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Abolissons l’eau embouteillée

C'est aussi fou que de vendre de l'air embouteillé.
Image : Flickr/Keoni Cabral

L'article original a été publié sur Motherboard.

L'eau embouteillée est une arnaque. C'est aussi fou que de vendre de l'air embouteillé, mais, après quelques décennies de commercialisation, un instinct absurde nous pousse parfois à saisir une bonne bouteille de Dasani quand on a la bouche sèche et la tête chauffée par le soleil. Ce n'est pas de l'eau, c'est de l'Eau!

L'eau embouteillée au Canada vient en grande partie des aquifères situés près des Grands Lacs, où elle est pompée pour la modique somme de 3,71 $ le million de litres par des compagnies qui la revendent ensuite en réalisant des profits colossaux. Dans un pays où des communautés des Premières Nations sont contraintes de faire bouillir leur eau depuis des décennies ou d'attendre l'eau livrée par camions. Naturellement de l'eau de Nestlé ou d'autres entreprises.

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Des politiciens et des militants demandent une augmentation du prix réclamé aux entreprises pour puiser l'eau des sources municipales, mais des experts estiment que ce ne serait pas suffisant. Il faudrait plutôt tout simplement interdire à quiconque de puiser de l'eau pour la changer en profit.

« Ce n'est pas parce que l'eau appartient à tous que Nestlé ou Coca-Cola peuvent la pomper pour la vendre. On devrait accorder des permis d'exploitation de l'eau pour l'ajouter à un produit, et non pour que l'eau soit le produit », estime Stephen Scharper, professeur au programme de développement durable de l'Université de Toronto. « En d'entre mots, ce serait une abolition graduelle de la vente d'eau embouteillée. »

Dans un rapport publié cette année, Harden Environmental Services, une d'analyse des eaux souterraines, a conclu que « l'eau puisée par Nestlé entraîne une dépressurisation » de l'aquifère exploité, ce qui peut changer les puits et fosses septiques des environs en canaux de contaminants d'autres régions pour remplir le vide créé.

Surtout, nous courrons le risque de manquer d'eau. La NASA a publié des données l'an dernier qui montrent qu'« environ un tiers des plus grands réservoirs d'eau souterraine de la Terre s'épuisent rapidement à cause de la consommation humaine. » Avec le réchauffement climatique qui amplifie les sécheresses partout dans le monde, ces réserves d'eau pourraient s'avérer bientôt vitales.

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Par ailleurs, n'oublions pas que l'eau en bouteille n'est pas meilleure que l'eau du robinet dans les pays où le gouvernement a mis en place des réseaux d'aqueduc efficaces : elle est même parfois de moins bonne qualité. En 1999, l'ONG Natural Resources Defence Council a publié un rapport indiquant que 25 % de l'eau en bouteille n'avait rien de différent de l'eau du robinet. En 2006, un test effectué par la ville de Cleveland a montré que l'eau en bouteille de la marque Fiji contenait de l'arsenic. En 2008, l'Environmental Working Group a aussi constaté que l'eau embouteillée de plusieurs marques ne se distinguait en rien de l'eau du robinet, et dans certains cas dépassait les seuils de contaminants fixés par les autorités.

« Pas besoin d'intermédiaires du secteur privé. »

Les municipalités sont tenues par la loi de publier des rapports annuels de la qualité de l'eau distribuée à la population. Les entreprises qui vendent de l'eau sont, elles, surveillées par des organismes de protections des consommateurs, et non des agences environnementales. Si beaucoup des entreprises publient des rapports sur la qualité de leur eau, des critiques soulignent que ces entreprises ne sont pas soumises aux mêmes standards que les municipalités. L'industrie se surveille elle-même.

L'un des arguments contre l'abolition de l'eau en bouteille, c'est qu'on a besoin de réserves d'eau portatives. Par exemple, des communautés des Premières Nations dépendent d'eau en bouteille d'ici à ce que les problèmes d'acheminement d'eau potable soient réglés. Mais, selon Stephen Scharper, il n'y a rien qui empêche le gouvernement de jouer ce rôle.

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« Même s'il y a un bris d'aqueduc, il n'est pas nécessaire que des entreprises saisissent cette opportunité de faire des profits. Le gouvernement a le devoir de s'assurer que les droits de la personne sont respectés. De la même façon, il peut s'assurer que de fournir de l'eau d'une source municipale. Pas besoin d'intermédiaires du secteur privé. »

Nous avons déjà eu à prendre des décisions difficiles semblables. Par exemple, en dépit de sa grande utilisation, de nombreux pays ont banni l'amiante après des décennies d'études sur ces effets sur la santé. Cette année, Paris a interdit la circulation de tous les véhicules produits avant 1997 dans le jour, en semaine, afin de lutter contre la pollution.

Et certaines villes ont déjà commencé à éliminer l'eau en bouteille. En 2009, Bundanoon, en Australie, a totalement banni les bouteilles d'eau. En 2014, San Francisco a décidé d'interdire l'eau embouteillée dans les lieux publics. Bref, c'est possible. Il ne suffit que de motivation et de volonté politique.

Alors, oui, abolissons l'eau embouteillée.

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