FYI.

This story is over 5 years old.

Sports

Les Tarahumaras et les Jeux olympiques d'Amsterdam de 1928

Pour ce peuple, courir 42 km c'est beaucoup trop peu.

Les Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam aux Pays-Bas, loin d'être transcendants, ont valu au monde du sport une série d'événements sans précédent : les femmes ont été acceptées pour la première fois aux épreuves d'athlétisme ; l'Allemagne, après 16 ans d'absence aux JO, a été réadmise, en signe de paix et de stabilité mondiale. C'est la première fois que le protocole d'inauguration a été établi, selon lequel la Grèce ouvre le défilé et le pays hôte le ferme. Mais pour le Mexique, l'histoire n'a pas été aussi belle et, pourtant, le pays était bien décidé à ne plus repartir des Jeux sans médaille.

Publicité

Lors des précédentes éditions, le bilan olympique mexicain n'avait pas été brillant, tout juste une médaille de bronze aux Jeux de Paris en 1900. Mais il faut bien sûr garder à l'esprit que les ravages causés par la révolution de 1910 n'avaient pas laissé beaucoup de place à la pratique du sport amateur et professionnel. C'est alors que le Comité olympique mexicain a décidé de chercher un moyen d'obtenir à tout prix au moins une breloque.

C'est là que sont devenus célèbres les Tarahumaras, une tribu exclue de la société vivant dans les montagnes de Chihuahua, au nord du Mexique. Connus également sous le nom de Raramuri, terme qui peut se traduire par "pieds légers" ou "celui qui marche bien", ils avaient la particularité, et peut-être le don, de courir des distances affolantes sans s'arrêter. On dit même qu'ils tuaient le gibier de fatigue. L'existence des membres de cette tribu se résumait en un mot : courir

Le sport n'était pas pour eux un simple divertissement mais leur vie, dans tous les sens du terme : courir était synonyme de survie. De plus, courir transcendait les frontières des genres et des classes sociales. Les meilleurs coureurs, peu importe leur position dans la tribu, recevaient les honneurs et jouissaient d'une grande popularité.

Pour vous donner un exemple de cet amour de la course, ils avaient un sport de balle qu'aujourd'hui n'importe qui aurait peur d'essayer. Mais non pas parce qu'il était sanguinaire ou quoi que ce soit, mais parce qu'il s'agissait de shooter ou de taper avec une batte une balle en bois pour la faire franchir la zone de but. Le truc c'est que cette zone de but pouvait être loin, TRÈS loin, et j'entends par là qu'elle pouvait être à une distance pouvant aller jusqu'à 200 kilomètres. Logiquement, le jeu, qui opposait deux équipes devant envoyer leur propre balle dans la zone adverse, pouvait durer deux jours ou plus et tout le village le suivait et encourageait les équipes.

Publicité

Il est peu surprenant que le Comité olympique mexicain, après avoir observé cette tribu impressionnante, n'ait douté que ces membres pourraient faire de bons résultats au marathon des Jeux olympiques. Aussitôt dit aussitôt fait, ils emmenèrent deux hommes à Amsterdam avec la ferme certitude que le Mexique repartirait avec au moins deux médailles, fruits du talent incomparable des Raramuri.

Photo: Indigenouspeople

Le jour de la course fut un jour d'émotion et d'espoir sans pareil. Cependant, il y avait certains éléments que le Comité mexicain n'avait pas pris en compte par rapport à ses deux coureurs : tout d'abord, les Tarahumaras avaient l'habitude de courir pieds nus, tandis que le règlement des Jeux leur imposait de porter des tennis et, par conséquent, les Tarahumaras n'étaient pas à l'aise dans leurs chaussures. D'autre part, il s'agissait de leur faire comprendre que la course ne faisait que 42 km. A la fin de la course, les Tarahumaras protestèrent « Trop court ! Trop court ! », disaient-ils aux employés qui leur demandaient de quitter la piste. En outre, le Comité avait mal compris le concept de la course chez les Tarahumaras : pour eux l'important n'était pas de courir vite mais de courir longtemps.

D'ailleurs, la tribu reçut en 1920 une invitation du gouvernement du Kansas pour participer à un marathon de la même longueur, à laquelle ils répondirent en disant qu' « ils n'enverraient que des femmes car aucun homme digne de ce nom n'accepterait de courir aussi peu. » Enfin, en dernier lieu, les courses impitoyables des membres de la tribu n'étaient pas innocentes de toute "substance", car pour courir ces distances titanesques, les indiens s'aidaient d'une plante, connue sous le nom de peyote, qu'ils utilisaient dans leurs cérémonies religieuses.

Les hommes terminèrent à la 35e et 32e place et mirent fin aux rêves du Comité olympique mexicain de repartir au pays fanny. Pendant les JO de 1968, l'expérience fut réitérée avec la tribu des "pieds légers", soldée par un même échec. Depuis, on leur a foutu la paix et on a arrêté de les ennuyer avec des niaiseries telles que de courir 42 ridicules kilomètres, et j'espère que la tribu continue de pratiquer son rituel sportif à renfort de gros morceaux de peyote.