Il est donc 23 heures. Dès le début de l'audience, un peu moins de sept heures plus tôt, les trois avocats des prévenus avaient demandé un renvoi de l'affaire. En deux mois et demi, ils expliquaient qu'ils n'avaient pas eu le temps de décortiquer le volumineux dossier de 1 500 pages d'enquête, et que le principal témoin à charge, Mme Marchal, n'était pas présent à l'audience malgré sa convocation. La demande était rejetée.La thèse de l'accusation est assez simple : les trois prévenus auraient envoyé, « en toute connaissance de cause », des fonds qui auraient permis au jeune homme de 20 ans de rejoindre la Syrie.
À Nathalie, on reproche d'avoir participé au départ de son fils en Algérie alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire, au motif qu'elle aurait notamment acheté le billet d'avion. Celle-ci se défend : « J'avais acheté le billet d'avion deux semaines avant son interdiction de sortie. C'est facilement vérifiable. D'ailleurs, pour partir en Algérie, il faut un visa qui prend au moins deux semaines. » Effectivement, vérifier la date d'achat d'un billet d'avion, c'est assez facile, mais personne, au cours dans l'enquête, n'a cru bon de le faire.On lui reproche également d'avoir envoyé 1 000 euros de mandat quand son fils était en Algérie. L'accusation persiste à croire qu'elle savait que son fils voulait rejoindre la Syrie. C'est assez difficile à soutenir, dans la mesure où Bellabas est resté près de six mois en Algérie, et qu'il était chez son père, où elle l'avait envoyé précisément « parce qu'elle n'en pouvait plus » de son attitude.Enfin, on lui reproche d'avoir fait parvenir de l'argent à son fils alors qu'il était en Malaisie. La mère explique que son fils s'était fait agresser : « Il m'a envoyé des photos, à sa sortie de l'hôpital, où l'on voit bien les points de suture. Il avait besoin d'argent pour payer l'hôpital. Les photos sont toujours dans mes messages Facebook, c'est facilement vérifiable. » Une fois de plus, personne n'a vérifié.« Il m'a envoyé des photos, à sa sortie de l'hôpital, où l'on voit bien les points de suture. Il avait besoin d'argent pour payer l'hôpital » – Nathalie
Vient enfin le cas de Nathalie, dont « l'amie » Mme Marchal – celle qui l'a dénoncée aux autorités – prétend qu'elle était radicalisée. C'est la seule raison qui permettrait d'expliquer qu'une mère envoie de l'argent à son fils « en toute connaissance de cause », pour qu'il aille se suicider à l'autre bout du monde.La jeune femme de 41 ans, élégante et adepte des « virées shopping », a quitté l'Algérie pour « vivre autre chose, être libre, ne pas vivre sous la coupe d'un mari ». Elle propose une autre explication de sa prétendue radicalisation au tribunal : « C'est une jalousie de femme. Mme Marchal est persuadée que j'ai couché avec son mari, et elle veut se venger. » Mme Marchal n'étant pas présente à l'audience, personne ne pourra confronter les deux femmes.« C'est une jalousie de femme. Mme Marchal est persuadée que j'ai couché avec son mari, et elle veut se venger » – Nathalie
La présidente lui reproche de ne pas avoir empêché son fils de partir en Algérie, chez son père, alors qu'il avait une interdiction de sortie du territoire. La mère se défend maladroitement, tente d'expliquer pourquoi elle a pu mentir « par honte, pour protéger [sa] famille » lors des premières gardes à vue, pourquoi elle n'a pas indiqué aux autorités que son fils était mort en Syrie. La présidente, avec un sourire au coin des lèvres, finit par lui demander : « S'il avait respecté son interdiction de sortie du territoire… »« Vous êtes odieuse, Madame. Vous êtes odieuse. Vous méprisez cette femme. Vous la roulez dans la boue » – l'avocat de Nathalie au sujet de la présidente
« Je suis ici à trois titres. Tout d'abord, en tant qu'avocat, juriste, car je pense que ce texte n'est pas adapté. Ensuite, en tant que citoyen. Il est bien clair que je refuse de participer à une société qui serait défendue comme souhaiterait le faire Monsieur le Procureur. Enfin, en tant que catholique, car je suis affligé » – Hervé Denis, avocat de Nathalie