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Marc : Dans mon ancienne prison, des complices parachutaient des téléphones emballés dans des balles de tennis par-dessus les clôtures de la cour de promenade. Il nous suffisait ensuite de les ramasser. On se les passait aussi d'une cellule à l'autre. Là où je suis actuellement, c'est plus compliqué. Je fais appel à des mules – c'est-à-dire des potes qui planquent le téléphone dans leur anus et me le ramène au parloir. Les visiteurs ne se font généralement pas fouiller, ce n'est pas aussi systématique qu'on peut l'imaginer.
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Il existe plein de combines. Personnellement, je m'organise avec d'autres détenus pour qu'ils le planquent dans leur cellule à tour de rôle. Ensuite, je les remercie en leur fourguant un peu d'herbe. Il m'arrive aussi de le cacher derrière la fenêtre de ma cellule à l'aide des clés qu'on réussi à piquer aux matons. Pour ne pas me faire choper avec mon téléphone, je change de puce régulièrement. Elle est rechargée à distance par des gens à l'extérieur. On cache aussi des Xbox et des télévisions. Il y a de nombreuses manières de passer à la trappe et on peut faire rentrer quasiment n'importe quoi en prison quand on a suffisamment d'argent – au cachot, tout se monnaye.Je n'ai jamais été pris la main dans le sac ni même été rappelé à l'ordre. Et puis, si je me fais attraper, je risque quoi ? Un rappel à la loi, une fouille générale – et au pire, un rapport.
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Internet passe presque partout en prison – comme dehors, en fait. Des gens à l'extérieur s'occupent de payer un forfait pour moi. Certains réussissent même à hacker le WiFi du voisinage. Personnellement, je ne suis pas trop branché Instagram et encore moins Twitter. Je vais plutôt sur Snapchat, Facebook, YouTube, Winamax et Badoo.Badoo ? Sérieux ?
Badoo, ouais – pour tchatcher les filles, me trouver une petite femme qui m'attendra à la sortie. De manière générale, les réseaux sociaux me permettent de garder contact avec mes potes, mais surtout avec ma famille. Ça me permet de m'organiser pour mon linge et pour les rendez-vous au parloir, il y a des horaires à respecter. C'est aussi un bon moyen de me tenir informé de ce qu'il se passe à l'extérieur. Je suis l'actualité, je peux rester dans la vie active et occuper mes soirées. Je mate beaucoup de vidéos drôles qui passent sur Facebook, ça me fait délirer. Idem pour le streaming ! Ici, on a des cellules individuelles. On peut sortir durant la journée pour le sport, les promenades, la cour, mais le soir on est tout seuls. Il y a très peu de cages doubles. Je me sers aussi de mon téléphone pour communiquer avec les autres détenus, pour savoir si on va en promenade ou pas, par exemple. Mais je l'utilise principalement pour rester en contact avec l'extérieur.
Je dirai même maintenir mon business. Crois-moi, c'est inévitable. Mais comme je te disais, c'est surtout pour recréer un lien avec les gens que j'aime à l'extérieur. Je suis content de savoir qu'ils vont bien et pensent toujours à moi, même s'ils ne viennent pas forcément me voir au parlu'.Pourquoi envoies-tu des vidéos sur Snapchat ?
Je fais ça principalement pour faire découvrir mon quotidien aux gens qui se font du souci pour moi. Je leur montre que je tiens le coup, que je me porte bien. Et je veux aussi prouver que j'existe toujours. Que même si on ne me voit plus au quartier, je suis toujours dans le coup et je prépare au mieux ma sortie. Il me reste plus que quelques mois, je veux être intégré quand je serai libéré.Et quel retour tu as sur les réseaux sociaux, sur Snapchat notamment ?
Les gens réagissent normalement. Maintenant, ils sont tous au courant qu'on a des téléphones portables en prison, ce n'est plus un secret. Il y a tout de même quelques incultes qui restent un peu choqués.* Le prénom a été changéAnthony est sur Twitter.