La peña française du Grenade CF, fruit de la passion

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La peña française du Grenade CF, fruit de la passion

Loin des légions de néo-supporters madrilènes ou barcelonais qui pullulent en France depuis l'avènement de Messi et Ronaldo, de vrais fans de foot espagnol soutiennent corps et âme le club de Grenade.

En arrière-plan du Nuevo Estadio de Los Cármenes, la Sierra Nevada est bien la seule à ne pas s'être effondrée cette saison à Grenade. En l'espace de quelques mois, les Nazarís sont passés de l'enthousiasme et l'espoir au dégoût et à la résignation. Les nouveaux actionnaires majoritaires chinois avaient promis l'Europe : ce sera finalement la relégation en Segunda.

Ce 19 mai 2017, le Granada CF dispute contre l'Espanyol son dernier match de Liga avant la descente. Le public est clairsemé. Élus meilleure afición de Liga en 2015-2016, les supporters granadistas ne se retrouvent pas dans cette équipe en dessous de tout. Après dix minutes de jeu, les Pericos ont déjà marqué deux fois. Tony Adams, le troisième entraîneur de la saison à passer sur le banc andalou après Paco Jémez et Lucas Alcaraz ressemble à un pantin désarticulé totalement perdu dans sa zone technique.

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Ce match, les fondateurs de la peña française de Grenade le regardent sur un mauvais streaming depuis l'autre côté des Pyrénées. Quelques semaines auparavant, ils avaient fait le déplacement pour encourager les leurs contre Málaga dans un derby andalou de la dernière chance. Las, au coup de sifflet final, la sentence est irrévocable : Granada termine dernier de Liga et jouera en deuxième division espagnole. Un crève-cœur pour ces passionnés.

Mais au-delà de ce triste constat d'échec sportif, une question s'impose : comment en vient-on à créer une peña officielle d'un club aussi méconnu que Grenade quand on est Français ? Une partie de la réponse se trouve étrangement en Irlande. « En février 2015, nous avons créé un compte Twitter pour relayer l'actualité du club et commenter les matches en direct, raconte son président Adrien Rodriguez. En octobre, nous avons appris qu'une peña irlandaise s'était montée. Alors on s'est dit pourquoi pas nous ? ». Avec ses potes Kevin et Raphaël, il se met en contact avec Dani Hurtado, le président de la fédération G19 qui rassemble toutes les peñas du club. « Les démarches ont été très simples et il était ravi de nous accueillir. Nous devions payer une cotisation annuelle et nous déclarer comme association auprès de la préfecture ». En 18 mois, le groupe a grandi et compte à présent une vingtaine de membres disséminés un peu partout dans l'Hexagone. « Beaucoup d'entre nous ont évidemment des racines andalouses pose Adrien, narbonnais et futur marié avec une Granadina. Là-bas, les gens sont fantastiques, fidèles, humbles et avec un cœur énorme. En plus, c'est une ville magnifique, la qualité de vie est géniale, il fait beau, chaud et on mange et boit pour pas cher ! ».

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L'éloignement géographique limite fatalement les déplacements, mais ne les empêche pas pour autant. Et les membres de la peña française n'hésitent pas à embarquer leurs potes dans l'aventure. Caroline, grande connaisseuse de la Liga, supportrice du Valencia CF et d'à peu près tous les beaux gosses du championnat espagnol, fait partie de ces invités de dernière minute. Les Gabachos Granadinistas (Gabachos est un terme particulièrement péjoratif pour désigner les Français, ndlr) comme ils se surnomment sont venus à Madrid contre l'Atlético, à San Sebastían contre la Real Sociedad et à Barcelone pour voir les matches contre le Barça et l'Espanyol. Ils ont notamment été accueillis à bras ouverts par l'association des Andalous de Barcelone, la diaspora étant l'une des plus importantes en Catalogne.

Avant d'aller au Camp Nou en novembre dernier, ils ont notamment partagé le repas de l'amitié à base de butifada (boudin et haricots blancs) et cannelés glacés, le tout arrosé de l'inévitable bière Alhambra. Le hasard a fait que les caméras de LaLiga TV étaient présentes et Adrien et Kevin ont été interviewés pour les besoins d'un reportage. Et quand ils débarquent en Andalousie, la réception est tout aussi chaleureuse. « La première fois qu'on y est allé, on a été reçu comme des princes, se remémore Raphaël. Tous les présidents et membres des peñas se sont présentés et je crois qu'on n'a pas payé ni une seule bière ni une seule tapa ! ». Kevin embraye : « Contre Málaga, les membres de la peña Los Cármenes nous ont fait des accolades et ils nous ont offerts les places. Marcos, le supporter numéro 1 du club nous a emmenés au pied du virage sud pour chanter et taper des mains pendant tout le match. La rencontre était minable mais l'ambiance était juste fantastique ». A chaque match à domicile, leur écharpe bleu-blanc-rouge est accrochée au stade. Loin des yeux mais près du cœur…

Leur meilleur souvenir restera peut-être leur déplacement à Grenade en avril 2016. Contre Levante, Granada joue alors sa survie. « Une ambiance de folie et un match incroyable, (victoire 5-1) s'extasie Adrien. La dernière fois que Grana avait gagné avec autant d'écart, ça devait être dans les années 70 ! ». Au-delà du résultat, cette victoire a un goût particulier pour toute la peña car c'est le dernier match de leur ami Manolo, membre éminent et apprécié de tous. L'émotion d'Adrien est palpable : « Le 31 décembre, Manolo est parti, des suites d'une longue maladie. Il était natif de Grenade mais vivait à Biarritz depuis plusieurs années. Il était à l'image de sa ville : une homme simple, amoureux de sa ville et de son club. Nous avons vécu des moments fantastiques tous ensemble et son absence est un grand vide. Nous avons reçu beaucoup de messages de réconfort après son décès. Son dernier souhait était d'être enterré avec le maillot de Grenade et l'écharpe de la peña ».

Désormais, il faut préparer la nouvelle saison. Grâce aux cotisations annuelles, la peña a édité des stickers et des écharpes. « Nous avons aussi payé des places aux personnes qui ont fait les déplacements, ajoute Adrien. On essaie de créer de nouveaux projets régulièrement, même si c'est vrai que suivre notre club à distance est très compliqué ». Si les prochaines rencontres s'annoncent moins prestigieuses, le GPS a déjà enregistré les adresses des nouveaux stades à découvrir. « C'est triste à dire mais il faut repartir de zéro, reconstruire et apprendre de nos erreurs. Il faudra recruter des joueurs dévoués à 100% et nous appuyer sur notre centre de formation. L'exemple à suivre, c'est Levante qui a survolé la Segunda cette saison et qui revient en Liga par la grande porte. Grenade et son afición méritent une équipe de Primera. Comme on dit à Grana : « Volveremos », nous reviendrons ! ».