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LE NUMÉRO DU CONFLIT MORAL

Un beau ramassis de conneries

Après les théories culturo-raciales pétés de Starkey, on confronte deux points de vues sur le ferment des dernières émeutes londoniennes.

Les gens adorent les boucs émissaires. C’est pourquoi lorsque les gangs de la « jeunesse sauvage » ont ravagé l’Angleterre l’été dernier, personne n’a été surpris de voir la réaction bipartite des politiciens et autres élus, réduisant la complexité de la situation à de simples arguments électoraux.

Dans l’émission Newsnight de la BBC2, David Starkey nous a offert ces quelques mots : « Les Blancs sont aujourd’hui les nouveaux Noirs. » Parmi ses théories les plus pétées, Starkey a aussi pointé du doigt l’influence des pantalons larges et du gangsta rap sur les récents événements en Angleterre. On peut facilement imaginer ce qu’il aurait dit s’il avait eu vent du daggering jamaïcain. Pour essayer de comprendre le cerveau de Starkey – et peut-être, signaler une mince lueur de vérité dans son discours –, on a fait appel à Owen Jones, un journaliste de gauche présent à côté de Starkey le jour de son passage télé, et à James Delingpole, un auteur « libertarien-conservateur » qui aurait pu être à Newsnight lui aussi s’il n’avait pas décidé de prendre des vacances à ce moment-là. VICE : OK, essayons de faire simple. À qui doit-on la boule de feu qui a déchaîné l’Angleterre l’été dernier ?
Owen Jones : Les émeutiers avaient des motivations différentes. Certains y sont allés pour le danger, d’autres pour préserver leur « statut », et d’autres encore pour pallier leur frustration. Dans l’ensemble, ces gens-là ne croient plus au futur. Quand on croit en un possible futur, on ne le fout pas en l’air en brûlant tout dans la rue. Vous pensez donc qu’il s’agissait plus d’un soulèvement de la classe populaire que d’un soulèvement de la population noire ?
Il existe beaucoup de problèmes entre la police et la communauté noire. Le fait que les Noirs soient sous-représentés dans les médias et la classe poli­tique joue aussi pour beaucoup. Aussi, il faut garder à l’esprit le fait que les gens réellement impliqués dans les émeutes étaient blancs. En quoi les émeutes de l’année dernière étaient-elles différentes de celles de 1981, qui provenaient des mêmes tensions entre les minorités et la police ?
Dans l’ensemble, les gens considéraient les revendications des émeutes de 1981 comme légitimes. Cette année pas du tout, puisque tout le monde a reporté son attention sur les vols à l’étalage. En même temps, pourquoi prêteraient-ils attention à autre chose ?
43 % des émeutiers arrêtés vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour les jeunes, le futur est dépourvu de sens. Notre attitude par rapport à ces problèmes sociaux, c’est de juger uniquement ces jeunes gens sur leurs fautes individuelles. Vous pensez que ces émeutes étaient justifiées ?
Non. Rien de positif n’en est sorti. Les gens ignorent toujours la détresse de la jeunesse.


VICE : Vous pensez que les émeutiers avançaient des revendications légitimes ?
James Delingpole : Ce n’était pas Occupy London. La majorité des émeutiers venaient de la classe ouvrière. Ils n’ont jamais travaillé et ont toujours vécu coupés de la réalité économique grâce aux aides sociales. Ils n’ont jamais affiché la moindre loyauté envers la Grande-Bretagne. Où la culture noire avait-elle sa place dans tout ça ?
Toute cette culture est célébrée dans le hip-hop. Quand vous parlez de l’école aux jeunes Noirs, ils disent tous que c’est « jouer le jeu des Blancs ». Demandez à quiconque ce qu’est la culture noire, aucun d’eux ne vous répondra Herman Cain – c’est tout pour le bling-bling et les stars du basket. C’est quand même un peu plus que ça, non ?
Après les émeutes, certains Noirs engagés m’ont envoyé des mails qui disaient : « Non, ce n’est pas ma culture ! » Mais c’est un faux argument. Ce que Starkey disait, c’est que les Blancs adorent être de mèche avec les homies, puis se rétracter en disant : « Attendez une seconde, ce n’est pas la culture noire, ça. » C’est de la pure hypocrisie. Donc pour vous, manifester ne fait pas partie de la « culture noire » ?
Non. Le fait d’être noir ne vous prédispose pas à la criminalité. En revanche, cette idée de gagner beaucoup d’argent et de vivre vite avait l’air de prévaloir parmi les émeutiers. Comment éradiquer ce mauvais penchant de la culture noire alors ? En coinçant Bill Cosby ?
Les Noirs ont une attitude négative parce qu’ils pensent ne pas appartenir à notre société. Nous devons limiter les allocations et les aides sociales, parce qu’elles encouragent le séparatisme entre les communautés.