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Red Star FC

8*6 Crew : « L’Étoile Rouge est LE symbole de la classe ouvrière »

Manchester City a Oasis, Leicester Kasabian et Southampton Craig David et le Red Star, lui, a le 8*6 crew. Deux décennies passées à perpétuer l’esprit ska et skinhead dans les tribunes de Bauer. Une mission dont s’acquitte Charly, le chanteur.
Photo 8*6 Crew

VICE : Dans notre précédente interview, tu me disais que le foot faisait partie de la culture des skins. Tu arrives à t’expliquer les liens entre skinheads et football ?
Charly : Il faut savoir que tous les mouvements de jeunes de la classe ouvrière anglaise ont un lien avec le football. Dans la Red Army, il y avait des mods, des rockers, des teds, des fans de Glam, de David Bowie, de Sweet avec leur platform boots. À Bristol, il y avait des soulboys et des bikets. À Leeds et Huddersfield, c’était des punks. Il y avait même des casuals à la fin des années 1970 à Manchester ou Liverpool. Toutefois, les skins sont les plus représentatifs et démonstratifs, peut-être parce que c’est aussi le début de la télé et parce que les skinheads sont les dignes représentants de la culture reggae, qui a eu un gros impact en Angleterre. Après, il faut aussi avouer que l’on retrouve de la violence aussi bien dans le football que dans l’ADN des skins…

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L’amalgame autour des skinheads, tu le comprends ?
Tu veux dire, le racisme ? Oui, je le comprends, bien que je le combatte. Quand la presse te parle de la violence des skins nazis pendant des années, c’est logique que ça rentre dans la tête de l’opinion publique, d’autant qu’il y a eu de nombreux faits divers dans les années 1980 autour de ces débordements. Mais bon, il ne faut jamais attendre grand-chose de la presse à part du sensationnel…

Ce n’est jamais parti en vrille avec d’autres groupes de supporters, du Red Star ou d’autres clubs ?
Si, bien sûr, il y a des rivalités et des situations qui tournent à la violence, mais ça reste anecdotique. Entre nous, je parle ici des groupes du Red Star, il n’y a pas de problème. Même s’il y a des avis différents, on privilégie le dialogue.

Il paraît que ton premier match à Bauer remonte à 1993. Tu te souviens de l’ambiance dans le stade ?
Je ne me souviens plus du club que l’on affrontait, mais je me souviens qu’il y avait du monde, de la bière et une bonne ambiance. Sans que rien ne soit structuré. C’était au contraire un vrai match de D2 à l’ancienne. Et pourtant, c’est ce soir d’hiver avec du brouillard en banlieue que j’ai su que c’était à Bauer que je voulais être.

Comment se passaient les réunions avec ton groupe, les Perry Boys ? Vous aviez un rituel avant, pendant ou après les matches ?
Il n’y avait pas de réunion, on traînait toujours ensemble, dans les concerts ou dans la rue, et on allait ensemble au stade un vendredi sur deux, avant d’aller se manger un grec place Clichy après les matches. On était un peu trop dans notre truc pour faire les déplacements avec les supporters officiels. En plus, il faut savoir qu’à l’époque, on ne se déplaçait quasiment jamais, à part chez des clubs pas trop loin comme Beauvais ou Amiens.

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Il n’y a pas de carte de membre Perry Boys, c’est plus un feeling entre individus, une mentalité et des goûts communs, comme la musique ou les fringues – Charly, chanteur du 8*6 Crew

Aujourd’hui, pourquoi vous êtes-vous tous réunis derrière les Red Stars Fans ?
Nous sommes tous des Red Star Fans (RSF). On pose les bâches Perry avec les RSF, c’est un peu comme un groupe de la « vielle garde ». Il n’y a pas de carte de membre Perry Boys, c’est plus un feeling entre individus, une mentalité et des goûts communs, comme la musique ou les fringues. En plus, le Red Stars Fans est un groupe « historique », qui fête ses vingt ans cette année, même s’il n’a jamais été une entité forte en matière de « supportérisme ». Il a été un peu médiatisé, dans le sens où il était l’un des seuls groupes à l’époque constitués de skinheads S.H.A.R.P [des skins ouvertement antiracistes, ndlr], puis il y a eu le magazine Supmag, qui a rendu visible beaucoup de groupes de supporters.

Comment expliques-tu que le Red Star soit un des clubs français qui transpirent le plus la classe ouvrière ?
C’est évidement l’Étoile Rouge, qui est LE symbole de la classe ouvrière, et de la banlieue rouge… même si dans sa création il n’y avait aucun rapport entre le club et la « politique ». Il y a des régions encore plus marquées par la classe ouvrière, comme le Nord et l’Est qui ont des clubs qui transpirent cette mentalité ouvrière, mais nous sommes un très vieux club, de Paris qui plus est, qui a dominé le foot français pendant une certaine période. Je pense que ça, ça reste gravé dans l’inconscient collectif.

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C’est important, selon toi, de connaître un peu l’histoire du club que l’on supporte ? De même, est-ce important de supporter un club avec une histoire suffisamment forte ?
C’est primordial de connaitre l’histoire, même si les gens supportent un club pour des raisons aussi personnelles que variées. La base, c’est parce que c’est le club de ta ville, mais il y a des gens qui supportent des clubs d’autres villes, à cause de souvenirs d’enfance et du fait que certains joueurs aient pu évoluer là. Et puis, oui, je suis persuadé que c’est mieux de supporter un club avec une histoire forte, ça donne du caractère à ses fans. Mais bon, quand tu aimes un club, tu l’aimes, avec ou sans histoire.

On a l’impression que le Red Star est un club un peu « à la mode » actuellement. Tu vis comment cette hype autour de ton équipe ?
C’est délicat, dans le sens où on est fier de voir la tribune blindée avec des fans qui chantent et qui jouent le jeu. Le noyau, c’est-à-dire les fans les plus actifs, donnent l’impulsion et le reste de la tribune suit, avec enthousiasme généralement. Mais on a toujours peur que ça nous échappe. Quand tu es un supporter impliqué, voire engagé, et que tu as passé des années avec uniquement une poignée de gars à tes côtés, tu ressens une sorte de légitimité, un truc qui te fait dire : « Cette tribune, c’est la nôtre ». Ça peut paraitre excessif, mais c’est sincère ! À nous de transmettre nos valeurs et nos codes. D’abord, aux plus jeunes qui s’impliquent dans le groupe, et plus généralement au reste de la tribune qui vient pour encourager le club et qui se l’approprie aussi. On sait pertinemment que les choses changent, mais on essaye d’évoluer avec dans le bon sens, c’est-à-dire en essayant de véhiculer l’image d’un football populaire.

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Je sais que tu gardes également un excellent souvenir d’un match contre Marseille en 1994. Pourquoi cette rencontre en particulier ?
Recevoir l’OM est toujours un événement, surtout à Paris. Marseille jouait en D2 à l’époque, et c’était une aubaine pour tous les clubs de seconde division de faire complet. Il y avait plus de 13 500 personnes. Les ultras étaient au bout de la tribune Est et nous au centre du grand stand avec des fans de l’OM à droite et ceux du PSG à gauche. Il y a eu plusieurs charges des Parisiens sur les Marseillais, et comme on était au milieu, on a été pris dans des bagarres. C’était old school… On avait déjà participé à des embrouilles, mais dans une tribune, c’était vraiment autre chose. Et, pour couronner le tout, le Red Star a gagné [2-1, ndr].

Dédier un morceau au Red Star, vous n’y avez jamais pensé avec les gars du 8*6 Crew ?
Il y a en a un, United, que la tribune chante ! Sinon il y a quelques rimes qui font allusion à l’Étoile, à Rino ou au Green & White dans différents morceaux.

Il y a des groupes qui incarnent parfaitement la relation entre foot et musique, selon toi ?
Si on parle de l’Angleterre, chaque génération a ses groupes qui ont de près ou de loin un rapport avec le foot comme je te le disais tout à l’heure. Il y a eu aussi le style Oasis… Heureusement, la musique et le foot ne sont pas encore morts au Royaume-Uni.

Est-ce que tu dirais que, finalement, supporter le Red Star fait sens avec votre démarche musicale et votre indépendance ?
Oui, on peut dire ça ! Le fait d’être authentique et fidèle, ne pas baisser les bras, y croire, ce sont des valeurs communes. Après, ça colle aussi avec les autres aspects de nos vies, comme ne pas se prendre pour ce que l’on n’est pas…

J'ai lu que vous aviez été invité à Hambourg pour les quinze ans des « St Pauli Skinheads ». Comment s'est passée la rencontre ?
Ce sont des gars qu’on a rencontré vers 1998 à un match contre Mayence. 8*6 Crew jouait à Francfort avec Stage Bottles, et ils nous ont emmenés dans le parcage de St Pauli. De là, on a sympathisé avec les S.P Skins. Je suis resté en contact avec certains depuis – c’était avant Facebook. Après, je tiens à dire qu’on avait déjà fait quelques concerts pour eux avant celui des quinze ans et que, aujourd’hui encore, je suis toujours bien accueilli quand je vais en vacances à Hambourg.

Comment as-tu vécu les deux années en dehors de Bauer ? Je dis ça sachant que l’on trouvait une photo du stade à l’intérieur de la pochette d’un de vos albums…
Très mal, comme tous les supporters. Les RSF ont même boycotté Beauvais, avant que l’on aille à contrecœur jouer à Jean-Bouin pendant un an… On n’a jamais pu voir ce qu’aurait donné un match de Ligue 2 à Bauer, c’est vraiment dommage. Espérons que les mêmes erreurs ne se reproduisent pas, ce stade est incomparable !