Voici les visages du mouvement #metoo
Photos : Marie Magnin / Hans Lucas pour VICE

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Feminisme&

Voici les visages du mouvement #metoo

Dimanche 29 octobre à Paris, et partout en France, les femmes qui ont libéré la parole à coups de #balancetonporc sont descendues dans la rue pour la première grande manif’ européenne du mouvement #metoo initié sur les réseaux sociaux.

Pour la première fois, les hashtags #metoo et #balancetonporc, qui ont permis de dénoncer massivement les violences sexistes et sexuelles sur les réseaux sociaux, se sont matérialisés en chair et en voix. La mobilisation a été initiée par Carol Galand, journaliste, qui a lancé il y a deux semaines un appel à la mobilisation IRL, dans la vraie vie. Objectif : « Montrer à ceux qui ne sont pas sur Facebook que nous sommes des milliers et des milliers à devoir vivre, encaisser, digérer et gérer ces expériences traumatisantes. »

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Elles étaient donc 1 500 place de la République à Paris, et plusieurs centaines dans les rues de Marseille, Lyon, Montpellier, Toulouse ou Bordeaux pour dénoncer les violences faites aux femmes. Leurs slogans : « Mon vagin c'est pas ton bien », « Si tu veux un morceau de viande va chez le boucher », « Ma jupe n'est pas une invitation », « Qu'on ait des couilles ou des ovaires, le consentement, c'est obligatoire ». Sur un panneau en bois, baptisé « mur d'expression », on colle des post-it, comme autant de récits personnels qui collent froid dans le dos : « Agressée sexuellement, ils étaient cinq dans le 11e, rue de Montreuil, personne n'a bougé », « C'était dans le bus, j'avais 13 ans, traumatisée encore aujourd'hui », « Droguée, violée. »

Et puis, il y a aussi toutes celles et ceux qui ne font pas consensus. Le bloc féministe non mixte inclusif, dont l'accès est interdit aux hommes cis, et le cercle des femmes, groupe de discussion réservé uniquement aux femmes cis. Assister à ce rassemblement #metoo dans la vraie vie, c'est aussi comprendre que la lutte contre le harcèlement sexuel et sexiste revêt de multiples visages. Ces visages, les voici.

Livia, 20 ans

VICE : Pourquoi manifestes-tu ?
J'ai vécu des violences physiques, sexuelles et mentales de mes 10 ans à mes 15 ans. Je ne sais pas quand j'ai arrêté d'avoir peur mais en tout cas, j'ai pris conscience que c'était nécessaire d'en parler. C'est important d'être ici pour prouver qu'on est toutes ensemble et que la honte a changé de camp.

Ce rassemblement se veut apolitique. Qu'en penses-tu ?
C'est apolitique parce que les violences touchent toutes les femmes, de n'importe quelle classe, de n'importe quelle race, de n'importe quelle orientation politique.

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Quelle est la place des hommes dans cette mobilisation ?
C'est bien que des hommes soutiennent le mouvement, mais ils doivent d'abord faire un travail d'introspection. Parce que ce soutien ne sert à rien si le mec a déjà foutu une main au cul à une nana en boîte, est hyper lourd avec un date ou fait des blagues sur le viol. Ils ont beau être alliés, les hommes sont les premiers vecteurs de cette oppression et de cette violence.

Et la prochaine étape du combat ?
L'éducation. Il faut une vraie éducation au consentement, à la sexualité, au respect du corps des autres. Il faut aussi une meilleure formation pour les personnes qui recueillent les plaintes. On est dans une structure qui n'aide pas les femmes mais les invisibilise. Il faut changer notre manière de respecter les femmes et punir les gens qui ne le font pas.

P., 18 ans

VICE : Pourquoi manifestes-tu ?
J'ai été personnellement victime de violences cis sexistes et je suis ici avec le collectif féministes révolutionnaires. On est globalement contre le système d'oppression cis sexiste capitaliste, et donc contre les violences que subissent les femmes et les minorités de genre.

Ce rassemblement se veut apolitique. Qu'en penses-tu ?
La lutte féministe n'est pas réservée aux femmes, c'est un problème global, lié à notre système, et on devrait toutes et tous participer à cette lutte. Les violences sexistes ne concernent pas uniquement les femmes cis, elles concernent aussi les femmes trans, les hommes trans, les non binaires…

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Quelle est la place des hommes dans cette mobilisation ?
Il n'y a pas de dictature de la pensée dans notre collectif et chacun a le droit d'avoir ses opinions. Vu qu'on lutte contre un système capitaliste, on ne va pas se remettre dans une logique de pensée similaire. On ne fait pas de prosélytisme politique partisan.

Et la prochaine étape du combat ?
L'éducation déjà, pour lutter contre les systèmes sexistes et racistes. Il faut, par exemple, expliquer dès le plus jeune âge ce qu'est le consentement. Avec le collectif, on veut aussi qu'il y ait une vraie prise en charge des violences au sein des entreprises, même si, selon moi, l'entreprise devrait de toute façon disparaître. Et puis on réclame la création d'instances de prise en charge féministes pour les victimes de viol et de violence. Tout simplement parce que la police est sexiste.

Léa, 27 ans

VICE : Pourquoi manifestes-tu ?
Avec #metoo, j'ai l'impression que les choses peuvent changer. Aujourd'hui, il y a toute une culture de l'agression sexuelle, tout le monde cautionne un peu et personne ne réagit assez fermement. Quand quelqu'un te dit que son pote est un peu lourd, mais sympa, ça veut déjà dire que la limite est franchie.

Ce rassemblement se veut apolitique. Qu'en penses-tu ?
La question est surtout de savoir à quel point on peut légiférer pour régler le problème. C'est très difficile de prouver le harcèlement par exemple, et même si le viol est pénalisé, peu de plaintes aboutissent.

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Quelle est la place des hommes dans cette mobilisation ?
J'attends des hommes qu'ils interviennent auprès de leurs potes, qu'ils fassent eux-mêmes des remarques à ceux qui vont trop loin. Ça changerait tout.

Et la prochaine étape du combat ?
La responsabilité individuelle. Chacun a le devoir de réagir quand il est témoin de ce genre de situation.

Marcia, 31 ans

VICE : Pourquoi manifestes-tu ?
Je veux transformer ce qui s'était passé sur Internet en quelque chose de tangible et de matériel, au-delà des hashtags. Ce genre de mobilisation peut relancer un mouvement féministe. Il y a toute une prise de conscience sur laquelle on peut capitaliser.

Ce rassemblement se veut apolitique. Qu'en penses-tu ?
C'est faux. À partir du moment où tu t'attaques à des oppressions, c'est politique. C'est donc forcément politique de créer un mouvement qui visibilise les agressions faites aux femmes en France.

Quelle est la place des hommes dans cette mobilisation ?
Je vais parler des hommes cisgenres. La seule chose que je leur demande, c'est d'arrêter de nous violer et de nous agresser sexuellement. Déjà, s'ils pouvaient faire ça, ce serait vachement bien. Après, je ne pense pas qu'ils doivent assumer un rôle dans la mobilisation, à part refuser activement le privilège qui leur est donné. Ils doivent reconnaître que la culture de la peur leur permet d'accéder à pas mal de choses.

Et la prochaine étape du combat ?
Il y a beaucoup d'étapes. Il faut déjà que les rapports de force s'inversent. Peut-être que si les mecs avaient un peu plus peur des répercussions quand ils harcèlent, qu'ils agressent ou qu'ils violent, ça serait pas mal. Je ne pense pas que le recours à la police soit la meilleure solution. Aller tabasser son violeur, ça peut aussi faire beaucoup de bien, et ça peut l'inciter à réfléchir à deux fois avant de recommencer.

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Somalia, 27 ans

VICE : Pourquoi manifestes-tu ?
Comme tout le monde, j'ai suivi la libération de la parole sur Facebook et Twitter, et je voulais voir comment ça se concrétise dans la rue. Pour moi, les actions politiques doivent dépasser les réseaux sociaux.

Ce rassemblement se veut apolitique. Qu'en penses-tu ?
Ça n'est pas un mouvement politique dans le sens partisan, car cela concerne tout le monde. Mais c'est politique car il faut créer des droits pour les femmes, ou en tout cas, les appliquer.

Quelle est la place des hommes dans cette mobilisation ?
Je trouve intéressant que certains mecs aient utilisé #metoo pour dire « moi aussi j'ai été comme ça ». Leur rôle, c'est d'en parler entre eux, de se dire « ok, parfois on est des gros connards et on s'en rend pas compte » et de dire stop quand un pote fait une blague raciste, et pas uniquement de se dire défenseur des femmes et féministe. Aussi, j'ai parlé avec pas mal de garçons qui surestiment la capacité des femmes à dire non. Visiblement, beaucoup de femmes n'osent pas dire non, peut-être parce qu'on a des façons très différentes d'être éduquées et donc de s'imposer face à l'autre.

Et la prochaine étape du combat ?
Il faut qu'on soit solidaires entre nous, hommes et femmes, pour faire cesser ces agissements, pour qu'on arrête de se sentir diminuées. Il faut se donner confiance et ne pas avoir peur de porter plainte.