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Réjouissez-vous : les interfaces langue-machine sont parmi nous

Ouvrez grand. Faites "Ahhhh."
Image: Lekcha/Shutterstock

Le terme technique pour désigner cette charmante technologie est en réalité « potentiel glossokinétique » (GKP). Tandis que vous bougez votre langue dans votre bouche, le système en question modifie les potentiels électriques tout autour de votre tête. Embrasser quelqu'un passionnément ne risque pas de déclencher un orage cérébral accompagné d'éclairs, mais cela provoquera néanmoins des changements détectables par électroencéphalographie. Cette technologie pourrait permettre de contrôler des machines grâce aux mouvements de la langue : des ordinateurs ou des fauteuils roulants, par exemple.

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La technologie de suivi de la langue basée sur les GKPs est au cœur des recherches de Yunjun Nam et de ses collègues du Laboratoire pour le traitement avancé des impulsions cérébrales de Tokyo. Dans le dernier numéro de IEEE Systems, Man and Cybernetics Magazine, ils décrivent une interface langue-machine capable de diriger un fauteuil roulant motorisé en temps réel. Elle pourrait également être utilisée dans la technologie de reconnaissance vocale silencieuse, c'est-à-dire pour permettre à un individu de parler en silence en se contentant de bouger la langue.

Le potentiel glossokinétique est actuellement considéré comme un « artefact » en électroencéphalographie. De tels artefacts émergent à partir de plusieurs sources qui ne sont pas directement liées à l'activité cérébrale : pulsations des vaisseaux sanguins, mouvements des yeux, et contractions musculaires. D'ordinaire, ils constituent des « pièges » dans l'interprétation des données électroencéphalographiques, pour la simple raison qu'ils masquent l'activité cérébrale réelle.

Mais Nam et son équipe ont vu dans ces artefacts un potentiel inexploité. La langue est capable d'une grande variété de mouvements, et, en cela, elle est capable de transmettre une grande variété d'informations.

« La langue humaine est un organe possédant une grande mobilité dynamique, » écrit Nam. « Elle permet une grande variété de mouvements. La langue peut être repliée vers le haut et le bas, déplacée vers la gauche et la droite, avancée ou rétractée vers l'avant et l'arrière, roulée dans le sens horaire et antihoraire, aplatie, arrondie, etc. Certaines personnes peuvent même plier les bords latéraux de leur langue vers le haut pour former un tube, ce que l'on expliquait auparavant dans les cours d'introduction à la génétique. »

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La raison pour laquelle la langue possède ces propriétés est tout simplement que sa pointe a une charge électrique négative par rapport à sa racine. Par conséquent, lorsque la langue touche des tissus environnants, il en résulte une diminution de potentiel au niveau du point de contact. En traçant les patterns de diminution de potentiel dans les données électroencéphalographiques, Nam et co. ont découvert qu'ils pouvaient suivre très précisément les mouvements de la langue.

La première étape de ces recherches a été de prouver que le suivi des mouvements de la langue pouvait être utile. Pour cela, les scientifiques ont élaboré une série d'expériences durant lesquelles on a demandé à des sujets de bouger leur langue de telle ou telle façon, afin d'enregistrer la réponse électroencéphalographique correspondante. Ils ont constaté que le délai de réponse de « l'interface de langue » correspondait au temps de réponse moyen de reconnaissance d'un repère visuel chez un jeune adulte. Cela prouvait donc que l'interface pouvait trouver une application pratique comme « gouvernail de la bouche » suivant les mouvements horizontaux de l'organe et les convertissant en contrôle directionnel pour fauteuil roulant.

Pourtant, l'application potentielle la plus intéressante de l'interface langue-machine est en lien avec la parole. Pour enregistrer des informations à partir de paroles articulées, il est nécessaire d'étendre le suivi horizontal de la langue à un suivi des mouvements verticaux et des mouvements avant-arrière, qui jouent un rôle essentiel dans la production vocale. Ce sera l'objet d'expériences futures pour Nam et co.

« Maitriser une technique rapide et efficace pour suivre les mouvements de la langue est essentiel pour les linguistes et orthophonistes qui tentent de comprendre comment les paroles sont contrôlées par la langue, et comment celle-ci peut intervenir dans de nombreux troubles du langage, » explique l'article. « GKP peut fournir une méthode rentable pour détecter et étudier les contacts de la langue avec d'autres organes articulatoires. »

La perspective de pouvoir aider les personnes handicapées moteur et les personnes victimes de troubles de la parole est tout à fait formidable. Et c'est sans compter les applications potentielles de cette technologie en réalité virtuelle. Nous pourrons peut-être un jour explorer des mondes virtuels à la langue, qui sait ?