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Culture

Braveheart et le coffret Jean Epstein sont les seuls DVDs que vous devriez acheter ce mois-ci

Les mecs du Cinéma est Mort commentent les sorties DVD du mois de juin.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-Ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-Ray « que c'est pas la peine ».

BRAVEHEART, COFFRET 20e ANNIVERSAIRE
Réalisateur : Mel Gibson
Éditeur : Fox, sortie le 30 juin 2014

Mel Gibson est un fou furieux comme il en existe trop peu dans le cinéma d'aujourd'hui. Des petits génies de la caméra, on en a plein, et les metteurs en scènes cinéphiles déballant leurs goûts, bons ou mauvais, courent les rues d'Hollywood avides d'y déposer à leur tour leurs petites crottes. Désormais les Auteurs veulent faire carrière et le cinéma est devenu désespérément raisonnable. Mel Gibson, lui, est un cinéaste fou doublé d'un metteur en scène de génie qui donne dans l'épique, bercé par les monstres, les cauchemars, les cadavres et le sang qui gicle.

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Braveheart, son second long-métrage sorti il y a vingt ans, respecte la trame Mel-Gibsonienne classique : l'être cher disparaît (ici sa femme, qui se fait trancher la gorge) et Mel Gibson déchaîne les enfers pour soulager sa colère. Un chemin de croix qui lui permet au passage de se faire beaucoup de mal, comme c'était déjà le cas pour les personnages Max dans Mad Max et Martin Riggs dans L'Arme Fatale.

Revoir William Wallace défourailler de l'Anglais sans répit trois heures durant est un plaisir que même la présence de Sophie Marceau ne peut gâcher. Un spectacle et une manière de le filmer qui n'en finissent pas d'inspirer la moindre séquence d'affrontement depuis vingt ans.

Outre des documentaires inédits où l'on essaie de nous faire croire que Braveheart serait une « reconstitution historique », la nouvelle édition Blu-Ray propose aussi une présentation du film par Mel Gibson en personne, que je suis impatient de voir (portera-t-il sa superbe barbe arborée lors du dernier Festival de Cannes ?) ainsi que le très surprenant making-of et son commentaire audio qui permettent de prendre un peu plus la mesure du talent et de la maîtrise de cet élève de Georges Miller, Peter Weir et Richard Donner. Il oscille entre souvenirs de tournage (il brûlait les décors dès qu'il en avait l'occasion), fierté (il pulvérise le record d'hommes enflammés dans une scène), inspirations (Kubrick, Welles, les matchs de football américain) et regrets (des plans de la séquence finale supprimés parce qu'ils étaient jugés « trop dégueulasses »).

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S'il est encore encombré par la figure christique, son film suivant, La Passion du Christ, torture-porn à l'époque où les Romains punaisaient les hippies sur des croix, a l'intérêt de l'avoir libéré de ce fardeau pour qu'il puisse enfin nous offrir son chef-d'œuvre en 2006, Apocalypto. Aujourd'hui, on attend son futur projet vraisemblablement sensationnel : un film de Vikings, annoncé depuis plus de quatre ans.

Segal, le réalisateur de Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ?, n'a plus aucun don pour la comédie et s'attaque tout de même à un concept casse-gueule, à savoir la rencontre de Rocky et de Raging Bull, où deux acteurs – Sylvester Stallone et Robert De Niro, donc – vont une nouvelle fois miser sur leurs gloires passées pour amuser leurs producteurs. Un combat avec un net désavantage pour De Niro qui donne des coups de pelle à tout va pour creuser sa tombe, quitte à me faire oublier qu'il a tourné avec Leone, Kazan, Cimino, Coppola, et l'un des rares bons films de Scorsese, Taxi Driver.

Fatigué, son unique moue figée sur le visage me rappelle que, dans Copland, il se faisait déjà éclipser par Stallone. Puis par Dustin Hoffman, dans Meet the Fockers. Et qu'il n'a rien fait de notable depuis Heat, il y a vingt ans. Et qu'il a quand même été président du jury à Cannes l'année dernière – juste après avoir tourné avec Luc Besson.

Heureusement, le cadavre de Stallone attire beaucoup plus ma sympathie, et le souvenir de son joli diptyque Rocky Balboa / John Rambo il y a peu – tant pétri d'émotions qu'on dirait qu'elles sont vraies pour l'un, ornés d'une magnifique boucherie pour l'autre – laisse beaucoup plus de place à l'indulgence en ce qui le concerne. En attendant sa confrontation avec Mel Gibson.

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MEA CULPA
Réalisateur : Fred Cavayé
Éditeur : Gaumont Vidéo, sortie le 5 juin 2014

Le cinéma de genre français n'en finit pas de mourir. D'un côté, des cinéastes de plus en plus cinéphiles qui savent exactement ce que l'on attend d'eux et clament leurs intentions de nous l'offrir ; de l'autre, des critiques spécialisés désireux de soutenir un renouveau du cinéma de genre hexagonal pour se rendre compte que si les intentions des petits soldats sont louables, l'exécution, elle, est toujours lamentable. Du cinéma qu'on aurait pourtant envie d'aimer, mais c'est pas possible. Faut bien dire que chaque entretien occasionné par la sortie des films de Laugier, Boukhrief, Kounen ou l'inénarrable Christophe Gans, donne tous envie de prendre les armes. Tout ça pue l'amour du cinéma, l'envie de bien faire, et le militantisme partagé entre critique et praticien pour le retour d'un « cinéma populaire exigeant et généreux ». En gros ça donne envie de bouffer du Christophe Honoré au p'tit dèj. Mais voilà, après on va voir La Belle et la bête, et on se dit que la cinéphilie c'est vraiment la plaie du cinéma.

Fred Cavayé est l'un des nouveaux petits soldats de cette bataille qu'on essaie de nous vendre comme du Henri Verneuil 2.0. Ce mois ci sort en DVD son nouveau film Mea Culpa, qui va probablement cartonner puisque ce genre de film trouve toujours son public en vidéo ou à la télé (ce fut par ailleurs le cas de Nid de guêpes de Siri ou Le Convoyeur de Boukhrief, les deux seuls bons films de cette nouvelle vague de thrillers d'action français).

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Sauf que, ne vous y trompez pas, Mea Culpa est nul. Ça se voudrait un polar d'action sec comme un coup de trique, mais ça se perd dans un scénario qui change d'enjeux toutes les 20 minutes (notamment cette fusillade dans la discothèque initié par des bad guys dont on nous avait pourtant bien expliqué que l'obsession était « de ne surtout laisser aucun témoin ») et une caractérisation psychologique hyper lourde. Sur ce dernier point, pas de doute, on voit d'où ça vient : ce cher Olivier j'ai-été-flic-je-sais-de-quoi-je-parle Marchal et sa lutte contre « l'aseptisation du genre policier par la télé française ». Pour contrer Julie Lescaut, on met en scène des flics avec des FÊLURES qui ont des problèmes avec leur HIÉRARCHIE, des mecs badass mais avec un cœur qui saigne.

Du rêve de pur actioner clamé ici et là en interview ne subsiste qu'un alignement de clichés et de facilités narratives. Alors oui, les scènes d'action – aussi invraisemblables soient-elles – ne sont pas dégueulasses, mais quand on essaie de nous vendre un film sans gras alors que devant nous se déploie un récit relativement complexe (flashbacks, plein de personnages, nombreux enjeux), on se rappelle que dans certains plats c'est chouette de conserver un peu de gras sinon c'est pas mangeable.

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LA GRANDE AVENTURE LÉGO
Réalisateurs : Phil Lord et Christopher Miller
Éditeur : Warner, sortie le 25 juin 2014

Après les Transformers, les GI Joe, le touché-coulé (Battleship), l'attraction foraine (Pirates des Caraïbes), et en attendant le jeu de société Monopoly (véridique), La Grande aventure Lego est le dernier film publicitaire payant en date. Rien de bien nouveau sous le soleil, le cynisme mercantile fait partie de l'ADN d'Hollywood et a déjà abouti sur un paquet de chefs-d'œuvre. Mais là, les Legos, sur le papier, ça fout les jetons.

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Comme beaucoup de morveux, j'ai adoré jouer avec les petites briques danoises quand j'étais jeune dans le dernier tiers du XXe siècle (jusqu'à ce que je commence à accoupler ces petits bonshommes les uns avec les autres, en ressentant comme une étrange chaleur). Désormais, la marque semble vouloir encercler l'imaginaire des bambinous en investissant plusieurs univers sous licences (Harry Potter, Star Wars, Le Seigneur des anneaux, DC Comics, etc.)

Mais comme je suis fidèle à mes amours de jeunesse, j'ai quand même regardé le film, et à ma grande surprise c'est vraiment pas fait par-dessus la jambe. C'est très drôle, enlevé, le ride fonctionne à fond, le déluge de références est soigné et il y a même la place pour une petite larme en fin de métrage. « Enfin un blockbuster fun, cool et pas trop mal réalisé », me dis-je à l'issue de la projection. Oui, mais quelque chose clochait.

En apparence tout va bien, un peu trop même. Le film raconte le combat entre une vision des Lego collectionneuse, maniaque, stérile et sclérosée (Lord Business, le bad guy qui veut fixer à tout jamais le monde des Lego à la super glue/le papa collectionneur de Légo) et une vision imaginative, émotionnelle et généreuse (Emmet l'élu et ses acolytes rencontrés au fil de l'aventure/le morveux qui voudrait bien faire sien les jouets de son attardé de papa). Soit l'éternel combat de la liberté contre l'ordre établi.

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Mais la grosse malhonnêteté du film, c'est que dans La Grande aventure Lego, tout est préexistant. Le héros conformiste que l'on voit au début suivre obstinément les modes d'emploi est censé apprendre au fil du film à s'en départir pour construire des choses inédites n'existant que dans son imagination. Et quel est  son premier réel coup d'éclat ? Créer un Transformers. Voilà le lot de ce genre de films incapables de filmer autre chose que quelque chose qui est déjà du cinéma. Un peu triste comme déclaration d'amour à l'imagination.

COFFRET JEAN EPSTEIN
Réalisateur : Jean Epstein
Éditeur : Potemkine, sortie le 8 juin 2014

Le cinéma c'était mieux avant, surtout en ce moment. Les éditions Potemkine sortent leur coffret Jean Epstein, légendaire pionnier du cinéma français, théoricien hors pair, et expérimentateur fou. Au menu : 14 films réalisés entre 1924 et 1948 et plein de chouettes bonus – dont un où Bruno Dumont a presque l'air sympa. Une bonne occasion de se rendre compte du bouillonnement créatif des pionniers du cinéma, ceux qui se rendaient compte qu'ils avaient entre les mains un outil génial et s'évertuaient à le prouver à une intelligentsia qui n'y voyait qu'une attraction promise à une disparition certaine.

Point d'orgue de sa carrière sur ce point, 1928, année de sortie de La chute de la maison Usher. Les possibilités expressives de la caméra y sont poussées à leur maximum. Le monsieur n'aurait eu qu'à continuer et il serait devenu une sorte de Gaspar Noé de l'avant-guerre. Le truc, c'est qu'il éprouve à ce moment-là le besoin de faire un point sur sa carrière et file se mettre au vert au bout du monde de la France, à Ouessant, la plus belle île du monde (je sais de quoi je parle, j'en ai visité trois ou quatre). Traumatisé par la beauté de l'île et de ses habitants, par leur douce rudesse et par tout un tas d'autres oxymores, sa vision du cinéma s'en retrouve chamboulée. Comment, après un tel choc, continuer de croire que c'est en faisant joujou avec sa caméra dans des studios parisiens que l'on va explorer tout le potentiel expressif du cinéma alors même que toute cette puissance est déjà là, sous ses yeux, dans la Nature et sur les visages des Hommes ? Son œuvre jusqu'alors très formelle connut alors un virage naturaliste et mystique qui donna – entre autres – une série de chef d'œuvres tournés dans les îles bretonnes. Exit Gaspar Noé ; en termes de cinéma extrême, on est désormais plus du côté de Bruno Dumont.

Bon, il faut bien l'avouer j'ai quand même trouvé les films précédant ce revirement esthétique un peu chiants, ça manque peut-être de gunfights et de scènes érotiques, mais ceux qui suivent (regroupés à part dans un double DVD intitulé « Poèmes bretons ») sont sidérants.