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Pourquoi la réalité virtuelle sème-t-elle la confusion dans nos cerveaux ?

Notre cerveau ne "croit" jamais vraiment à la réalité virtuelle. Des neuroscientifiques nous disent pourquoi.
Image: Oliver Stefani, Fraunhofer IAO/Phys.org

Voici une question un peu étrange mais tout à fait légitime : le cerveau traite-t-il les mondes virtuels de la même façon que le monde réel, physiologiquement parlant ?

Après tout, les données sensorielles en provenance de notre environnement ne nous parviennent pas de manière discontinue, par paquets, de manière continue, par l'intermédiaire de combinaisons subtiles de souvenirs et de sens. Notre cerveau, contrairement à un ordinateur, ne se laisse pas facilement abuser.

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Pour comprendre pourquoi nos cerveaux ne se laissaient jamais vraiment convaincre par la RV, des neuroscientifiques de l'UCLA dirigés par le physicien et neurobiologiste Mayank Mehta ont mené une étude dont les résultats ont été publiés dans Nature Neuroscience. Celle-ci a conclu qu'en termes de spatialisation et de création de souvenirs, nos cerveaux traitaient les mondes virtuels très différemment de notre environnement réel. Or, cela pourrait avoir de grosses implications pour le futur de la réalité virtuelle.

Mehta et son équipe ont étudié l'hippocampe, la région du cerveau impliquée dans des troubles mentaux tels que la dépression et la schizophrénie, mais aussi dans la mémoire et l'orientation dans l'espace. Le cerveau cartographie en permanence son environnement immédiat, et c'est dans l'hippocampe que sont traitées les informations nous permettant de situer ce qui nous entoure.

Il suffit de mettre un harnais au rat et de lui montrer un petit film en IMAX.

Le cerveau calcule en permanence les distances entre lui et les objets situés dans son environnement. Il ne s'agit pas d'un processus exclusivement visuel : outre la vue, de multiples sens nous fournissent les informations permettant de nous orienter et de nous déplacer dans l'espace, comme les odeurs et les sons.

L'article précise que les expériences réalisées jusque-là ne nous ont pas permis de déduire quel rôle exact tenait la vision dans le système d'orientation global du corps. Le problème est d'autant plus complexe que nous possédons un sens « profond » du mouvement appelé précession thêta phase, combiné à la proprioception, un sens du mouvement dérivé de l'effort physique s'appuyant sur les positions relatives des différentes parties du corps.

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En 2008, une expérience a montré que la partie du cerveau de rats responsable de la spatialisation était active lorsque ceux-ci couraient sur une roue de hamster, alors même que les éléments de leur environnement restaient parfaitement fixes. Les chercheurs en ont déduit que la vision est bien moins essentielle que nous le pensions pour nous orienter dans l'espace.

Image: UCLA

La spatialisation est, d'ordinaire, étudiée en utilisant la réalité virtuelle. Or, si le cerveau ne traite pas la RV et le réel de la même façon, cela risque de biaiser considérablement les études sur le cerveau reposant sur cette technologie.

Les neuroscientifiques ont donc décidé d'étudier des rats dans des labyrinthes virtuels en leur mettant un harnais et en leur diffusant de petits films en IMAX. L'activité neurologique du rat était enregistrée tandis qu'il se déplaçait dans un labyrinthe à une dimension. Elle était ensuite comparée à l'activité neurologique enregistrée lorsque le rat s'oriente dans un labyrinthe réel.

Les résultats des chercheurs montrent que « Dans des conditions RV, les neurones hippocampiques ne montrent qu'une faible sélectivité spatiale ; cette observation est en contradiction apparente avec la sélectivité spatiale élevée des rats en liberté. »

« Le système RV que nous avons utilisé est sophistiqué, et bien plus immersif que la plupart des systèmes RV utilisés par les humains, » explique Mehta. « Les différences que nous avons observées ne sont donc pas dues à la qualité de nos appareils. »

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De fait, les différences en question sont assez spectaculaires. Les neurones hippocampiques des rats qui couraient dans le labyrinthe en RV s'activaient de manière tout à fait aléatoire (l'équivalent neurologique de l'expression « être totalement paumé »).

« Nous pensons que si nous ajoutons des stimuli multisensoriels aux systèmes de réalité virtuelle, ils pourront peut-être convaincre nos cerveaux. »

« Nous pensons que si nous ajoutons des stimuli multisensoriels aux systèmes de réalité virtuelle, ils pourront peut-être convaincre nos cerveaux. »

« Le système 'cartographique' du rat était totalement désactivé, » explique Mehta. « Nous ne nous y attendions pas du tout. L'activité neuronale était une fonction aléatoire de la position du rat dans le monde virtuel. »

Ces découvertes pourraient avoir des implications profondes, qui vont bien au-delà de l'étude de la spatialisation et de la mémoire. Comme l'explique Mehta, la mémoire humaine « parle » deux langages distincts, l'un basé sur la fréquence de l'activité cérébrale, et l'autre, sur son intensité. Or, les motifs générés par la combinaison de ceux-ci sont extrêmement complexes.

Dans le monde virtuel, les rats possèdent un rythme de l'activité cérébrale comparable à celui que l'on mesure dans le monde réel, mais les modèles d'intensité de cette activité, n'ont, quant à eux, aucun point commun.

Le principe de l'utilisation de la réalité virtuelle est de simuler les conditions neurologiques dont peuvent faire l'expérience les sujets atteints de troubles de la mémoire et de l'apprentissage. Dans une certaine mesure, cela fonctionne ; les neuroscientifiques concoctent des traitements de plus en plus efficaces pour atténuer les troubles en question.

La réalité virtuelle n'est pas condamnée à nous proposer des sensations d'immersion extrêmement limitées. « Nous pensons que si nous ajoutons des stimuli multisensoriels aux systèmes de réalité virtuelle existants, ils pourront peut-être réussir à duper nos cerveaux, » ajoute Mehta. « La réalité virtuelle devient de plus en plus réaliste, et la réponse du cerveau d'un sujet qui y est exposé ressemble de plus en plus à l'activité cérébrale d'un sujet se déplaçant dans le monde réel. »

« La prévalence des troubles de la mémoire est très importante, » ajoute le scientifique. « Il est donc essentiel de comprendre comme nos sens influencent la réponse neuronale et la mémoire des individus. »