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Je ne me suis jamais masturbé et je me porte très bien

Même pour les plus ouverts d'esprit, je suis la chute de cette vieille boutade : « 98 % des gens se masturbent, les 2 % restants sont des menteurs. »

Photo : Woodley Wonder Works via Flickr

Je ne vois mon foutre que très rarement. Mes rêves érotiques sont toujours assez formels, le visage de ma partenaire toujours vague, comme une aquarelle. Dans mon rêve, je dis toujours des choses comme « merci d'être venue », tandis que mes mains effleurent son corps éthéré. Elle me répond : « Je suis heureuse d'être ici, j'aime être ici ». Puis un téton brûlant entre dans mon champ de vision comme une étoile filante, et je le palpe doucement. Je me réveille dans l'humidité matinale de Floride, mes draps complètement trempés.

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Mon corps le fait vite et inconsciemment, mais pour moi, ces éruptions nocturnes sont souvent les seules dont mon corps bénéficie. Parce qu'en 21 ans de vie sur Terre, je ne me suis jamais masturbé.

La plupart des gens trouvent ça déroutant : la masturbation c'est naturel ! Tu vas devenir bloqué si tu balances pas la sauce de temps en temps ! D'autres voient encore ça comme un acte de résistance, comme si ne pas se masturber était un exploit. Même pour les plus ouverts d'esprit, je suis la chute de cette vieille boutade : « 98 % des gens se masturbent, les 2 % restants sont des menteurs. »

Ce n'est pas que je n'y aie jamais pensé, mais je n'en ai tout simplement jamais ressenti le besoin. Je suis peut-être le seul homme en vie à ne s'être jamais touché. Ceci dit, il y a de nombreuses choses que je n'ai jamais touchées – une Audi R8 coupée, un caribou, ou un authentique bagel new-yorkais. Sans vouloir trop me prendre au sérieux, il y a une infinité de choses plus intéressantes que de passer du temps seul avec sa bite à la main.

Quel type n'a pas d'anecdote sur la première fois qu'il a réalisé qu'il pouvait se frotter le gland jusqu'à l'orgasme, telle une lampe magique ? La masturbation est un moment clé en grandissant, puis ça devient une habitude qui peut empêcher d'avoir le cancer, ou du moins de perdre les pédales. La mort et la masturbation sont les inévitables tabous qui sous-tendent l'art et la vie.

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L'excitation sexuelle, c'est comme l'esprit saint. J'ai vu des gens chanter ses louanges et pleurer sur l'autel de l'affection – mais j'ai toujours trouvé ça un peu ridicule.

La masturbation, c'est comme appartenir à un club secret. Tout le monde sait ce qu'il se passe, donc personne n'a besoin d'en parler explicitement. Il y a un épisode de la série Seinfeld dans lequel George Costanza s'assoit à table et confie à Jerry Seinfeld que sa mère l'a grillé.

« En train de faire quoi ? » demande Jerry.

George fait la grimace et répond : « Tu sais bien… »

[Rires enregistrés] On sait tous. Ces sous-entendus nous lient les uns aux autres. Dans ma ville natale de Talahassee comme en Azerbaïdjan, au beau milieu de la jungle urbaine ou perdu dans les steppes désertiques, il y a des pantalons baissés sur des chevilles et des gens qui font l'amour à leur main. Et le monde en a besoin. Sans la masturbation et l'attente du prochain épisode de True Detective, le sang coulerait à flots dans les rues.

Sauf que je n'ai jamais récupéré le mot de passe pour faire partie de ce club. Ces moments pubères où l'on découvre les délices de l'anatomie masculine ne se sont jamais présentés à moi.

L'excitation sexuelle, c'est comme l'esprit saint. J'ai vu des gens chanter ses louanges, pleurer sur l'autel de l'affection – mais j'ai toujours trouvé ça un peu ridicule. J'ai eu une éducation catholique, et, avant ma première confession, on m'a donné une feuille de route pour gérer mes péchés. Les plus communs étaient cités comme suit :

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J'AI DÉSOBÉI À MES PARENTS

J'AI DIT LE NOM DU SEIGNEUR EN VAIN

JE ME SUIS MASTURBÉ

J'ai inscrit un point d'interrogation à côté de « masturbation » et rendu la feuille de route au Père Ennis. Je ne savais réellement pas de quoi il s'agissait. Il pensait que je faisais le malin : du coup, je devais toujours faire pénitence plus que les autres, et ma famille me laissait toujours sur le banc à répéter sur commande des « Je vous salue Marie », jusqu'à ce qu'ils perdent tout leur sens.

Photo : WoodleyWonderWorks via Flickr

Ayant été témoin de toute la frénésie que la masturbation pouvait susciter au lycée (pour des jeunes hommes, c'est un sujet qui est évoqué au bout de deux minutes de conversation), j'ai décidé de tenter le coup quand j'étais encore lycéen. Enduit de crème hydratante, mon pénis a fini par ressembler à un objet d'art contemporain, à mi-chemin entre une sculpture abstraite et une performance impliquant de la crème fouettée. L'exercice m'a semblé complètement absurde. Qu'étais-je censé faire avec ? Me plonger dans un état second, fantasmer sur une beauté nue ou encore inventer des moments qui n'existent pas me paraissait ridicule. J'ai donc abandonné.

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La première fois que j'ai joui en étant éveillé, c'était à l'intérieur de mon ex-petite amie. Elle m'a dépucelée quand j'avais 20 ans, après une soirée. Quand j'ai joui, elle a joui également ; c'était un échange consenti de fluides corporels. Je suis passé en mode veille pendant 15 minutes, en dégustant la complexité de ce que je venais de vivre comme un œnologue novice à une dégustation. L'orgasme m'a paru naturel, normal – presque banal. C'est pour ce truc que des hommes s'entre-tuent ?

Le sexe est devenu une chose habituelle. Après avoir joui, je retrouvais mon état de gaucherie habituel – j'ai toujours été un peu mal à l'aise dans des moments de convivialité, même avec des proches. Mais ma copine m'a dit que j'étais une personne différente au lit. Elle a dit que j'étais son meilleur amant. Je me suis senti fier et imposant. Peut-être que c'est ça, être un homme adulte.

Quand on s'est séparés, on s'est dit que notre amitié valait le coup d'être poursuivie. Mais j'ai fini par perdre contact avec elle. Elle m'a dit qu'elle n'arriverait pas à être amie avec une personne qui la connaissait autant – les orgasmes ont tendance à compliquer les choses. Et elle ne m'a plus jamais parlé.

Quand je pense à elle, je pense à ces journées passées à nous étendre dans des draps souillés, étonnés de nos propres orgasmes. Et c'est peut-être ça qui fait les masturbeurs : rester la queue à la main, à courir après ses souvenirs.

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