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Culture

Une discussion bouffe avec le mec de Mars Volta

L’Étrange Festival a commencé en fin de semaine dernière, et si ça ne vous intéresse pas de voir la filmographie de Kenneth Anger et des dizaines d'autres long-métrages niqués sur grand écran, vous êtes un peu cons – les occasions sont rares.

L’Étrange Festival

a commencé en fin de semaine dernière, et si ça ne vous intéresse pas de voir la filmographie de

Kenneth Anger

et des dizaines d'autres long-métrages niqués sur grand écran, vous êtes un peu cons – les occasions sont rares. Vous pourriez au moins bouger votre cul pour aller voir

Los Chidos

, le nouveau film d’Omar Rodriguez Lopez, le mec latin à lunettes qui jouait dans At The Drive-In avant et qui tourne avec Mars Volta aujourd'hui. C'est son deuxième film, après

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The Sentimental Engine Slayer

, sorti en 2010.

Comme il était en concert il y a dix jours au Nouveau Casino – avec une nouvelle formation, le Omar Rodriguez Lopez Group – on en a profité pour aller lui demander de nous présenter Los Chidos qui, pour résumer, est une une sorte d’adaptation mexicaine d’

Affreux, Sales et Méchants

avec une belle romance sur fond d’horreur grasse et de famille pétée. On aurait pu lui demander s’il avait choisi son nom pour faire flipper les autorités américaines, on l’a plutôt fait parler de bouffe latine et de plats pimentés.

VICE : Salut Omar. Personne ne sait que tu réalises des films. Où est-ce qu'on peut les voir ?

Omar Rodriguez Lopez :

Non, il n’y a que celui-ci et mon prochain film,

El Divino Influjo de los Secretos

qui seront diffusés dans les festivals. Le truc c’est que dès que j’en ai fini un, j’en attaque un autre. J’ai pas le temps de m’occuper de tout. C’est comme en musique.

Los Chidos, tu le décrirais comment ?

C’est une grosse satire. Je voulais évoquer les trucs qui m’emmerdaient dans ma culture. Les trucs qui me dépriment vraiment quand j’y pense ; ça ne pouvait passer que par l’humour.

Ouais, la culture mexicaine en prend pour son grade. Ça m’a rappelé certains films italiens, comme ceux d’Ettore Scola et Dino Risi, ces films qui mettent en scène des gens horribles qui font des trucs horribles.

Ouais, mais c’est pas tant une affaire de culture mexicaine que de culture masculine. Ça raconte la force de l’ego masculin, l'une des forces les plus destructrices du monde.

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Ouais, enfin les femmes n'ont pas les mains blanches non plus dans le film.

Non et c’est justement ce qui m’intéressait là-dedans, ce rapport exploitant/exploité qui s’instaure et dans quelles ressources l’exploité doit puiser pour survivre.

OK. Je n’y avais pas vu tant de profondeur mais c’est peut-être lié à mon obsession pour la bouffe mexicaine. Je n'ai pensé qu'à ça tout le long du film. Le reste du temps, je pensais à Bottle Rocket, le premier film de Wes Anderson.

C’est vraiment bizarre que t'aies remarqué ça parce que moi ma première référence pour faire le film, c’était vraiment Pasolini… C’est vachement éloigné.

Oui, je me suis aussi dit à un moment que le film fonctionnait comme Théorème, mais à l’envers. Dans le film de Pasolini, c’est l’étranger qui démolit le noyau familial. Là c’est plutôt le contraire.

Je n’y avais jamais pensé mais je ne vais pas dire que c’est pour me déplaire ; putain, j’adore ce film. D’ailleurs c’est à cause du cinéma italien que tout le film a été post-synchronisé. Le cinéma italien, et le cinéma mexicain des années 1950.

Ah c’est ça le son chelou ? Je croyais que c’était pour que le film ressemble à une telenovela.

Non, pas du tout. On en fait toujours un peu pour les films, mais là je voulais faire exprès de tout faire comme ça. Qu’aucun son issu du tournage n’apparaisse dans le film. Le résultat est bizarre, mais je suis content. Enfin, je ne sais pas si je le referai.

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À propos du son, la bande originale est un putain de juke-box rempli de tubes internationaux. Tu as payé les droits de tout le monde ?

Eh mec, c’est un film indépendant. J’ai fait ce que je pouvais, quoi. C’est le premier film que je fais dont je ne signe pas la musique et je voulais des morceaux ayant bercé l’enfance des latinos de mon âge. Et ça collait bien, parce que ces espèces de chansons d’amour sirupeuses sont super sexistes en fait. Ça provoque un sentiment doux-amer que je voulais pour le film.

Pour en revenir à la bouffe, parce que vraiment, les tacos qu’on voit dans le film m’ont fait vachement envie – on n’en trouve pas d’aussi beaux en France. Tu es branché cuisine ?

La bouffe mexicaine est l'un des trucs que je préfère au monde, même si je suis Portoricain. Ceci dit au Mexique, ils foutent de la sauce partout et ça rend parfois le truc bordélique. Je veux dire, tout dégouline dans la bouffe mexicaine mais faut pas se méprendre, le film n’est pas une critique virulente du culte de la viande. Je dis ça parce que je suis végétarien, alors on pourrait croire que j’ai voulu faire passer un message, mais non, pas du tout.

Ah. Je n'y avais pas pensé.

Enfin inconsciemment peut-être… Si je dénonce quelque chose, c’est la consommation sans conscience. Ça me va que tu bouffes de la viande, mais faut juste savoir ce que tu te mets dans le corps. Aux États-Unis notamment, l’industrie alimentaire part en couilles. Tout est génétiquement modifié.

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Je vois ce que tu veux dire. En France, il y a une sorte de paranoïa autour du fait que toute la bouffe serait Hallal.

Ce n’est pas vraiment pareil.

C'est vrai. Au départ, c’était un peu une blague de te parler de bouffe, mais au final t’es vachement plus sérieux avec ça qu’avec le cinéma.

Oui, ça me fait chier ces histoires de ciné – la vérité c'est que que j’adore bouffer et j’adore faire à bouffer. Encore une fois, je suis végétarien, mais où que j’aille, je trouve toujours des bons petits trucs à faire.

Qu’est-ce que tu me préparerais si je venais dîner chez toi par exemple ?

Je sais surtout faire ce que ma mère m’a appris, du coup je ferais des trucs portoricains. De l’arroz con gandules [NDLR : l’équivalent portoricain du riz cantonnais] ou des tostones, des beignets de bananes plantain. Ou des frijoles. J’adore ce truc.

Et ton film, tu le comparerais à quel plat ?

Laisse-moi réfléchir. Ben tu prends une assiette, tu y mets du saag aloo, le plat indien avec des patates, puis tu rajouterais des frijoles et une tortilla. Et un bon truc portoricain par dessus, plus un hamburger avec des spaghettis.

Ça fait pas super envie comme ça.

C’est probablement très indigeste, assez perturbant, mais en phase avec notre époque – c’est ça qui compte. C’est comme la cuisine moléculaire. Je n’ai jamais goûté ce truc mais ça me donne pas super envie. Tu crois que c’est bon toi ?

J'ai fait exploser un yaourt dans mon micro-ondes à cause de ces conneries. Merci Omar.

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L’Étrange Festival a lieu en ce moment même au Forum des Images à Paris et se poursuivra jusqu’au 16 septembre. Vous trouverez la programmation sur le site : http://www.etrangefestival.com.

Pour plus de cinéma bis :

LES EUROCKÉENNES DE BELFORT

TOBE HOOPER

NORMAN SPINRAD