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Le parti de la France a réélu Carl Lang à sa tête, si ça intéresse quelqu'un

J'ai pris le train pour la charmante ville d'Enghien les Bains, dans le Val d'Oise,

Samedi 9 février, le parti de la France (PdF) s'est réuni dans la salle des fêtes d'Enghien-les-Bains. Le parti, formé en 2009 par des renégats du FN, organisait le deuxième congrès de sa courte existence. Si le programme était riche en activités, le moment fort de la journée était sans conteste la réélection de Carl Lang à la tête du parti.

On m'avait spécifié par mail d'arriver seulement à partir de 14h30, la matinée et les sandwichs du déjeuner étant réservés aux adhérents du parti. J'ai pris le train pour la charmante ville d'Enghien-les-Bains, dans le Val-d'Oise, par un beau samedi après-midi de février afin d'aller écouter des gens tenir des discours enfiévrés dans une salle des fêtes hideuse du nord de Paris.

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Dans la salle gardée par une dizaine d'hommes munis d'une oreillette et deux petites mamies BCBG, environ 150 personnes étaient rassemblées. Le raout comptait une majorité écrasante d'hommes, dont un type très basané et tout sourire qui applaudissait aux mauvais moments – il a ainsi battu des mains à tout rompre quand l'orateur a prononcé « des écoles dans chaque village », ce qui a provoqué une forme de bref attentisme dans l'assistance et à la tribune. Les discours se sont succédés pendant deux heures. Entre deux orateurs passaient à plein volume des sons de clairon et de roulements de tambour, ce qui me surprenait à chaque fois. Voilà ce que j'ai retenu des interventions des membres de cette nouvelle force politique qui, d'après mes observations sur place, ne devrait pas peser sur l'avenir de la France.

L'avenant Christian Baeckeroot a pris des libertés avec son temps de parole pour aborder en profondeur le problème de l'Instruction publique. Il n'a pas daigné faire un commentaire d'actualité sur la réforme des rythmes scolaires, préférant fustiger une France qui « privilégie 12 % des élèves ». J'ai compris de qui il parlait quand il a donné l'exemple de Richard Descoings, l'ancien président de l'IEP de Paris : il a placé dans la même phrase « mort tragiquement dans une partouze gay à New York » et « mise en place des conventions ZEP à Sciences Po ».
S'il n'a pas explicité sa position sur le mariage gay, il a mentionné les « individus dépenaillés » du « lobby LGTB ». Je suppose qu'au PdF, « dépenaillé » veut dire gay. Aussi, il a qualifié la sociologie de « fausse discipline » puis a évoqué « les trois points de la théorie des genres » avec un air mystérieux à propos de Christiane Taubira.

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Puis ça a été au tour de Martine Lehideux de monter sur scène, provoquant un tonnerre d'applaudissements. Elle s'est montrée d'entrée de jeu très combattive. Elle a cité Elizabeth Guigou à propos de son concept d'« islam démocratique », provoquant un grand fou rire dans l'assemblée. Un fou rire dont j'étais exclue. C'était un peu frustrant de ne partager aucun référentiel humoristique avec les gens de l'assistance. Vous saviez, vous, qu'il fallait rire après des phrases telles que : « Algérie… enfin, l'Algérie française » ? Moi non plus. De même, le trick oratoire commun aux orateurs du PdF consistait à placer « vous voyez ce que je veux dire » à la fin de toutes leurs phrases, renforçant mon sentiment de m'être incrustée à un spectacle de stand-up où le public serait exclusivement composé d'amis du comique qui, lui, se contenterait de débiter des private jokes.
Martine Lehideux l'a annoncé tout de go : Elle ne « veu(t) pas de l'instauration de la charia en France ». Un gros type à catogan, la trentaine, assis à une dizaine de rangs devant moi, a applaudi très fort quand Martine Lehideux a annoncé, martiale : « Il n'y aura pas de nourriture halal pour tous. » Elle a ensuite insisté sur la nécessité de « leur » faire savoir qu'« on est chez nous ici ».

Le jeune Matthieu Mautin a pris la parole. Il essayait de prendre une grosse voix, et faisait des pauses bizarres dans ses phrases, un peu comme Bernard Campan dans le sketch de Gag Vidéo. Si je tiens à le féliciter pour sa concision, il a eu tendance à abuser d'analogies hermétiques pour justifier les positions de son parti – « Comment on peut empêcher quelqu'un de voler le sac d'une mamie quand le soir, on vient la tuer dans son lit ? C'est ça, l'euthanasie. » Dans la foulée, il en a profité pour rappeler que le parti soutenait la peine de mort et s'opposait à l'avortement (« On tue légalement des enfants chaque jour »), semblant confirmer la punchline de Christian Baeckeroot : « La réaction, c'est la vie. »

Christophe Devillers a par la suite mis un point d'honneur à rappeler que son parti était un parti de losers : il s'est douloureusement épanché sur ses défaites en rappelant qu'il ne bénéficiait d'aucune implantation locale, déplorant l'absence d'un candidat du PdF à la présidentielle et allant même jusqu'à qualifier les élections législatives d'« échec », préfigurant le triste « On est nuls » lancé le soir même par Michalak, juste après la défaite de la France contre les Gallois. Ensuite, il s'est perdu dans une longue métaphore militaro-électorale à laquelle il ne croyait pas.

Les gens de l'assistance se montraient très chaleureux, me souriant à chaque fois que nos regards se croisaient. On partageait clairement « quelque chose », et cet entre-nous putatif me foutait mal à l'aise. Aussi, j'en avais marre d'écouter leurs conneries, de ne rire à aucune de leurs blagues et, comme leur comparse d'outre-océan, de ne jamais savoir quand applaudir. Je suis sortie de la salle des fêtes au bout d'une heure, n'attendant ni la présentation des membres du bureau politique, ni le discours de clôture. Je ne connais donc pas le fin mot du congrès, mais je suppose que ce n'était pas très différent de tout ce que j'avais pu entendre jusque là : des idées pourries introduites dans une syntaxe aléatoire.