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Sécurité publique

L’interdiction des pitbulls est inefficace, selon le Bureau du coroner

Plus d’un an après la mort de Christiane Vadnais, une Montréalaise âgée de 55 ans violemment attaquée par le pitbull de son voisin, le Bureau du coroner dépose un rapport qui critique l’interdiction des races de chiens jugées dangereuses.

Comme on le sait, le triste événement a créé une tempête médiatique, qui a mené à l'interdiction des pitbulls à Montréal et au dépôt d'un projet de loi sur les chiens dangereux à Québec.

Dans son analyse des circonstances du décès de Mme Vadnais, le coroner met en lumière une « combinaison tragique d'événements » qui ont joué en la défaveur de Mme Vadnais, et se demande s'il aurait été possible d'éviter l'attaque si un suivi approprié avait été fait par la ville.

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On parle du chien comme un animal potentiellement maltraité. À l'inverse de ce que dit le propriétaire, les voisins n'ont jamais vu le chien se faire promener dans le quartier. On relate que la bête était souvent laissée à elle-même, dans sa petite cage à l'extérieur, durant des périodes de huit heures.

Il est aussi question de précédents d'agressivité : un rapport de police, daté d'un peu plus d'un an avant le triste événement, indique que le chien a attaqué deux amis du propriétaire, et qu'une d'elle a dû être transportée à l'hôpital. Un suivi devait être fait par la municipalité; il semble que ce n'ait jamais été le cas, relate le document.

Le coroner Ethan Lichtblau décrit le chien comme étant « mal socialisé depuis longtemps», « sous-stimulé », qui « manque de compagnons canins » et « d'exercice ». « Ces facteurs ont probablement produit un chien extrêmement frustré, agressif et violent », peut-on lire dans le rapport.

On note que, contrairement à ce qu'avait dit le propriétaire, la porte de derrière n'était pas bien fermée, que la porte de la cage du chien - un simple panneau de métal - était ouverte, et qu'il y avait un gros trou dans la clôture de bois séparant leurs cours. On observe qu'une rampe de galerie de fer était placée contre le trou, « possiblement pour bloquer l'ouverture », mais que cette « clôture » avait été déplacée, donnant accès à la cour de Mme Vadnais. On indique en outre que la muselière du chien était mal attachée.

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Lorsque le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait annoncé à l'automne dernier qu'aucune accusation ne serait portée contre Franklin Junior Frontal, le propriétaire du chien, le maire Denis Coderre avait réitéré son désir d'interdire les pitbulls.

« Je peux comprendre la déception de la famille Vadnais. Je me sens encore plus fort avec la réglementation que je veux mettre de l'avant. C'est encore plus pertinent d'avoir un règlement sur les chiens dangereux », rapportait La Presse.

Ne pas bannir les pitbulls

Le bureau du coroner profite de l'analyse sur les circonstances du décès pour élargir sur le débat politique entourant les chiens dangereux. S'il convient que la mort de Christine Vadnais était violente et que les morsures de chien sont un problème grave de santé publique, il argumente contre l'interdiction de chiens en se basant sur leur race, et insiste pour que plus de prévention soit faite.

Le document stipule qu'« un examen approfondi de la littérature scientifique démontre que la législation [interdisant certaines races de chien] est un moyen inefficace de lutter contre les morsures de chien » et qu'il « entraîne des coûts inutiles ».

On rappelle que « même les experts ne peuvent souvent pas s'entendre sur la race spécifique d'un chien. Malgré les résultats de l'analyse ADN du chien, on est incapable, à partir des photos du chien fourni, d'identifier formellement [le chien ayant tué Mme Vadnais] comme étant un "pitbull". » Celui-ci était enregistré comme un « boxer » auprès de la ville, précise-t-on.

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Le projet de loi 128 du gouvernement provincial déposé en avril dernier est jugé « décevant » par le bureau du coroner, notamment parce que la loi octroie au gouvernement le pouvoir d'interdire « tout chien potentiellement dangereux. »

Québec identifie les pitbulls, les rottweilers, leurs croisements, les hybrides avec d'autres canidés et les chiens de garde, de combat ou d'attaque comme étant ces chiens dangereux, en se réservant le droit de modifier cette liste.

Ce que recommande le coroner

Le coroner est clair : « tout projet de loi ne devrait inciter à aucun type [d'interdiction de race de chien spécifique] ».

Cette déclaration ne figure pas dans la liste des recommandations officielles du bureau du coroner. On y recommande cependant de « définir des moyens objectifs et équitables » pour déclarer un chien ou son propriétaire comme étant « dangereux », et suggère pour ce faire de se baser sur les recommandations de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ).

Dans son rapport, l'OMVQ juge qu'un expert devrait évaluer la dangerosité du chien, et qu'on pourrait définir par « un chien qui tente de mordre ou d'attaquer, qui mord ou attaque, qui commet un geste susceptible de porter atteinte à la sécurité d'une personne ou d'un animal ».

Bref, il faut s'intéresser aux chiens réellement dangereux, et pas ceux réputés pour l'être.

Le reste des recommandations misent sur la prévention et la sensibilisation du public. On suggère de rendre obligatoire l'enregistrement annuel des chiens à la ville, et que ces données soient centralisées, de même qu'un registre central des blessures infligées par les chiens.

On souhaite que le ministère de la Sécurité publique incite à la stérilisation des chiens. « Les chiens mâles non stérilisés sont impliqués dans environ 75 % des morsures de chiens signalées », rappelle le rapport.