Avec ces Français qui inventent de nouveaux sports
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Avec ces Français qui inventent de nouveaux sports

Dans un siècle, c'est peut-être au home-ball, au RugbyGolf ou au cardiogoal que tout le monde jouera.

Hiver 1891 dans le Massachusetts. Pour occuper les longues journées d'hiver des turbulents élèves de l'école des ouvriers chrétiens de Springfield, un professeur de gym dénommé James Naismith est chargé de trouver une activité physique. De l'inventer. Il doit obéir à certaines contraintes édictées par le responsable sportif de la YMCA du coin : cette discipline devra permettre aux athlètes de l'école de rester en forme, ne devra pas prendre trop de place, sera accessible à tous et ne sera pas trop violente. Naismith réfléchit pendant deux semaines. Un beau jour de décembre 1891, il invite alors les élèves dans le gymnase où deux paniers à pêches sont accrochés des deux côtés, à 3,05m de hauteur. Pour marquer des points, il suffit de faire rentrer le ballon dans le panier adverse tout en respectant les 13 règles qu'il avait établies. Le basket-ball était né et plus d'un siècle plus tard, LeBron James affronte Steph Curry dans des finales NBA suivies par le monde entier.

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Inventer un sport, ça part donc parfois d'une idée toute con : envoyer un ballon dans un panier placé un peu haut, faire rentrer un ballon avec les pieds dans un cadre rectangulaire, se renvoyer une balle avec une raquette sur un terrain délimité. Après, ça devient populaire ou pas, c'est aux joueurs de décider. Si l'on met de côté les sports les plus populaires et visibles à la télé, il existe quantité de sports méconnus, absurdes ou traditionnels, qui ne sont diffusés sur aucune chaîne. S'ils devaient l'être, ce serait sur ESPN 8 : The Ocho. Dans le film Dodgeball ! sortie en 2004, c'était ainsi le nom fictif d'une chaîne ESPN qui ne retransmettait que ce genre de sports obscurs, dont les championnats du monde de balle au prisonnier, le sujet principal de cette comédie culte avec Ben Stiller et Vince Vaughn.

A défaut d'exister en tant que vraie chaîne de télévision, The Ocho est devenu un subreddit bien malicieux où les internautes se partagent des vidéos de Headis (le ping-pong qui se joue avec la tête et un ballon de foot), de Fierljeppen (du saut en longueur à la perche en gros, un sport traditionnel néerlandais) ou de shin-kicking (apparemment un sport de combat britannique où le principe est de taper de manière répétitive dans les tibias de son adversaire). Généralement, ce sont donc des sports anciens à la pratique tellement restreinte qu'ils ont dû attendre Internet pour être connus hors de leurs villages, ou des sports créés récemment, et qui seront peut-être diffusés sur BeIn Sports ou ESPN (ou leurs équivalents) d'ici un siècle.

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En France, c'est bien connu, on a des idées, et c'est pour ça qu'on est pas trop mal niveau créations de sport. Le jeu de paume, la pelote basque, la balle au tambourin, le cyclisme, le sport automobile, le sport motocycliste, la boxe française, l'escrime sportive, le billard et la pétanque ont ainsi été inventés par des compatriotes qui ne sont généralement plus de ce monde. Mais d'autres, bien vivants, s'activent en ce moment pour rallonger cette liste de sports franco-français. Des Naismith tricolores du XXIe Siècle qui tentent de populariser des activités sportives qu'ils ont imaginées de A à Z. On a posé des questions à trois d'entre eux.

Dominique Desbouillons - 41 ans - Créateur du home-ball

Bonjour Dominique, alors d'abord, c'est quoi les règles du home-ball ?
Le principe, c'est une cage en filet avec à l'intérieur, sur les deux côtés opposés, des cibles de couleur qui permettent de marquer des points. Les deux équipes de 4 ou 5 joueurs doivent aller marquer dans les cibles jaunes qui valent un, deux ou trois points dans des parties qui durent cinq minutes. Et une des valeurs principales qui permet le suspense dans ce sport, c'est qu'il y a une cible rouge au centre qui ramène le score de l'équipe qui marque dedans à zéro. Un mauvais geste et on peut donc perdre à la dernière minute. Cela permet de garder des valeurs sportives : on peut être très fort mais quand même perdre. Et cela peut se jouer de deux manières, au pied et à la main.

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OK, et comment vous est venue l'idée d'inventer ce sport ?
Je l'ai inventé en 2009 à peu près. L'idée est venue quand j'étais avec mes neveux : ils jouaient toujours avec des ballons à l'intérieur, et pour éviter qu'ils ne cassent du mobilier, j'ai vidé une des pièces de la maison, et j'ai fabriqué des buts dans le principe de ce que deviendra le home-ball. En voyant que cela fonctionnait, j'ai créé des prototypes, d'abord en métal, puis en filet. Et en 2011, j'ai créé ma société.

Vous avez abandonné votre boulot pour vous lancer là-dedans ?
Oui, j'ai toujours eu la fibre sportive, je suis passionné de sport. J'ai longtemps pratiqué l'athlé, et je suis passionné de football, de hand. Et au niveau activité, j'ai tenu une quincaillerie-droguerie du côté de Granville pendant longtemps. Le projet du home-ball a mûri et, à un moment, l'envie est devenue plus forte. Aujourd'hui, j'arrive à vivre de la création de ce sport en vendant des équipements à des collectivités qui les utilisent pour des événements comme Rouen-Plage ou Saint-Quentin-Plage, ou dans beaucoup de bases de loisir. Il plaît parce que ça se joue dans un espace fermé, et qu'on peut l'installer partout.

Mais est-ce que l'ambition est de devenir un vrai sport, avec une fédération ?
L'objectif c'est de créer un mouvement sportif. Le football, ça s'est lancé avec des buts, un terrain d'une certaine taille, mais après il faut un cadre, des standards, des règles du jeu. Pour nous, ce sera en fonction des opportunités, des pratiques. Plus il y aura de pratiquants, plus la mise en place d'une fédération sera facile. Là, on est en contact avec l'UFOLEP (Union française des œuvres laïques d'éducation physique, une fédération multisports qui veut faire du sport un outil citoyen, nldr), nos dispositifs sont mis en place dans les quartiers…

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Et vous allez avoir un championnat de France bientôt…
Oui, le 22 octobre, c'est la deuxième édition. Il y aura 20 équipes de 4 à 5 joueurs, des gens qui le pratiquent occasionnellement ou des éducateurs sportifs qui louent les équipements à des sociétés et qui ont constitué des équipes. On a quelques passionnés mais pas encore de clubs, parce que c'est compliqué au niveau des statuts, etc. Mais à l'avenir, l'objectif sera de créer des clubs. Ça demande du temps. Le chemin est long dans tous les cas, je le savais. Il faut une âme de sportif de toute façon quand on veut lancer son sport : être capable de fédérer, persévérer, croire en son projet… C'est pas parce qu'on a perdu une compét qu'il faut abandonner.

Ludovic Wampouille - 38 ans - Créateur du Cardiogoal

Bonjour Ludovic, tout d'abord, comment ça se joue le cardiogoal ?
Alors les matches se déroulent sur un terrain aux dimensions d'un terrain de basket, il y a deux buts de chaque côté avec trois anneaux de couleurs qui permettent de marquer des points. Il y a des zones de tir devant les buts, où on peut sauter comme au handball. On ne peut faire des passes que vers l'avant, à l'inverse du rugby en somme. Ça peut se jouer avec un ballon ou avec un frisbee, il n'y a pas de contacts et c'est un sport où la mixité est obligatoire.

Et comment est-il né ?
En fait, je suis pompier professionnel dans le Pas-de-Calais, et tous les ans il faut passer le test Luc Léger, un test obligatoire qui mesure les capacités cardio. Ce n'était pas évident de trouver une méthode pour s'entraîner pour ce test, et du coup, j'ai créé le cardiogoal qui est devenu un sport collectif à part entière. J'ai créé les buts, le ballon et le règlement en 2011 et je l'ai mis en application pour la première fois en novembre 2012. Je suis passionné de sport, mais je n'avais pas du tout l'ambition de créer un sport à la base.

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Et ça s'est développé naturellement ?
En fait, au vu de l'engouement des gens par rapport à l'activité, et en voyant les améliorations de mes collègues lors du test Luc Léger, je l'ai proposé au SDIS (Service départemental d'incendie et de secours, le service gérant les sapeur-pompiers au niveau départemental, ndlr). Ensuite, l'éducation nationale s'est intéressée à ce sport, et l'a mis en place dans plusieurs écoles de la côte d'Opale.

Aujourd'hui, ça en est où ?
Ça se développe, je continue de faire ça en parallèle de mon activité de sapeur-pompier. On a créé différentes associations, d'autres se sont greffées : on a cinq clubs dans le Pas-de-Calais et un autre en Provence, avec une vingtaine de pratiquants à chaque fois. On a mis en place une ligue, et le championnat a débuté le dimanche 9 octobre par un match Boulogne contre Saint-Martin. On a aussi le premier club enfant qui s'est ouvert mardi. Je voyage également pour exporter le cardiogoal : au Canada il y a deux ans, en Thaïlande et l'an prochain à Houston aux Etats-Unis.

Et l'ambition c'est quoi ?
De le développer comme un vrai sport. C'est un sport populaire qui peut toucher vraiment tout le monde, il y a la mixité notamment. Donc notre volonté c'est d'avoir l'agrément pour pouvoir créer une fédération. Je me suis donné trois ans pour présenter le dossier au ministère des sports, et pourquoi pas en faire un sport olympique dans dix ans. Je suis en relation avec le comité olympique départemental, et il faut que le sport soit présent sur trois continents. C'est un travail d'une vie, mais ça pourrait être un des sports présentés aux Jeux olympiques de 2024. Ce serait le premier sport collectif créé en France, il n'y a rien d'impossible. J'aimerais bien pouvoir le vivre. Mais il faut laisser le temps au temps.

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Mathieu Rollin - Co-créateur du RugbyGolf

Mathieu Rollin (à gauche) avec les deux co-créateurs du RugbyGolf Jérémy Wanin (deuxième en partant de la gauche) et Jean-Claude Tardieu (quatrième en partant de la gauche).

Bonjour Mathieu, c'est quoi le RugbyGolf en deux mots ?
Ça consiste simplement à jouer avec un ballon de rugby sur un parcours de golf. On a une cible fabriquée par nos soins, au début, on joue au pied comme un buteur, et le but est évidemment de se rapprocher de la cible. On peut aussi jouer à la main. L'une des spécificités c'est aussi la tenue, qui est un mélange des tenues de rugby et de golf, avec des chaussettes de rugby, un bermuda, un polo et un béret.

Comment est née l'idée ?
On est trois à la base, Jean-Claude Tardieu, Jérémy Wanin et moi. On travaille pour la FFR et pendant les stages d'été, on entraîne des gamins. Pour des ateliers de précision du jeu au pied, on prenait des containers que les enfants devaient viser. Pour améliorer ça, on s'est dit pourquoi pas créer une cible ? De là, on a travaillé sur ce projet et sur des prototypes de cible.

Et vous en êtes-où actuellement ?
On est à peine dans les sept ou huit premiers mois d'existence pour le moment. On fait toujours ça en appoint de notre activité principale. On a déjà fait quatre compétitions, à Montauban et à Souillac notamment où il y a eu une centaine de personnes à chaque fois. On s'est lancé sérieusement dès qu'un golf a bien voulu participer à la démarche. Là, c'était le Souillac Golf Country Club qui a répondu favorablement et qui est donc un peu le berceau du RugbyGolf. Ensuite grâce aux réseaux sociaux ça s'est propagé, et maintenant il y a des pratiquants jusqu'en Irlande ou en Angleterre. En Australie, il y a même eu une émission de rugby type Canal Rugby Club qui a fait une démonstration avec l'international Drew Mitchell. C'est une forme de fierté quand on voit ça, mais on constate aussi que ça peut nous échapper un peu. En même temps, c'est bien que ça nous échappe, le but c'est aussi de populariser la pratique.

Justement, c'est quoi l'ambition de votre projet ? Vous rapprocher de la Fédération française de rugby ?
Pas forcément. Là, on est complètement indépendants. On a une vraie ambition d'en faire un sport populaire. Il y a déjà deux clubs qui se sont créés, à Montauban et à Bordeaux. L'objectif, c'est que ça se développe, qu'on en fasse aussi une activité de team-building pour des entreprises, qu'on créé des opens et qu'il y ait à la fin un champion de France de RugbyGolf, tout en étant là pour légiférer les choses.

C'est pas un peu utopique de vouloir populariser un nouveau sport aujourd'hui ?
Non, parce que le rugby est une pratique assez spécifique. Le rugby à XV ou à VII, ce sont des sports avec des règles compliquées, pas faciles d'accès, ou même de haut-niveau pour le rugby à XV. Alors être en contact avec un ballon de rugby d'une autre manière, sans contacts physiques avec des adversaires, ça peut intéresser du monde.