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Mission Imperfection : une lettre d'amour à "GoldenEye 007"

On t'aime, GoldenEye.

Faute de toujours posséder une N64, et muni d'un bon d'achat, j'ai récemment acheté GoldenEye 007: Reloaded, le remake par Eurocom du FPS culte de Rare sorti en 1997. Je suis lassé des FPS qui se ressemblent tous depuis Modern Warfare, et j'avais bon espoir en lançant le remake de GoldenEye de retrouver un peu de la magie d'antan - les couleurs, le dynamisme, et les expérimentations à ciel ouvert qui ont fait tout le charme des jeux de tir dans les années 1990. Mais au final ça s'est avéré très chiant, puisque le jeu se contentait de reproduire l'univers de GoldenEye de manière totalement dénuée de vie, de joie, et d'humour - comme tous les jeux sortis depuis dix ans.

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Quand je pense au GoldenEye original, je pense au vert criard des couloirs de Facility. À la musique d'ascenseur ridicule de Control et Caverns. À l'absurdité du mode DK. L'influence du jeu sur les modes solo et multijoueurs de nombreux autres jeux a été abondamment commentée - vous savez sans doute déjà que GoldenEye a inventé les missions basées sur des objectifs, et qu'il a révolutionné le gameplay avec son mode multi en écran splitté. Mais ce qui ressort le plus selon moi, surtout maintenant, après 20 ans de jeux de tir, c'est le caractère de GoldenEye. Esthétiquement, on le reconnaît instantanément. Et ses sons, compilés ici, sont ce qui me vient à l'esprit quand je parle de vieux jeux vidéo avec mes amis. En général j'évite de parler de "nostalgie" parce que c'est une idée qui n'a pas trop de sens. Mais GoldenEye, avec ses graphismes et sa bande-son, incarne un moment précis de ma vie désormais révolu. C'est ce qu'il y a de plus tangible en matière de nostalgie.

Non pas que la nostalgie doive être limitée à des souvenirs proprets, à des choses aussi mièvres que des graphismes ou la musique d'un jeu vidéo. GoldenEye occupe une place particulière dans mon histoire personnelle avec les jeux parce que c'est l'un des rares FPS, surtout aujourd'hui, à posséder une personnalité unique et évocatrice. Il est aussi très violent. Comme il est sorti en 1997 et que les seuls jeux auxquels j'avais joué auparavant étaient Rayman, Tekken et Destruction Derby, GoldenEye est sans doute le premier jeu dans lequel j'ai tiré sur quelqu'un. Je me souviens du bruit terrible que faisaient les balles quand elles atteignaient leur cible, et des tâches de sang qui apparaissaient sur les vêtements de mes ennemis. Ce sont des choses qui m'ont attiré vers les jeux. Ce sont les sons et les images qui m'ont transformé : quelques mois plus tôt je n'aimais que les jeux pour enfants, et quelques mois plus tard j'implorais ma mère de m'acheter le premier GTA.

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Depuis, j'ai toujours joué et été fasciné par les jeux violents - ceux qui sont bourrés de flingues et sont clairement destinés aux plus de 15 ans. GoldenEye était un jeu N64, mais il m'a détourné des jeux Nintendo traditionnels : jeux de plates-formes, d'aventure, RPGs… Après avoir joué à GoldenEye, je ne jurais plus que par les FPS. Et même si le genre a souffert d'une certaine léthargie et d'une bonne dose de malaise ces dernières années, il reste ce qui se fait de plus fascinant à mes yeux.

Rien n'est plus intéressant, crade, excitant ou grotesque qu'un FPS. Que les créateurs le veuillent ou non, tuer quelqu'un avec un flingue est l'interaction la plus chargée politiquement que l'on puisse trouver dans un jeu vidéo - d'une simple pression sur un bouton, d'innombrables questions se posent. Pourquoi j'ai fait ça ? Comment je me sens ? Qu'est-ce que ça dit de moi et du personnage que j'incarne, de nos mondes respectifs ? Il n'y a rien dans la culture populaire que je trouve aussi captivant et répugnant qu'un FPS. C'est GoldenEye qui a donné naissance à ma fascination.

GoldenEye dépasse totalement ma simple personne. C'est bien plus qu'un artefact de ma seule expérience, ce qui explique que j'aie des réticences à le décrire en usant d'un langage personnel et masturbatoire. En même temps, il serait aussi absurde de le décrire avec le ton du critique détaché et froid - c'est un jeu à part, sublime, presque olfactif, qu'on ne peut décrire par le seul biais du journalisme. Je pense que la meilleure façon de décrire ce qu'était GoldenEye, et ce qu'il est encore aujourd'hui, c'est de prendre un exemple tiré du dernier niveau du jeu, Egyptian.

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L'un de vos objectifs est de récupérer l'arme la plus convoitée du jeu, le Golden Gun, qui tue en un coup. Il est enfermé dans une vitrine en verre, au centre d'une pièce qui semble vide et banale. Sauf que les carreaux qui couvrent le sol sont en réalité sensibles à la pression - pour ouvrir la boîte qui contient le flingue, vous devez suivre un chemin précis. Au moindre faux-pas, quatre mitrailleuses sortent des murs et vous abattent immédiatement.

C'est un objectif clair à remplir, une tâche à accomplir pour le joueur, et c'est donc assez emblématique de la révolution introduite par GoldenEye en termes de structure des jeux. Aujourd'hui, que vous soyez frustré ou ravi du côté "montagnes russes" des FPS, c'est à GoldenEye que vous le devez. C'est l'héritage majeur du jeu.

La pièce du Golden Gun est aussi incroyablement haute en couleurs. C'est un exemple parfait de ce qui fait l'étrangeté de GoldenEye, de ce qui le distingue des autres, de sa capacité à innover sur le plan esthétique. Tout comme le paintball, l'IA de Natalya ou le côté ridicule de l'attaque "karaté", le passage du Golden Gun fait partie de l'identité et du caractère très prononcés du jeu. La personnalité du jeu réside aussi dans ses défauts.

Il y a des glitches, des erreurs, et pas mal de moments incompréhensibles, mais au fil du temps - et même à l'époque - ils sont devenus l'une des raisons pour lesquelles je garde (comme tant d'autres) un aussi bon souvenir de GoldenEye. Ce jeu n'est pas parfait, mais ses imperfections sont uniques et attendrissantes, voire souvent drôles. On ne l'adore pas malgré ses lacunes mais grâce à elles. C'est aussi ce qui fait que le jeu a parfois l'air d'un ami.

Mais au final, la séquence du Golden Gun montre aussi à quel point les jeux vidéo et moi avons vieilli. Le jeu n'offre aucun indice concernant l'énigme des carreaux à parcourir dans un certain ordre. Rien ni personne ne vous aide - il n'y a qu'en échouant et en recommençant que vous parviendrez à ouvrir cette satanée vitrine. Les jeux modernes ne tolèrent plus une telle opacité. Aujourd'hui, tout est intelligible, explicite, prémâché. Quand je vois le puzzle du Golden Gun, je me demande ce qui nous passait par la tête, nous autres joueurs ou designers de jeux. Je me demande si l'héritage de GoldenEye survivra à une génération de consoles supplémentaire. Et je me demande où sont passées les 18 dernières années.