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Ciné X

Michel et Marilyn : l’amour du X

Ils ont été l’un des premiers « power couples » du porno français. Quarante ans après, Marilyn Jess fait une décapante apparition dans « L’amour est une fête » et file toujours le parfait amour avec Michel Barny.
Photos : Raffaele Cariou pour Vice FR 

À première vue, rien, dans ce bel appartement des abords de Paris, n’indique que nous venons de poser le pied dans l’antre d’un des couples les plus mythiques du porno français. Marilyn Jess, de son nom d’actrice, souhaite la bienvenue, tout en essayant de calmer un petit chien – qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Jim Carrey dans The Mask. Elle a 58 ans, mais respire une sorte de jeunesse éternelle. L’attitude est un rien garçonne ; le jean, délavé ; et le vocabulaire, haut en couleur.

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Tout, chez Marilyn Jess, rappelle que chez elle, la liberté n’a pas été qu’un concept. Entre 1977 et 1987, l’actrice, qui apparaît le temps d’une scène dans L’Amour est une fête de Cédric Anger, a tourné un nombre incalculable (même pour elle) de films X. À l’époque, elle était le porte-drapeau du porno made in France – comme Brigitte Lahaie avant elle, ou Clara Morgane au début des années 2000.

Sur un pan entier du long couloir étroit qui mène à un petit salon boisé, on remarque une impressionnante flopé de CD d’artistes aussi divers que Tchaïkovski, Duke Ellington ou Véronique Saison. « 4000 CD », sourit l’homme qui nous attend à côté d’un canapé en cuir noir. Michel Barny, encore une fois un nom d’emprunt, a presque 70 ans et, à l’image de sa compagne, il est aussi vif que décontracté, les cheveux blancs en plus. Fils d’un compositeur ayant collaboré avec certaines des plus grandes stars de la chanson des années 40 aux années 80, il est « né dans le showbiz ». Bien qu’il l’ait parcouru ensuite par des chemins de traverse : à l’orée des années 70, il a ainsi commencé à travailler sur des tournages X en tant qu’assistant, avant de scénariser et de réaliser à la pelle, notamment pour le Marc Dorcel. Et voilà plus de 35 ans que Michel et Marilyn s’aiment d’un amour qui a vu naître deux enfants.

Entre une clope et un verre de rouge, le couple revient sur leur première rencontre, en 1980. C’était lors de la préparation de La Femme objet, film culte qui contribua à faire de Marilyn Jess la nouvelle star du X français. Dans le scénario, la « femme objet » était en réalité un robot répondant à tous les désirs (évidemment sexuels) de son créateur – avant de retourner contre lui et d’en faire son propre homme objet. Franchement, on a vu scénario porno moins subtil. Michel Barny, alors assistant-réalisateur, s’occupait du casting lorsqu’il a vu débarquer la jeune Marylin, 20 ans à peine. « J’ai trouvé la femme objet ! », s’est-il empressé de dire à l’équipe. Il voulait dire « parfaite », corrige-t-il aujourd’hui.

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Quelques rencontres plus tard, la magie a opéré. Vu le boulot de l’un, celui de l’autre n’a jamais été un problème. Mais le couple ne s’est, depuis, plus jamais croisé sur un plateau. « C’est bien qu’on n’ait pas retravaillé ensemble par la suite. Ça m’aurait gêné », explique Michel Barny. À part ce petit détail, le couple décrit l’époque qui a vu l’explosion de leurs carrières respectives comme un bonheur absolu, une « parenthèse enchantée » assurent-ils, utilisant l’expression consacrée pour désigner ce court moment entre la commercialisation de la pilule contraceptive et l’arrivée du SIDA.

C’est justement durant cette période bénie que se déroule L’Amour est une fête, film dans lequel Guillaume Canet et Gilles Lelouche jouent deux flics infiltrant le milieu du porno. C’est l’acteur Alban Ceray, autre star emblématique du X des années 80, qui a convaincu Marilyn Jess de faire un caméo dans le long-métrage où il apparaît également. Coiffée d’une « choucroute », elle y joue le rôle de directrice d’un peep-show au sein duquel certaines filles sont recrutées pour participer à des tournages X. « En réalité, ça ne se passait pas vraiment comme ça. On ne pouvait pas dire aux filles qu’à partir de maintenant, elles allaient se faire pénétrer… », précise Marilyn Jess.

Marilyn Jess le concède volontiers : il y avait dans son choix de vie une part de provocation. Notamment à l’égard d’une famille plutôt coincée, « où on éteignait la télévision dès qu’il y avait les filles à poil à la fin de Benny Hill… ». Ses parents n’ont jamais accepté la carrière de leur fille, préférant la qualifier de « modèle » auprès de leurs amis - plutôt que d’actrice de X. Modèle, elle l’a été, à plusieurs reprises, pour le journal satirique Hara-Kiri, ancêtre de Charlie Hebdo au goût prononcé pour les femmes dénudées. Une expérience « géniale », encore une fois d’un autre temps où « tout le monde rigolait en permanence » et qui la fera poser aux côtés de Gainsbourg, Coluche, Wolinski et bien évidemment du Professeur Choron, fondateur du magazine qui, se souvient-elle, « s’enfilait des coupes de champagnes au petit-déjeuner ».

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C’est, assure-t-elle, dans une même bonne humeur généralisée qu’elle est passée des photos de charme aux plateaux de porno : « Moi, j’appelais ça des vacances. C’était une période joyeuse où l’on trouvait du boulot facilement. Je choisissais les films en fonction des destinations. Entre dix jours à Paris et quatre à Honfleur… je choisissais Honfleur ! On partait comme des gitans dans des caravanes ».

SI l’ambiance était différente, les films l’étaient aussi. Jusqu’à la « loi X » de 1975, qui a ghettoïsé le genre, les productions étaient exploitées en salles et enregistraient des scores dignes des blockbusters. Du coup, toute une faune venue du cinéma classique venait s’y encanailler. « La plupart des techniciens étaient issus du cinéma traditionnel. Entre un Godard et un Blier, ils tournaient avec nous nous ! », raconte Barny. Qui ajoute : « À l’époque, il y avait deux types de filles dans le X : celles qui étaient folles de cul et celles qui voulaient faire du cinéma »

De cet âge d’or, le couple a gardé de nombreux amis. Et un goût certain pour la liberté. S’ils préfèrent aujourd’hui rester discrets sur leurs nouvelles activités professionnelles – désormais plus classiques -, ils n’ont jamais rien caché de leurs folles années à leurs enfants. Aujourd’hui adultes, ils n’en ont, assurent Jess et Barny, jamais souffert. Aux rares perturbations venues de l’extérieur, ils ont appris à répondre avec un bagout qui fait la fierté de leur mère. À cet homme qui appelait sans cesse à la maison pour traiter Jess de « salope », ils répondaient d’un « qu’est-ce que ça peut te foutre ? » sans ambages. Les chiens ne font pas des chats, tout ça, tout ça.

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Aujourd’hui, Marilyn Jess et Michel Barny ont l’impression d’avoir profité de la vie un maximum « en se faisant du fric facile », tout en promouvant une sexualité « plus heureuse, moins industrielle » que celle véhiculée par les tubes actuels. Comme si l’âge d’or le fut parce qu’il était aussi intense que simple. Rire et baiser. Baiser en riant. Tomber amoureux. Faire des enfants. Et avoir la tête pleine de souvenirs aussi fous cette improbable recette : « blanc d’œuf, lait Nestlé et crème de jour Yves Saint-Laurent ». Et voilà une éjaculation plus vraie que nature. Bref, rien que du cinéma.

L'amour est une fête, réalisé par Cédric Anger, en salle le 19 septembre.

Cet article est sponsorisé par Mars films. Le sponsor n'est pas intervenu dans l'élaboration de cet article, réalisé par la rédaction en toute indépendance éditoriale.

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