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Wendell Lira : du prix Puskas au football virtuel

Le Brésilien a passé 10 ans a écumer les divisions inférieures brésiliennes. Aujourd'hui, à 27 ans, il pense qu'une carrière de gamer peut rapporter autant qu'une carrière de joueur pro.
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Perdus sur leurs consoles dans des chambres sombres, des milliers de jeunes jouent à des jeux vidéos tels que FIFA et rêvent de devenir les prochains Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Neymar Jr et autres stars du présent et du passé.

Il y en a peu qui s'imaginent faire le voyage inverse. L'ex-footballeur brésilien Wendell Lira, connu pour avoir remporté le prix Puskas en 2015 à la barbe de Messi et compagnie, est sur le point de changer cette vision obsolète.

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L'attaquant de 27 ans a pris une décision sans précédent l'été dernier : abandonner le football professionnel pour son équivalent virtuel. Après dix ans passés à jouer dans différentes divisions brésiliennes, il a aujourd'hui choisi de se faire connaître du monde entier à travers le eSport. « Je peux essayer d'obtenir dans le football virtuel tout ce que je n'ai pas obtenu dans le football réel, justifie-t-il. Et maintenant je vais commencer ma carrière dans le jeu vidéo ».

Lira a grandi dans la très chaude ville de Goiânia, dans le centre du Brésil, dans un environnement très rural. Quand il était petit, il rêvait, comme ses amis, de devenir footballeur. Pendant un temps, tout a marché pour lui : de fait, en 2006, il est devenu l'objet de la convoitise du tout-puissant Milan AC de Silvio Berlusconi qui a offert quasiment deux millions d'euros pour s'attacher ses services. Mais le Goias, son club de l'époque, a refusé l'offre.

L'année dernière, le joueur inconnu a obtenu le plus gros succès de sa carrière à ce jour. Même s'il évoluait en troisième division brésilienne, il a été récompensé du prix Puskas de la FIFA qui honore le joueur qui a marqué le plus beau but de l'année. Avant lui, ce sont des joueurs de la trempe de Cristiano Ronaldo, Zlatan Ibrahimovic, Neymar et James Rodriguez qui l'ont obtenu.

Lira a gagné son ticket pour le panthéon des meilleurs buteurs alors qu'il jouait pour la Gionesia, un club modeste situé à seulement quelques kilomètres de sa ville natale. C'était au mois de mars, on en était la 28e minute d'une rencontre de la ligue régionale de Goias, où son équipe affrontait l'Atletico Goianiense. Lira a couru pour réceptionner une passe lobée, il a effectué un 360 puis un ciseau à l'horizontal envoyant le ballon dans les buts, hors de portée de Marcio, le gardien adverse.

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« Je ne me suis pas rendu compte de ce qu'il s'était passé, parce que tout était arrivé très vite, se rappelle Lira. Sur le moment je ne savais pas si c'était un beau but ou pas, même si j'avais la sensation que c'était plutôt réussi. Mais plus tard j'ai reçu des messages de gens qui me disaient que j'avais marqué un but de malade ».

En janvier 2016, Wendell Lira, ému, remportait le prix Puskas.

L'exploit a été suffisamment époustouflant pour que Lira éclipse les deux autres prétendants au prix, qui n'étaient pas moins que Leo Messi et l'italien Alessandro Florenzi. Rien que ça lui a valu un voyage à Zurich où il a assisté à la cérémonie de remise du Ballon d'or en janvier. À cette occasion, le légendaire milieu de terrain japonais Hidetoshi Nakata lui a remis son prix. Lira se séchait les larmes au moment de le recevoir.

« Ça a été un jour incroyable, raconte Lira. Gagner un prix comme celui-ci, entrer dans l'histoire du football, et rencontrer des gens comme Cristiano Ronaldo, je peux seulement être reconnaissant envers Dieu qui m'a offert cette opportunité ».

L'enthousiasme a perduré lorsque Lira est rentré chez lui, où sa soudaine condition de star du football mondial s'est traduite en un déluge de demandes d'interviews et d'apparitions dans les médias.

Il est évident que la célébrité sportive est éphémère, surtout quand tu es perdu dans les divisions inférieures du football brésilien. Tant et si bien que le petit nuage sur lequel était Lira s'est dissipé aussi rapidement qu'il s'était formé. Il avait joué avec sept équipes différentes en sept ans avant de rejoindre la Goianesia. Pas même le prix Puskas n'a pu avantager sa fortune.

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Ce n'est pas Messi mais un inconnu Brésilien qui a remporté le prix Puskas. Photo Adam Hunger-USA TODAY Sports.

Après quelques saisons funestes au cours desquelles il a été particulièrement touché par les blessures, Lira a décidé, au début de cette année, de ranger ses crampons. Il jouait alors pour Villa Nova, une autre équipe de la région de Goiana où la chance l'a également boudé. Il en avait assez. « Le motif principal de mon départ a été les blessures. Elles m'ont empêché de jouer dans l'élite. De plus, je souhaitais partir dans un contexte positif pour moi ». Lira a vu la retraite comme une opportunité de dédier sa ve à une autre de ses passions.

« J'ai commencé le foot de rue quand j'étais tout petit, se rappelle-t-il. À ce moment-là, je jouais tout le temps à Superstar Soccer, sur la Nintendo. C'est un jeu assez vieux, mais j'y joue encore de temps en temps ».

Lira n'a pas arrêté de jouer à la Nintendo lorsqu'il est devenu footballeur professionnel. Il n'a pas manqué d'actualiser sa console et ses jeux et d'obtenir une licence de joueur de FIFA. Il est certain qu'une grande partie de son ascension en tant que footballeur est due à tout ce qu'il a appris sur sa console. Et vice-versa.

« Les jeux vidéos ont eu une place très importante dans ma carrière, confie-t-il. Ils améliorent tes réflexes, t'apprennent à savoir improviser rapidement, parce qu'ils sont très rapides. Ils m'ont énormément aidé… Et le football m'a servi à m'améliorer aux jeux vidéo. Beaucoup des combines que j'ai aujourd'hui sur FIFA, comme mes tactiques et le placement des joueurs sur le terrain, je les ai apprises au football ».

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Le sommet de son apprentissage ne lui a valu rien de moins qu'un prix Puskas et un voyage à Zurich. Sans doute l'ignorait-il à l'époque, mais le dernier grand moment de sa carrière allait devenir le premier grand succès de sa nouvelle vie. Il l'a démontré en démolissant Abdulaziz Alsheri, un jeune Saoudien de 25 ans, et en étant couronné vainqueur de la Coupe du monde interactive de la FIFA, le tournoi le plus prestigieux du jeu vidéo. Lira a balayé son rival 6 à 1 grâce à une exhibition authentique.

Évidemment, la transition vers sa carrière flamboyante de gamer professionnel n'a pas été si facile. Lira ne s'est pas qualifié cette année pour ladite Coupe du monde. Aujourd'hui, il assure se préparer à fond pour la prochaine édition qui aura lieu en 2017. « Si tu demandes à n'importe quelle adolescent s'il aimerait être payé pour jouer aux jeux vidéo, il te dira oui, dit-il. Je veux travailler et jouer en même temps… Je ne regrette rien ».

Lira souhaite gagner de l'argent avec les récompenses des compétitions et à travers des parrainages. L'homme est déjà un phénomène en lui-même : sa chaîne YoutTube, où il retransmet des images en streaming et partage des conseils et astuces pour jouer à FIFA, ainsi que pour jouer au football, compte déjà plus de 227 000 abonnés.

Le but qui a fait de Wendell Lira une star du foot.

Il est convaincu qu'être joueur professionnel de jeux vidéo peut être aussi rentable que d'être footballeur professionnel – quelque chose d'assez logique si l'on considère le football au Brésil, pays où même les clubs les plus importants sont endettés jusqu'au cou. Un rapport récemment publié par la banque Itau suggère que les principaux clubs de football du pays sont redevables, ne serait-ce qu'en terme d'impôts, à hauteur de plus de 1000 millions d'euros.

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D'après Bom Senso FC (le FC Sens Commun), un groupe contestataire formé de footballeurs professionnels actifs et retraités ayant pour but de revendiquer de meilleures conditions de travail, plus de 20 000 footballeurs professionnels brésiliens passent la moitié de l'année sans emploi.

« Il est très compliqué d'être footballeur au Brésil », raconte Lira. Dans son dernier club, Vila Nova, il avait un salaire de 1500 dollars mensuels. « Pour beaucoup de joueurs, ce n'est pas suffisant pour vivre. Les gens croient que c'est la gloire, que tout le monde est Neymar. Mais beaucoup de gens n'ont pas idée de la réalité ».

Felipe Carvalho, l'agent de Lira et directeur d'un cabinet de conseil sportif, GECAF Sports, voit le futur de son client couronné de succès. Il est convaincu que Lira pourra devenir une star du sport virtuel, notamment grâce à son expérience.

« Il est très charismatique, et il a joué au football à un bon niveau depuis qu'il a commencé à être connu en 2006, notamment après le summum de sa carrière qui a été de gagner le prix Puskas », estime Carvalho, qui reconnaît que le football virtuel est un « nouveau champ d'action » pour son entreprise et un marché émergent au Brésil.

Aujourd'hui, Lira ne sait toujours pas s'il préfère jouer sur les terrains virtuels ou les deux pieds sur la pelouse. Lui qui connaît mieux les donjons du prolétariat que la gloire des footballeurs millionnaires juge que le succès dans le jeu vidéo est plus démocratique.

« Beaucoup de gens souhaitent devenir footballeur professionnel et n'y parviennent pas, dit-il. Mais ça, ça n'arrive pas dans le jeu vidéo ».

Les Brésiliens continueront de jouer à FIFA, convaincus qu'il deviendront la prochaine nouvelle star de la canarinha. Wendell Lira également.