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Une interview de l'auteur du Guide de survie aux drones

Ruben Pater a rassemblé tous les conseils possibles pour esquiver ces armes de guerre.

Rien que l’année dernière, les frappes de drones américains ont tué des centaines de personnes au Pakistan, au Yémen et en Somalie. Pour justifier ces attaques, les gouvernements occidentaux évoquent les assassinats de gros méchants comme Hakimullah Mehsud, le leader des talibans pakistanais, et Abu Yahya al-Libi, un des dirigeants d’al-Qaïda. En théorie, ces attaques sont destinées à endiguer le terrorisme islamiste mondial. Mais selon certains rapports, moins de 2% de ces frappes ont permis de tuer des terroristes recherchés. Parmi les victimes collatérales, on compte de nombreux enfants, des civils et quelques combattants potentiels.

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Ruben Pater, un designer des Pays-Bas, a récemment établi un guide de survie aux drones, disponible dans 27 langues différentes. Le guide dresse notamment une liste des drones les plus communs – du Reaper au KillerBee – ainsi que quelques informations cruciales pour les éviter et les détourner.

« La plupart des gens sont intrigués par les drones, m’a expliqué Ruben. Mais ils ignorent les capacités et les faiblesses de ces technologies. Quand on aura enfin compris ce que peut faire un drone, on cessera de les craindre et on pourra réfléchir à des moyens de protection. » Le Guide de survie aux drones est divisé en deux sections principales : Se cacher des drones et Hacker les drones. On retrouve notamment les conseils de type : « Disséminer des morceaux de verres réfléchissant sur un toit brouillera la caméra du drone », ou encore : « La diffusion massive sur plusieurs fréquences peut couper la liaison entre pilotes et drone ». Ruben tient à préciser que son travail relève plus d’un projet artistique à valeur éducative que d’un vrai guide pratique pour abattre les drones Predator. Il a également fait tout ce qui était en son pouvoir pour que son guide ne présente aucun danger : « J’ai pris soin de ne rassembler que des informations disponibles sur des sites acessibles à tous, a-t-il ajouté. Pour ce guide, j’ai choisi des techniques qui permettent d’esquiver les dispositifs de surveillance et de tromper les capteurs des drones – mais je n’ai pas expliqué comment les abattre. »

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C’est une chose plutôt rassurante, sachant que des djihadistes ont d'ors et  déjà partagé Le Guide de survie aux drones sur les réseaux sociaux. Il y a peu de chances qu’ils y apprennent de nouvelles choses, étant donné que la plupart des instuctions ont été directement puisées dans des documents – bien plus fournis en détails – trouvés dans une base d’al-Qaïda au Mali.

J’ai rappelé à Ruben que le guide précisait que ces techniques « [pouvaient] être [utilisées]… pour faire suivre aux drones des plans de vols suicidaires ou même les détourner et les poser sur des pistes », ce à quoi il m'a répondu : « Bien vu. La technique à laquelle vous faites allusion est l’envoi de faux signaux aux GPS. Mais c'est une tactique extrêmement difficile à mettre en place. Certains prétendent que le gouvernement iranien s’en est servi pour détourner un drone américain qu’ils ont capturé [en 2011], mais je crois que personne n’a jamais réussi. C’est principalement pour cette raison que j'ai laissé cette technique : c’est quasiment impossible. Mais contrôler un drone en dupant son système GPS reste une idée très intéressante. »

À en croire la Federal Aviation Administration, on peut s'attendre à voir plus de 30 000 drones graviter dans l'espace aérien américain d'ici 2020. D’ici-là, les drones seront perçus comme des robots volants quelconques plutôt que comme des instruments de guerre. C’’est aussi pour cette raison que le Guide de survie aux drones est vendu comme une aide à « l’observation des oiseaux au XXIème siècle » – même si, en effet, la plupart de ces « oiseaux » présentent la capacité de faire exploser des gens à plus de 15 000 mètres de distance.

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Avant de donner son guide à un ami, Ruben ne se rendait pas compte de la puissance du drone européen Barracuda : « Mon ami travaillait pour une société qui fabriquait des systèmes de freinage pour ce drone. Il m’a dit que le Barracuda était conçu pour être complètement indépendant. Il est capable de décoller et de tirer sans la moindre intervention humaine. Il suffit de lui indiquer une cible, et il se charge du reste. C’est terrifiant. » Aujourd'hui, il est possible d'assigner des tâches au drone à distance, même lorsque celui-ci est en plein vol. Certains tests réalisés en 2012 ont démontré que le Barracuda était en mesure d'accomplir ces missions immédiatement.

L'industrie des drones évolue à une telle vitesse que le travail de Ruben est déjà un peu dépassé : « L’entreprise Lockheed Martin a récemment annoncé la sortie d’un nouveau modèle que je n'ai pas pu mettre dans le bouquin. Le SR-72 est un drone hypersonique qui sera six fois plus rapide que le son. » Sur leur site officiel, l’entreprise Lockheed précise : « À cette vitesse, l’adversaire n’aura même pas le temps de réagir ou de se cacher. »

« Imaginez que quelqu’un perde le contrôle d’un drone aussi puissant, m'a fait remarquer Ruben. Un robot aussi rapide serait impossible à rattraper. C’est vraiment une très mauvaise idée. » (Notez que ce qu’il décrit ressemble pas mal au scénario du très mauvais film Furtif).

Ruben espère que son guide permettra d’éveiller la conscience de ses lecteurs : « Je veux montrer ce dont les drones sont capables, et j’espère que les gens se demanderont s’il est bien sage de les utiliser à des fins militaires. De nombreux gouvernements les utilisent dans ce sens, et ils sont financés par nos impôts. Nous avons le droit de connaître leurs capacités afin de déterminer quel usage nous devons en faire. »

Le Guide de survie aux drones est disponible ici.

Suivez Jake sur Twitter : @Jake_Hanrahan