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Culture

Il est temps de dire adieu aux événements Facebook « ironiques »

Comment une blague inoffensive s’est muée en véritable cancer de l’humanité.
Paul Douard
Paris, FR

Au cours de ces derniers mois, une nouvelle forme de cancer semble s'être progressivement répandue chez les Français moyens. Un cancer que l'on pensait disparu, mais qui a subitement refait surface sous une forme nettement plus agressive : les événements Facebook « drôles ». Au cours de ces derniers jours, ces pages ont fleuri aussi vite que de la moisissure dans un frigo d'étudiant, inondant ainsi mon flux d'actualité Facebook et éclipsant mes habituelles photos de chiens – ce qui a achevé de me faire perdre toute once de foi que j'avais pu avoir en l'humanité. Du « Concours de drift sur le parking de la Foire Fouille de Besançon » à  la « GROSSE BASTON + STOCK CAR au Buffalo Grill à AUXERRE » en passant par la  « Dégustation à l'aveugle de 8.6 sous le Pont d'Austerlitz », ces événements sont omniprésents. Il est désormais temps d'arrêter ces âneries et de reprendre une vie normale – pour la simple et unique raison que ça y est, c'est devenu extrêmement lourd.

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Même si les avis divergent quant aux origines de ce fléau 2.0, ces événements ont commencé à prendre de l'ampleur il y a un an, avec le « Sondage pour décider de ce qu'on va faire de tout cet oseille » – qui fait ouvertement référence au titre « Kalash » de Booba.

Si ces pages nous ont tous fait vaguement ricaner à un moment, il aurait peut-être fallu en rester là. Sauf que comme ce type qui ne sait pas raconter une blague ou qui va tenter maladroitement d'enchérir sur la vôtre, certaines personnes en ont fait un peu trop et ont multiplié ces événements – souvent en se copiant les uns sur les autres. En somme, ils sont comme ces vendeurs de moquettes qui déjeunent au Campanile de l'A5, tous les midis depuis dix ans. Cravate sur l'épaule et carnet de tickets restaurant fièrement posé sur la table, ils souhaitent tous être le plus drôle de leurs collègues, quitte à passer pour un gros beauf. C'est un risque à prendre, après tout. Sauf qu'à ce niveau, c'est comme si la France entière s'était liquéfiée dans un entonnoir géant se déversant dans un monde parallèle devenu une immense salle de spectacle de Jean-Marie Bigard. Beaucoup de gens se sont mis à créer des événements avec un niveau d'humour désastreux, comme cette triste histoire de « gros tournoi d'hélicobite à l'héliport de Paris ». Cette affaire infernale ressemble à un cadavre exquis laissé entre les mains de nos doubles maléfiques respectifs. Il en a donc naturellement résulté un monstre aussi abominable qu'incontrôlable.

Ces événements qui gangrènent nos Facebook me font penser aux groupes débiles que tout le monde aimait liker lors des premières années du réseau social – moi le premier. L'époque où il était cool de rejoindre des centaines de groupes par jour, du type « Mettre des pizzas dans les égouts pour nourrir les Tortues Ninja » ou le classique « On est tous sur une photo de Chinois ». Il fallait trouver les trucs les plus incongrus pour passer pour quelqu'un de stylé, voire anticonformiste. C'est un peu l'équivalent des premiers relous qui écoutaient de l'électro de fête foraine alors que tout le lycée buvait des Desperados sur du Blink-182. Ces groupes Facebook étaient un genre de CV pour attirer l'attention des personnes qu'on voulait choper. Plus les groupes étaient incongrus, plus on était « différent des autres », donc cool, donc potentiellement sexy et dépucelable. Mais vivre dans le passé n'apporte jamais rien de bon – car si Facebook n'offrait au départ que peu de fonctionnalités et que les groupes étaient le meilleur moyen de s'affirmer en tant qu'adolescent sexuellement actif, vous pouvez aujourd'hui vous démerder autrement qu'en copiant les autres.

Surtout, ces groupes ancestraux ont depuis été investis par des petits cons diplômés d'écoles de commerce, lesquels vous noient le cerveau à grand renfort de vidéo d'Indiens qui dabbent sur du carrelage mouillé. Ne soyez donc pas étonné si d'ici quelques semaines, vous recevez des invitations Facebook de faux profils – le type de personnes que vous ne voyez habituellement que dans vos films pornos préférés. Au mieux vous financerez des scammeurs nigérians, au pire le voyage d'une future sœur de Daech. De même, ces événements commenceront à publier des vidéos de rap d'artistes inconnus s'appelant « Double gun » qui n'ont rien à voir, de près ou de loin, avec un quelconque drift nocturne sur le parking d'un Décathlon de province. Lorsque le monde ne sera plus qu'un vaste clip de reggaeton où chacun se déplacera en faisant de la capoeira, rappelez-vous que tout ça sera de votre faute.

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