L'Europe en trains de marchandises, par les 4TH

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L'Europe en trains de marchandises, par les 4TH

Une épopée au cœur du vieux continent avec des clopes et pas de blé

Les 4TH sont quatre jeunes parisiens qui se sont récemment mis en tête de tracer dans toute l'Europe en trains de marchandises avec pour budget un truc comme 0 euro. Pendant qu'ils glandaient sans trop savoir où ils allaient – le plus souvent, au nord de la Belgique et aux Pays-Bas – ils ont filmé et pris des photos de leurs pérégrinations dans le continent, au milieu de l'herbe, des friches et des mecs bizarres prêts à les emmerder pour rien.

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Aujourd'hui, ils exposent les photos issues de ce voyage à la Flaq, jusqu'au 8 mai prochain. On les voit en train de fumer, de tagger et de s'emmerder, coincés dans des wagons minuscules qui sentent la suie et le fer. En attendant de retrouver ces images dans un bouquin qui devrait sortir prochainement – manifestez-vous, les maisons d'édition – ils nous en ont filé quelques unes, à la coule. Et ils ont répondu à nos questions de mecs qui ne sont jamais partis à l'aventure de leur vie.

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VICE : Salut les mecs. C'est quoi 4TH ?

Dim : 4TH c'est pour « The 4th Dimension ». C'est notre collectif, on est quatre dedans : Jack Tezam, Dim Jehosaphaat, Woody Van Tassel et Tendo Chan. On a créé notre quatrième dimension, un monde parallèle, une sorte de terrain de jeu où personne ne peut nous dire ce qu'on doit faire. C'est un club d'aventures, si on veut. Les voyages nous permettent d’imprégner nos travaux de nouvelles inspirations.

Jack : L'expo « Procession » se tiendra à la galerie Flaq jusqu'au 8 mai ; elle retrace nos voyages en trains de marchandises à travers l'Europe. Même si pour l'instant on galère un peu à quitter la France et le Bénélux… on y arrivera maintenant, on a la carte du réseau.

Pourquoi vous avez eu l'idée de partir en utilisant les trains de marchandises comme unique moyen de transport ?

Tendo : Le point de départ, ça a été ma rencontre avec une clique de semi-hobos à Astoria. Des mecs tatoués au visage, et qui vivaient d'une manière assez cool. Je me suis demandé pourquoi on n'avait pas ça en France. Du coup, on a étudié la question, puis on est passés à l'acte – c'est devenu une addiction.

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Jack : Ça fait quelque temps qu'on fait du stop un peu partout dans le monde déjà, et je me souviens que Tendo nous avait parlé de ce truc. Ça avait à voir avec cette idée d’aventure et de recherche de « voyages alternatifs », si on veut – on est tous complètement fauchés. C'est un peu une suite logique à notre mode de vie d'avant, finalement.

Dim : Pour être franc, les zones urbaines et la vie sédentaire sont des carcans si délicieusement angoissants que je ne le quitterais pour rien au monde. Mais les bouffées d'air pleines de suie qu'on peut aspirer en se perdant sur la route, ça n'a rien de comparable.

Où vous êtes-vous arrêtés et au total combien de temps vous êtes restés à vagabonder ?

Jack : En général on s'arrête dans des dépôts paumés au milieu de nulle part, des endroits vraiment bizarres. On se ballade au hasard quelques jours avant de reprendre un « fret ». Ça fait presque un an et demi qu'on monte sur les trains quand on a le temps, entre deux jobs.

Tendo : On s'est retrouvés bloqués à plusieurs reprises dans un dépôt maudit en Belgique, une sorte de triangle des Bermudes local – impossible d'en repartir. Une semaine de galère mais c'est aussi là-bas qu'on a découvert des friches industrielles monumentales.

Woody : Sans vouloir fanfaronner, on a aussi envie d'asseoir une part de souveraineté sur ce type de voyages à travers l'Europe ; on souhaite créer nos codes, laisser nos marques. Les Road Dogs seront sur la route à vagabonder pour longtemps encore.

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Je vois. Où avez-vous dormi et que faisiez-vous dans ces lieux que vous ne connaissiez pas ?

Jack : On essaie de dormir à l'abri du froid et de l'humidité, dans de vieux wagons, des usines en friches ou des maisons abandonnées. Quand on arrive dans un nouvel endroit, on cherche de l'eau potable et de quoi se laver un peu.

Tendo : Une fois, dans une station thermale en ruines, alors qu'on faisait la sieste dans le réfectoire, le plafond de la salle d'en face s'est effondré sous nos yeux, à cause d'une meute de chats errants qui squattait l'étage du dessus.

Jack : Ça a été bref, mais le temps d'un regard autour de nous pour vérifier qu'on était toujours là et on était repartis.

Aux États-Unis, les voyages en trains de marchandises sont relativement courants et connus à travers la culture « Hobos ». C'est peu le cas en Europe et notamment en France. Pourquoi, d'après vous ?

Dim : Je pense que les vastes étendues de nature américaines ont toujours connues les vagabons et autres explorateurs en quête d'aventure ; c'est aussi le berceau du train hopping comme de beaucoup d'autres trucs qui nous influencent chaque jour. Importer ce truc – même avant que l'on rencontre de vrais hobos – devait sûrement trainer dans un coin de nos têtes depuis un long moment. Seulement ici, il faut être plus téméraire…

Jack : Ouais, ici c'est super dangereux et quasi impossible de savoir où le train va t'amener. Il faut avoir envie de se perdre.

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Woody : En Europe, les frets circulent pour la plupart sur des voies électriques. Ils vont aussi plus vite et sont moins accessibles qu'aux États-Unis. Puis il faut faire attention aux caténaires, surtout quand il pleut.

Tendo : Du coup, ca relève beaucoup plus de la mission commando que de la ballade folk, type épis de maïs entre les dents.

J'imagine que dans ce genre de voyages, on est amené à faire face à certains imprévus ou croiser des marginaux chelou.

Tendo : Passé les crackheads et autres zombies des banlieues, notre plus grosse préoccupation, c'était d'éviter de rentrer dans une usine pétrochimique ou d'être à court de beurre de cacahuète.

Jack : Une fois sur un wagon citerne, alors qu'on était cachés derrière nos sacs à dos dans un renfoncement, un cheminot s'est approché et a commencé à nous taper dessus avec un bâton ; il pensait qu'on était un tas d'ordure coincé là, et il cherchait à le déloger. Quand il a fini par comprendre qu'on était pas vraiment des sacs poubelles, on a profité de l'effet de surprise pour se faire la male.

Vous comptez repartir en vadrouille bientôt ?

Jack : Au moment où vous lirez ça, on sera certainement sur un train.

On espère pour vous. Et à part les trains, qu'est-ce que vous comptez faire prochainement ?

Woody : Le collectif suit son train de vie. On bosse sur différents projets qui seront à découvrir au fur et à mesure sur notre site internet. Pour l'actu immédiate, comme on l'a déjà dit, on vient de faire le vernissage de notre expo à la galerie Flaq ; ça amorce le projet « Road Dogs », un recueil / manuel qui regroupe photos, anecdotes, illustrations. On voudrait accompagner ce livre d'un court métrage à partir des images qu'on a tournées sur la route.

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Dim : L'idée, c'est de motiver une potentielle maison d'édition.

Tendo : Même si pour l'instant, on les fait plus flipper qu'autre chose !

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