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LE NUMÉRO MODE 2014

Marie-Antoinette, première martyre de la mode

Avant de se faire couper la tête, la dernière reine de France adorait bien s’habiller.

Illustration : Craig Scott

Marie-Antoinette n’a jamais eu de chance. Elle s’est mariée à un roi de France impuissant, elle s’est fait guillotiner puis est devenue, à titre posthume, le symbole de la cupidité et des pires excès de l’aristocratie. Selon Clare Crowston, professeure d’histoire à l’université de l’Illinois et auteure du récent Credit, Fashion, Sex: Economies of Regard in Old Regime France, sa décapitation serait en partie le résultat de sa passion dévorante pour la mode. Friand amateur des grandes dames, des exécutions sommaires et des fringues que les gens portaient à l’époque où l’on chiait dans des pots de chambre, j’ai décidé de l’appeler. VICE : Pourquoi la vie de Marie-Antoinette a-t-elle été si pourrie ?
Clare Crowston : Elle s’est retrouvée confrontée à beaucoup de problèmes. Elle était autrichienne, et l’Autriche était alors l’ennemie historique de la France. Son mari était impuissant sexuellement et n’a pas été en mesure de consommer son mariage avant plusieurs années. À ce moment-là, ils ne pouvaient donc pas avoir d’enfants. Encore toute jeune, elle s’est retrouvée dans une position très délicate.

Comment la mode est-elle entrée dans sa vie ?
Dans l’une de ses lettres, elle explique avec une très belle phrase qu’elle a en quelque sorte utilisé la mode afin d’avoir « plus de crédit ». Au XVIIIe siècle, quand les gens parlaient de crédit, ils faisaient référence à la réputation, à la crédibilité de quelqu’un. Elle accordait beaucoup plus d’importance à la mode que les reines de France précédentes, plus traditionnelles dans leurs choix vestimentaires. Elle a essayé d’inspirer et de dominer la mode et d’utiliser son talent pour créer de nouveaux styles afin d’attirer l’attention sur elle – et de gagner en prestige aux yeux de la Cour.

Elle était proche de stylistes, j’imagine.
Elle a eu une relation fascinante avec Marie-Jeanne Rose Bertin, l’une de ses modistes officielles. Bertin est en quelque sorte la Coco Chanel originale. C’est la première styliste célèbre de l’histoire.

J’imagine que cet intérêt pour la mode a pu irriter le peuple.
Cette passion a fini par symboliser tous les méfaits de la Reine : elle dépensait trop d’argent, entretenait des relations avec les mauvaises personnes et elle se concentrait sur des choses futiles. En incitant les femmes nobles à suivre ses modes, le peuple s’est imaginé qu’elle poussait les familles aristocrates et l’État à la faillite.

Ses tenues étaient-elles considérées comme osées ?
Les gens les trouvaient extravagantes, plutôt. Néanmoins, un célèbre portrait d’Élisabeth Vigée Le Brun montre Marie-Antoinette dans une robe de lin blanc, simple, avec une collerette autour du buste. Le caractère informel de la tenue est choquant. La Reine était censée porter des vêtements de cérémonie extrêmement coûteux. Sur cette peinture, on a l’impression de voir Marie-Antoinette en chemise de nuit. Le choc qui en résulte est aussi bien social que sexuel.