Les combats secrets du Bronx sont aussi cool qu’on pouvait l'espérer

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Les combats secrets du Bronx sont aussi cool qu’on pouvait l'espérer

Bienvenue dans l'UFC des voyous new-yorkais ultraviolents.

Photos : Anil Melwani

Avant le combat, Owen s’échauffe deux heures durant. Il enchaîne blocages, jeu de jambes et crochets : on dirait un mélange de ballet et de kung-fu – ça s'appelle le Bagua. C’est impressionnant, mais dès qu’il arrive sur le ring, son adversaire le soumet en l’étranglant en moins de 20 secondes. Owen n’aime pas ça. Il veut remonter sur le ring. Il se bat contre Mike, un mec de Harlem, une montagne de muscles surdouée en Jeet Kune Do – l’art martial créé par Bruce Lee. Celui-ci défonce Owen pendant deux minutes. Owen abandonne après une clé de bras. S’il ne l’avait pas fait, Mike le lui aurait pété, sans rancune.

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Entre 2003 et 2012, on a compté plus de 40 rendez-vous organisés par l’Underground Combat League (UCL) – la branche UFC de New York –, et la seule que j’aie manquée est celle qui a marqué les débuts de Frankie Edgar, freefighter poids légers, un an avant qu'il devienne champion UFC. J’ai vu des histoires comme celle d’Owen se régler devant mes yeux une bonne centaine de fois. Ce gamin n'a pas les skills qui lui permettraient de gagner ce genre de combat, mais il a des couilles et l’envie. Il reviendra, et peut-être même qu’un jour, il mettra une branlée à un mec.

Prenez l’UFC, virez les paillettes et les artifices, rajoutez des truands, des wannabes, des spécialistes en arts martiaux, des tarés, plus quelques diamants bruts de la baston de rue, et placez tout ça dans un endroit planqué au fin fond du Bronx : vous obtenez l’UCL. L’état de New York a banni les Mixed Martial Arts en 1997. Pas longtemps après, Peter Storm, promoteur de combats, a décidé de s’en foutre : il a crée de toutes pièces ces shows underground. Vous voulez savoir exactement où et quand ça a lieu ? Allez vous faire mettre. À moins que votre numéro soit dans le répertoire de Storm ou que vos potes soient des freefighters confirmés, vous resterez dehors.

Owen et Mike se serrent la main, se donnent l’accolade et quittent le ring. Ils cèdent la place aux deux prochains combattants, qui s’affronteront jusqu’à ne plus tenir debout. L’événement principal de la soirée, c’est Chad Hernandez de Radical Jiu-Jitsu contre Pedro Villa de Twin Towers Wrestling, dont on attend qu’ils se battent comme si leur vie en dépendait. D’autres combats sont attendus, notamment un où s'affronteront Storm lui-même et Adam, un kickboxer musulman amical, chaleureux, et ultraviolent.

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Quand je suis arrivé, Storm était en tenue de judoka avec des mitaines MMA, prêt à se battre. Il tenait à la main un post-it avec les noms des fighters griffonnés dessus, une liste susceptible de changer à tout moment – au risque de vous décevoir, les gens qui affirment vouloir se battre ne se pointent pas toujours. Bientôt, Storm enlève le haut de son kimono bleu, sa ceinture noire, et rejoint Adam dans le ring.

Vous pouvez assister à n’importe quel combat à Vegas, l’attraction est toujours à l'intérieur de la cage, et il y a de la pub relou partout avant le début des combats. Dans un show UCL, vous ne savez jamais sur quoi vous allez tomber. Vous êtes susceptible de voir de chauffeur de bus fou avec des yeux rouges en train de flipper au milieu du ring et s'enfuir en courant, puis quelques semaines plus tard, le retrouver éclaté à la meth dans une station de métro en train de charcuter un étranger à la perceuse. Ou encore, vous pouvez tomber sur un noir massif tout droit sorti de300, tatoué des lobes jusqu'aux doigts de pieds, mais qui se fera aplatir en quelques secondes. Ou peut-être que vous verrez un gamin se péter le fémur tellement fort qu’il devra abandonner en plein milieu : il sera écarté du ring et se fera transporter sur une table pliante à l’arrière de la salle où il attendra 25 minutes qu’une ambulance vienne le chercher.

En dehors du ring, on a assisté à une embrouille entre un gars de l’assemblée et un fighter trop jeune et trop bavard. Ça a obligé Storm à changer de cap ; de son combat contre un vrai athlète, il est passé à une embrouille avec des spectateurs sur des chaises pliantes. Son job de jour, c’est agent de sécurité dans un night club. Autant dire qu'il n'en a rien à foutre de balancer dehors des connards en tous genres.

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« C’est pas fini », dit le mec, et en effet, celui-ci revient en un rien de temps avec une douzaine de potes. Cette fois, ça prendra 20 minutes à Storm et ses sbires pour les sortir – 20 longues minutes au cours desquelles Adam le musulman les attendra patiemment sur le ring. René, le coach de Chad, secoue la tête. « C’est ridicule », râle-t-il,  alors que plusieurs d'entre nous (les spectateurs) se demandent si les envahisseurs n’avaient pas des flingues sur eux. Ils sont dehors maintenant ; Storm ferme les portes à clé. Coincés à l’intérieur, on se dit qu'on est à l’abri. Le show peut continuer.

Adam couche Storm avec un kick au visage. Mais vite, c'est au tour de Storm de le faire tomber ; il le tient fermement au sol et lui délivre une série de coups de tête sur le crane. Adam abandonne vite, et après que Storm l’a aidé à se relever, ils se font une accolade et échangent des sourires.

Dans Fight Club, Chack Palahnuik écrit qu’« après être allé dans un fight club, regarder la boxe à la télé, c’est comme regarder du porno quand tu pourrais t’envoyer en l’air. » Le match principal de la journée est en effet un gang-bang de baston total – après un round et demi d’avancées et de reculades, c’est Chad, spécialiste de Jiu-Jitsu brésilien affublé d'une ceinture violette, qui remporte le combat final ; Pedro est acculé dans un coin et se bouffe des crochets, il n’a d’autre choix que d’abandonner. D'ailleurs il abandonne.

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La bosse sur le front de Storm gonfle en temps réel tandis qu’il serre des mains et salue la centaine de spectateurs qui quittent les lieux, à la manière d'un prêtre à la fin de la messe. Même si New York est l'un des derniers états à bannir le freefight professionnel, et que le projet de loi qui pourrait supprimer l’interdiction stagne quelque part en Albanie depuis trois ans, il y a des chances que 2013 soit l’année où tout sera autorisé. Quand cela arrivera, Storm a l’intention de rentrer dans le rang et de faire une demande pour sa licence de promoteur.

En attendant, c’est « allez vous faire foutre » à tous les flics qui rôdent alentour ou qui restent persuadés que le total fight est l’équivalent humain du combat de pits. Le mois de février marquera l’anniversaire des dix ans de l’UCL, et Storm a l’intention d’organiser le plus gros show de sa carrière, qu'il soit légal ou pas. Malheureusement pour vous, vous ne le verrez probablement pas.

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