Justin Trudeau est arrivé en politique canadienne comme un vent de fraîcheur, en assurant qu'il romprait avec des années d'inaction sur le plan environnemental. Il a promis à plusieurs reprises des objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) plus ambitieux que ceux de Stephen Harper – sans jamais les chiffrer.Dans La Presse, on apprenait hier que Justin compte s'en tenir pour l'instant à la cible de l'ancien gouvernement conservateur, soit une réduction des GES de 30 % par rapport au niveau de 2005. Une cible qui avait pourtant été sévèrement critiquée par les groupes environnementalistes et par l'opposition à la Chambre des communes.Le ministère de l'Environnement dit vouloir poser des gestes concrets avant de brandir des chiffres.« Le gouvernement précédent s'est fixé des cibles, mais sans avoir aucun plan en place pour les atteindre et sans démontrer au cours d'une décennie entière quoi que ce soit comme action sur le plan du changement climatique. À cause de ça, les émissions sont en augmentation, déplore Caitlin Workman, porte-parole de la ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna. Avec la meilleure volonté du monde, et je vous assure qu'on l'a, ça peut prendre du temps. »Les émissions de GES sont en hausse constante depuis la crise économique en 2009. De 2009 à 2014, les émissions totales de GES ont augmenté de 5,2 %.Le plan d'action basé sur les objectifs de réduction de l'ancien gouvernement devrait être adopté cet automne, assure Caitlin Workman. Les objectifs plus ambitieux, eux, devront attendre. Le ministère demeure évasif sur le moment auquel ils seront annoncés.En agissant de la sorte, le gouvernement Trudeau ferait preuve de prudence. Le porte-parole d'Équiterre, Steven Guilbeault, avance que les libéraux sont frileux à l'idée de mettre l'accent sur les cibles. « Pourquoi? Parce qu'ils ont déjà été au gouvernement, explique-t-il. Ils avaient des cibles en matière de réduction des émissions de GES, à l'époque des premiers ministres Chrétien et Martin, et ils n'ont pas livré la marchandise. »Les augmentations de GES ont été assez constantes sous les deux chefs libéraux. À la fin du mandat de Paul Martin, en 2005, le Canada a émis 122 mégatonnes de GES de plus que lors de l'arrivée de Jean Chrétien au pouvoir, en 1993, un bond de 19,5 %.Greenpeace se dit déçue de la décision de conserver la cible de réduction d'Harper, car elle manquait d'ambition. « Si le Canada écoute la science, il faut qu'il atteigne le 100 % d'énergies renouvelables d'ici 2050, et clairement le gouvernement Harper n'était pas en voie de se libérer du pétrole, du gaz et du charbon, en 35 ans », déplore le porte-parole québécois de Greenpeace, Patrick Bonin.En 2014, 732 mégatonnes de GES ont été relâchées dans l'atmosphère, d'après le ministère de l'Environnement du Canada. Voici les objectifs de réduction actuels du gouvernement canadien :Accord de Copenhague (2009) : 17 % de GES de moins que le niveau de 2005, d'ici 2020Pour atteindre cet objectif, le Canada devrait éliminer 110 mégatonnes de GES en quatre ans. En ce moment, l'objectif ne serait même pas atteint si on arrêtait toutes les activités liées à l'agriculture, et qu'on ne produisait plus un seul déchet à l'échelle du pays. Ces deux secteurs produisent 102 mégatonnes de GES par année.Accord de Paris (2015) : 30 % de GES de moins que le niveau de 2005, d'ici 2030Il faudrait produire 210 mégatonnes de GES de moins d'ici 14 ans. Le Canada dispose de ce délai pour éliminer plus de GES que ce que produisent annuellement les secteurs pétrolier et gazier. En résumé, même en arrêtant toute exploitation d'hydrocarbures d'un océan à l'autre (192 mégatonnes par an), on rate l'objectif fixé par Stephen Harper.
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Pourquoi attendre?
Le gouvernement se fait prudent
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