Lady Cadet Wardah Noor prepares to lead a mock attack during field exercises.
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LES FEMMES EN BÉRET VERT
SUR LE FRONT DE L'ÉGALITÉ DES SEXES AVEC LES FEMMES SOLDATS DU PAKISTAN
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La cadette Meimouna Mahruck, 23 ans, se revoyait il y a quelques années, assise dans une salle avec 150 autres candidates à Swabi, son village de la province du Khyber Pakhtunkhwa. Elle se demandait alors si elle serait prise dans l’infanterie. Fièrement, elle m’a annoncé : « Je suis la première femme de mon village à rejoindre l’armée. » Pour être acceptées à l’AMP, les candidates doivent réussir une série d’examens écrits et de tests physiques avant d’être sélectionnées pour l’un des rares postes à pourvoir. Elles se retrouvent en concurrence pour 40 places disponibles par an, tandis que 2 100 places sont réservées aux hommes. « Avec le temps, les commandants militaires augmenteront le nombre de cadets de sexe féminin. Ils l’ont fait depuis le début du programme ; et les exercices, en particulier la formation physique, sont plus difficiles chaque année », m’a affirmé le capitaine Arif, diplômé de l’académie en 2010. « Au début, ils ne savaient pas ce dont les femmes étaient capables. L’année prochaine, ils envisagent d’introduire l’équitation et la natation dans le cadre de l’entraînement physique des femmes soldats. » Les cadettes ont fini par passer à l’offensive en courant dans la boue avant de tirer sur leurs faux ennemis. Ensuite, les recrues sont rentrées au camp et ont attendu le dîner. Elles avaient passé une longue journée dans une chaleur ardente et sous des pluies torrentielles. Dans l’air frais du soir, elles frissonnaient. C’était leur dernier jour ; la promesse d’une douche chaude une fois de retour à l’Académie et le confort relatif de leurs exercices de routine – notamment les longues marches sur les terrains parfaitement entretenus de l’AMP – avaient réussi à remettre les cadettes d’aplomb.La recrue Zarnigar, après avoir réussi son exercice de maniement d’armes.Parmi les personnes auxquelles j’ai parlé, certaines pensaient qu’un jour les femmes se battraient aux côtés des hommes sur les lignes de front de l’armée pakistanaise. Cependant, cette option demeure controversée dans de nombreux autres pays. Seule quelques nations autorisent les femmes soldats au combat ; et des pays comme les États-Unis ont dû faire face à des problèmes d’agression sexuelle dans leurs unités mixtes. Peut-être qu’une partie de l’engouement que j’ai observé quant à la possibilité d’une armée mixte n’était que de la propagande larvée – et non ce qui allait effectivement se passer. Certains cadets masculins m’ont dit que la période de formation de six mois – comparée aux deux années que les hommes passent à l’Académie – était insuffisante pour le combat. Mais ces réserves pourraient également être une couverture pour ceux qui pensent que les femmes ne peuvent, en aucune circonstance, partir au combat ; et ce, peu importe le nombre d’années de formation qu’elles reçoivent. Bien que personne n’ait souhaité le reconnaître, c’était un sentiment partagé par plusieurs officiers masculins. De retour à l’AMP, les recrues ont repris leur formation habituelle. Je les ai vues marcher dans un grand champ, divisées en quatre groupes, où elles apprenaient à manipuler des armes et à tirer. L’entraînement s’est terminé en début de soirée. Elles se sont alors précipitées dans leurs quartiers tandis que de gros nuages sombres annonciateurs d’une tempête s’approchaient des montagnes où elles résidaient. Mehnaz Younas, une recrue de 23 ans originaire de la province du Cachemire, bien qu’épuisée, a attaché une longue écharpe blanche autour de sa tête avant de dérouler un tapis de prière. Les nuages, pendant ce temps, gonflaient au-dessus des lointaines montagnes de l’Himalaya. Une fois ses prières récitées, elle a rejoint ses consœurs tandis qu’elles se précipitaient à la cantine pour le dîner. À l’intérieur du grand hall, les femmes occupaient seulement trois tables. Les cadets masculins remplissaient le reste du réfectoire. Les femmes étaient assises tranquillement et mangeaient les petites portions de nourriture qu’elles s’étaient elles-mêmes servies. Exténuées, elles ont terminé leur repas sans un mot. Au lit peu avant minuit, elles se sont réveillées quatre heures plus tard pour débuter une nouvelle journée. Être admise dans le club des garçons – si elles y sont autorisées un jour – ne sera pas chose aisée pour ces jeunes femmes. Les mœurs du pays, qui s’inscrivent contre le mélange des sexes, leur interdisent encore de socialiser avec leurs collègues masculins.
Dans un pays où le rôle de la femme est circonscrit au mariage et à la procréation, ces cadettes ont décidé d’acquérir leur indépendance, guidées par une motivation intérieure qui commence à toucher toute une génération de Pakistanaises. « Je me force à aller de l’avant », m’a dit la cadette Wardah lors de mon dernier jour à l’Académie. « Quand je veux quelque chose, je fais de mon mieux pour atteindre mon objectif, quel qu’il soit. »