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bad buzz

« Si je peux aider des SDF et gagner de l’argent, je prends ! »

Youtubeur et chef d’entreprise, Vincent Macario a attisé la haine des internautes en diffusant des vidéos dans lesquelles il se glissait dans la peau d’un sans-abri. Portrait.
Image : capture d'écran de la vidéo "Sortez-moi de la rue - Jour 4" de Vincent Macario.

Casquette gavroche vissée sur le crâne et grands yeux verts, Vincent Macario a le visage poupin. À 38 ans, ce « spécialiste en communication internet » (comme il se définit lui-même), s’est fait connaître en février dernier avec une série de vidéos publiée sur YouTube. Dans « Sortez-moi de la rue », il se glissait dans la peau d’une personne SDF. L’objectif de cette télé-réalité d’un nouveau genre ? « J’ai voulu faire le buzz pour médiatiser la cause des personnes sans-abri. Et faire parler de moi ! »

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Le buzz, Vincent Macario l’a fait. Mais pas comme il l’imaginait. Suite à la publication des premiers épisodes, les critiques ont afflué sur les réseaux sociaux. On l’a accusé de jouer sur la corde sensible en mettant en scène la misère. Et de faire du business sur le dos des SDF – car ses vidéos sont monétisées. Il s’en désole : « Je suis devenu une insulte publique. J’ai été traité d’escroc, de charlatan… Le fait de mettre des personnes sans-abri devant la caméra perturbe. Mais moi, je trouve ce type d’action porteur. Si je n’avais voulu que faire le buzz, honnêtement, j’aurais fait le con à la Rémi Gaillard. » Si lui dit avoir « beaucoup de détachement » à l’égard de tout cela, il n’en va pas de même pour son entourage. « Ça a été difficile à gérer pour mes parents. Ils ont été traqués : on a créé des faux profils d’eux, ils ont reçu des coups de fil de menace… Ma copine aussi a eu du mal à assumer tout ce qu’on a dit sur moi. On s’est presque séparés à cause de ça. » Sa série, qui devait se prolonger jusqu’à ce que 100 000 personnes s’abonnent à sa chaîne YouTube, a été écourtée. « Dans l’épisode 12, j’ai filmé les sous-sols d’un hôpital où j’avais trouvé refuge. En mettant la vidéo en ligne, des gens ont reconnu le lieu. Ils ont appelé et le lendemain, trois colosses de la police ont agité sous mes yeux une capture d’écran imprimée de ma vidéo. Et ils m’ont arrêté. » Dans la foulée, les épisodes dans lesquels Vincent Macario indiquait le chemin pour s’introduire dans l’hôpital ont été supprimés.

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« Sur YouTube, si on crée quelque chose, on a le droit d’être monétisé »

Quelques mois plus tard, on le retrouve affalé chez lui dans une polaire grise, cernes jusqu’aux oreilles et barbe mal taillée. Mais Vincent Macario veut rebondir. « Je suis en train de remonter la pente », assure-t-il. Après le bad buzz, son cameraman et monteur a arrêté de collaborer avec lui. Sur son Tipeee, plateforme de financement participatif censée le rémunérer, il ne récolte plus qu’une dizaine d’euros par mois. Sa chaîne YouTube, elle, lui en rapporte à peine une centaine. Un « charity-business » pas si rentable. Lui assure pourtant que « vivre de la solidarité » est possible : « Si je peux aider des SDF et gagner de l’argent par la même occasion, je prends. Ce n’est pas incompatible. Sur YouTube, si on crée quelque chose, on a le droit d’être monétisé. »

Il faut dire que Vincent Macario cherche à percer depuis des années. En sept ans, il a créé pas moins de cinq chaînes YouTube à son nom. Mais c’est à partir de fin 2016 qu’il a acquis la notoriété tant convoitée, avec la vidéo « J’ai prêté ma carte bleue à un SDF ». Il raconte : « J’ai toujours aimé aider mon prochain. Je le faisais déjà avant, hors caméra, mais je me suis dit que le diffuser en ligne était un moyen d’inciter tout le monde à faire pareil. » Cet habitant de La Ciotat en a fait son credo. Si bien qu’à la Croix-Rouge de Marseille, on soupire dès que son nom vient sur le tapis. « Bien sûr que je le connais ! Il m’a enregistrée à mon insu », nous glisse une membre du personnel.

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« C’est parce que ça fonctionnait que je l’ai fait »

Se filmer en train d’aider un sans-abri ne date pas d’hier. En 2014, des youtubeurs américains sont même allés jusqu’à organiser un bras de fer entre personnes SDF contre de l’argent. Il n’empêche, la vidéo de Vincent Macario a atteint plus de 800 000 vues. Et près de 30 000 personnes l’ont suivi. « C’est parce que ça fonctionnait que je l’ai fait », avoue-t-il. Car Vincent Macario est avant tout un chef d’entreprise rompu aux codes d’Internet. Qui a longtemps cherché sa voie : « Je n’ai pas fait beaucoup d’études. Je me suis fait virer du collège en troisième. J’ai poursuivi avec un BEP dans l’hôtellerie et, malgré six apprentissages consécutifs, rien n’a fonctionné. Finalement, je me suis trouvé dans le graphisme. » Entre 2006 et 2015, il a crée cinq sociétés spécialisées dans l’informatique. En 2014, il a même eu droit à un article le qualifiant de « génie du marketing sensoriel ». Contactée par Vice, la responsable de ce site dit : « Vincent Macario était très sympathique, il cherchait surtout à gagner sa vie et faire tourner sa boîte ! Soyez indulgent si vous vous lancez dans un portrait cynique ! » Deux heures plus tard, nouvel e-mail : « Je viens de googliser Vincent Macario, et je ne connaissais pas ces histoires de SDF. Je préfère retirer l’article du site. »

Son activité de youtubeur est en train de couler ce qui restait de son business. « Le bad buzz a touché mes entreprises, car mon nom a été associé à mon image sur YouTube », explique amèrement Vincent Macario. Actuellement, une seule de ses cinq sociétés, Novasoft, survit. Avec cette boîte, il commercialise un logiciel « pour faire le buzz » à une cinquantaine d’euros par mois. Mais surtout, il reprend le fonds de commerce de ses anciennes entreprises, l’e-mailing. Une méthode de marketing qu’il emploie lui-même pour se faire remarquer.

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Capture d’écran de spammer.com.

« Je ne veux pas tomber dans l’anonymat ! »

Maladroit ? Pour la quinzaine de membres d’un groupe de discussion anti-Macario, réunis sur la messagerie instantanée Discord, ce serait plus que ça. Chloé, 18 ans, à l’initiative de cette conversation, explique : « J’ai créé ce salon pour rassembler des preuves sur ses arnaques ». Sébastien, 39 ans, aussi membre du groupe, raconte : « Pour moi, Vincent Macario est un gars pas très intelligent, qui applique un mode de pensée et une démarche à une cause – dont il se fout complètement, au fond – pour essayer de grappiller de la visibilité et de l’argent. » Si l’entrepreneur se dit « authentique à 100 % », une brève recherche inversée des images utilisées sur le site de Novasoft pour illustrer les témoignages élogieux concernant son logiciel « collecteur d’e-mails » suffit à instiller le doute.

À gauche, la photo d’un certain « Olivier Perrier » sur le site de la société de Vincent Macario. À droite, la même photo d’« Olivier Perrier », cette fois-ci sous son vrai nom, retrouvée dans les commentaires du site d’un styliste d'entreprise. Montage : Alexis Ferenczi.

Sans compter que certains internautes parlent ouvertement d’« arnaque » pour une de ses anciennes sociétés.

Capture d’écran de refok.fr.

Malgré tout, Vincent Macario persiste. Il voit son avenir sur YouTube, et garde l’« espoir de redorer son image ». « Je ne veux pas tomber dans l’anonymat ! », s’exclame-t-il. Il a déjà prévu de faire un court-métrage de « Sortez-moi de la rue », a lancé un « club YouTube Elite » où il garantit « 1 000 abonnés en 30 jours » contre une cotisation de 2 euros, et tourne même la saison 2 de sa série. Vincent Macario en est convaincu, dans le fond, il aide des personnes sans-abri. « J’ai sorti trois personnes de la rue grâce à la médiatisation ! », assure-t-il. Contacté, Damien, l’un d’eux, n’a pas donné suite à notre demande.