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Musique

Fêtes illégales et campagne profonde : un aperçu des premières raves

Mattko nous a parlé de son livre, qui recense des photographies festives prises dans le Royaume-Uni des années 1990.

(Photo : Moss Side Carnival, 1989. Toutes les photos sont de Matt Smith.) Le 1 er mai 1994, Mattko (de son vrai nom Matthew Smith) et ses amis ont transporté un sound system d'une valeur de 10 000 dollars de Bristol à Londres. Ils devaient jouer à Trafalgar Square, dans le cadre d'une grande manifestation contre le Criminal Justice Act. Cette législation avait été notamment motivée par l'envie des dirigeants d'endiguer la scène rave, qui n'avait de cesse de séduire la jeunesse britannique. « Ce moment a changé ma vie, déclare Mattko. J'ai vu à quel point la musique pouvait unir et permettre de rassembler une communauté. » Le 1er mai prochain, Mattko sortira Exist to Resist – un livre de photos et d'essais documentant les fêtes et les manifestations qui ont eu lieu entre 1989 et 1997. « J'avais envie de témoigner sur cette scène, et de montrer la réalité telle qu'elle est – souvent à rebours de la représentation que s'en font les hommes politiques et les médias mainstream. » Depuis le lancement de son Kickstarter, Mattko a largement récolté de quoi faire publier son bouquin – voici ce qu'il avait à dire sur le sujet.

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Une manifestation contre le Criminal Justice Act, en 1994

VICE : C'est difficile d'imaginer une époque où les appareils photo n'étaient pas omniprésents – mais tu précises qu'il était très rare d'en voir à la fin des années 1980 et au début des années 1990.
Mattko : Cette scène existait depuis plusieurs années avant que je ne la découvre. Et durant cette époque, cette communauté était persécutée par les autorités et les médias. En conséquence, les gens avaient souvent peur des appareils photo et des personnes qui les utilisaient – ils craignaient d'avoir affaire à des journalistes ou des flics infiltrés. Quels sont tes meilleurs souvenirs de l'époque, et les plus représentatifs de la scène rave à tes yeux ?
Je me souviens d'une fois où on a été invité à faire la fête au Pays de Galles. Quand on est arrivé sur place, on a vu que l'endroit n'était pas du tout adapté ; il y avait des maisons juste à côté et aucun parking pour se garer. Des gens du coin nous ont orientés vers une autre fête, laquelle devait se dérouler dans une forêt des Black Mountains. L'un de ces types a embarqué dans notre camion et nous a fait office de fixeur. Au cours du voyage, de plus en plus de voitures nous ont suivis, jusqu'à ce qu'il y ait un convoi immense derrière nous. Je me rappelle m'être dit « J'espère qu'on ne va pas trop attirer l'attention », alors qu'on se frayait un chemin sur les petites routes de la campagne galloise à 80 km/h. Au beau milieu de la nuit, on a fini par repérer des lumières. On est tombé sur un petit sentier qu'on a suivi, avant de tomber sur ce qu'on pensait être l'entrée du lieu. Je me suis garé près d'un portail, et un mec s'est précipité à sa fenêtre en hurlant et en gesticulant comme un fou. J'ai éteint le moteur et l'ai gratifié de mon plus beau sourire, avant de lui dire : « Coucou ! On est là pour la fête ! » Il est devenu tout rouge et s'est remis à hurler, visiblement furieux : « Qu'est-ce que vous foutez ? Vous n'avez pas le droit de vous garer ici ! » On a fini par découvrir qu'on avait fait irruption dans la première édition du festival Big Chill. Il nous a bien fallu une heure pour faire sortir tout le monde et trouver le bon chemin – puis on a fait la fête pendant deux jours.

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Un festival à Somerset, 1995

Selon toi, en quoi les raves et la résistance politique peuvent-elles être liées ?
Les raves sont devenues politiques quand elles sont devenues illégales. Le gouvernement a expressément créé des lois pour les réprimer. D'une certaine manière, ça n'a fait que les rendre plus attractives. Il n'y a pas de rébellion sans entité contre laquelle se rebeller. En transformant cette expérience positive en activité criminelle, le gouvernement s'est octroyé le droit d'envahir la vie des autres. À mes yeux, le fait de penser de manière totalement indépendante – et agir pour la bonne cause – est une forme de résistance. Et contrairement à certaines idées reçues, j'estime que le fait de s'enfiler de la kétamine au point de ne pas pouvoir parler, danser ou communiquer n'a rien d'un acte résistant.

Notting Hill Carnival, 1989

Les raves rassemblaient beaucoup de gens de différents groupes sociaux. Peut-être que c'est justement ce qui faisait leur force ?
Les gens s'unissaient pour passer du bon temps. Cette législation a affecté tout le monde – des fans de football aux danseurs de Morris. À ce titre, les libertés individuelles de l'intégralité de la population du pays s'en sont vues accablées. Les raves et les festivals permettaient de rassembler des gens de différentes ethnies et sous-cultures.

Aujourd'hui, on voit toujours des fêtes et des manifestations massives. Qu'en pensez-vous, après 30 ans passés au sein de la scène rave ?
L'autre jour, j'ai entendu à la radio que 5 % de la population avait fait l'acquisition de tickets pour aller à Glastonbury. 5 % ! Ça fait un nombre considérable de gens. Et ces gens peuvent avoir un effet direct sur la démocratie et créer un mouvement pour exiger des changements politiques. J'estime que les gens peuvent changer la direction politique du pays grâce à leurs choix culturels. C'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement a autant cherché à les contrôler. Au cours de ma vie, j'ai pu constater que les notions politiques de droite, de gauche et du centre étaient devenues redondantes. Tout ça n'est qu'un écran de fumée qui sert à nous diviser pour mieux régner. Nous devons réévaluer la nature de notre démocratie et trouver quelque chose de plus adapté. Mais je pourrais résumer cette pensée à trois mots : exister pour résister.

Vous pouvez soutenir le projet de Mattko ici.