de bras.

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Comment ont réagi les gens autour de toi ?
C'est drôle, mes parents hippies, qui me reprochaient lorsque j'étais ado de faire la guerre de manière obsessionnelle à mes poils, ont trouvé ça too much. Mon père notamment m'a fait quelques remarques assez lourdes sur le sujet, genre « attention, tu as des Schtroumpfs sous les aisselles ! » Mon copain n'a pas dit grand-chose, mais il me semble qu'il m'a quand même regardée bizarrement la première fois. Je crois qu'il m'aime un peu pour ce genre de trucs que je peux faire.

Et les inconnus ?
Plusieurs fois, des filles sont venues me voir dans la rue, dans le métro, ou bien en soirée pour me dire : « je n'aurais pas ton courage, mais je trouve ça super ce que tu fais. » Ça montre à quel point ce sujet ne laisse pas indifférent – à quel point c'est un terrain fragile pour les filles en général.

Photo via l'Instagram The Grady Twins

MARION, 27 ANS
Graphiste à Bordeaux

Tu t'es teint les poils des aisselles mais tu as arrêté, c'est ça ?
Marion : C'était trop galère. Je me suis laissé d'abord pousser les poils des aisselles parce que j'avais la flemme de les épiler – et puis, la cire coûte cher. Ensuite, je me suis teint les poils des aisselles parce qu'une copine m'avait proposé de le faire en soirée. On était toutes les deux un peu éméchées, on a trouvé ça trop drôle. Après on a défilé partout dans les bars en les montrant. C'était une sorte de déguisement.

Pourquoi as-tu arrêté de le faire ?
Je trouve que laisser pousser ses poils, c'est clairement un acte militant pour les femmes dans les sociétés occidentales. Si je le fais, c'est pour montrer que je suis une femme, avec des poils au naturel et que je n'ai pas à dépenser des fortunes dans les soins en tous genres pour être « désirable » aux yeux des hommes. Acheter de la teinture, se teindre systématiquement, etc., je trouve que c'est une façon de retomber dans les mêmes écueils.

Anna est sur Twitter.