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Portugal

Au Portugal, le retour des « Golden visas » pour les étrangers fortunés

Le gouvernement portugais a validé ce jeudi un décret qui rétablit ces permis de séjour destinés aux étrangers fortunés. Suspendu pendant trois jours, ce dispositif divise l’opinion d’un pays qui fait toujours face à des difficultés économiques.
Le drapeau portugais. Photo via Flickr / fdecomite

Le porte-parole du gouvernement portugais Luís Marques Guedes a annoncé ce jeudi lors d'une conférence de presse qu'un décret-loi rétablissant les « visas dorés » ou Golden visas a été validé par le gouvernement. Ces permis de séjour, accordés en échange d'un investissement au Portugal, avaient été suspendus mardi dernier.

Souvent présentés comme des outils dignes d'un paradis fiscal, les golden visas sont bien de retour, après avoir été au centre d'un scandale de corruption qui a éclaboussé plusieurs figures de l'administration d'un pays qui a été au bord de la banqueroute en 2011, durement frappé par la crise financière de 2008.

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Le dispositif — qui doit encore être validé par le président de la République, Aníbal Cavaco Silva — aurait rapporté 1,46 milliard d'euros au Portugal depuis sa mise en place en octobre 2012. Afin d'éviter de nouveaux abus, les modalités d'octroi des visas dorés ont été modifiées.

Les vistos dourados (« visas dorés ») sont une création du gouvernement de centre droit de Pedro Passos Coelho. Le but était de limiter la fuite des capitaux hors du Portugal. Officiellement désignés comme des « autorisations de résidence pour activité d'investissement » (ARI), ces permis de séjour portugais — et donc européens — sont valables 5 ans et soumis à certaines conditions. Les vérifications sont effectuées par le service portugais des Étrangers et des Frontières (SEF).

Pour obtenir un tel visa, les candidats doivent obligatoirement investir au Portugal. Les investisseurs ont alors le choix entre acheter un bien immobilier valant au moins 500 000 euros, transférer au minimum 1 million d'euros sur un compte portugais, ou encore créer 10 emplois ou plus dans le pays.

Depuis mardi dernier, les visas dorés n'étaient plus disponibles en raison d'un vide juridique qui a poussé António Beça Pereira, le directeur du SEF, à suspendre les procédures. En cause, un changement dans la législation le 1er juillet qui avait abrogé les dispositions concernant les visas dorés sans les remplacer par d'autres. La modification de la loi a été motivée par deux scandales majeurs autour de ces permis de séjour qui font toujours polémique.

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Des scandales autour des golden visas

En mars 2014, un citoyen chinois, recherché pour fraude fiscale a été arrêté par Interpol au Portugal. Il y avait obtenu un visa doré, moyennant l'achat d'une maison, ce qui avait suscité l'indignation d'une partie des Portugais. Cité par Le Monde à l'époque, João Paulo Batalha — alors directeur de l'ONG Transparency International au Portugal — s'était insurgé contre l'argent « douteux, improductif et inutile » qui se retrouvait ainsi dans son pays.

Huit mois plus tard, en novembre 2014, un vaste coup de filet anti-corruption a été lancé dans le cadre de « l'Opération Labyrinthe », conduisant à l'arrestation de 11 personnes dont Manuel Jarmela Palos — l'ancien directeur du SEF — qui aurait accéléré certaines procédures en échange de pots de vin. Trois autres cadres de l'administration ont été condamnés dans cette affaire qui a d'ailleurs poussé le ministre portugais de l'Intérieur, Miguel Macedo, à démissionner.

Depuis, les modalités entourant ces visas dorés ont été modifiées, afin de permettre un meilleur contrôle interne et externe des procédures. Les autorités portugaises exigent notamment que les demandeurs leur fournissent un extrait de casier judiciaire et une preuve que leur situation fiscale est régularisée dans le pays d'origine. Le nombre d'emplois à créer est par ailleurs passé de 10 à 30 postes.

Le gouvernement a justifié sa décision de rétablir les visas dorés en rappelant qu'ils auraient rapporté plus de 1,46 milliard d'euros depuis leur mise en place. Sur les 2 420 ARI accordées en trois ans, près de 95 pour cent l'ont été en échange d'un achat immobilier au Portugal, 5 pour cent en échange d'un transfert de fonds et une part infime en échange d'emplois créés — trois visas, soit 0,1 pour cent du total.

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Parmi les bénéficiaires de ce système, les citoyens chinois sont majoritaires avec 1947 permis obtenus (80 pour cent du total), loin devant les 87 Brésiliens et 79 Russes acceptés depuis 2012. Le visa offre également la possibilité à son détenteur de faire venir sa famille proche au Portugal pour qu'elle y habite.

Une situation économique difficile

Ce vendredi, VICE News a joint par téléphone Alexandre Delaigue. Professeur d'économie à l'Université de Lille, il intervient régulièrement sur les questions d'économie européenne. Selon lui ces visas dorés « ne sont pas forcément une mauvaise idée, mais ce n'est pas grand-chose, c'est une goutte d'eau face à ce dont le pays a vraiment besoin. »

Le Portugal a subi de plein fouet la crise financière de 2008, et peine depuis à rembourser sa dette colossale (près de 225 milliards d'euros). D'importantes coupes budgétaires avaient été effectuées dans le secteur de la santé et dans les fonds de retraites. « C'est un pays qui fait profil bas, qui enchaîne les mesures d'austérité » explique Alexandre Delaigue, « mais c'est surtout un pays qui se vide. »

Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui quittent le pays pour d'autres horizons. « Si vous cherchez un bon exemple de pays européen qui se vide de ses forces vives, c'est celui-là » estime Delaigue. En effet, « de plus en plus de Portugais émigrent vers l'Angola, qui est en plein boom pétrolier » indique le professeur d'économie, rappelant que ce pays d'Afrique est une ancienne colonie portugaise.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Le drapeau portugais. Photo via Flickr / fdecomite