Bonne fête, Maman : avec les femmes qui refusent d’avoir des enfants

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Culture

Bonne fête, Maman : avec les femmes qui refusent d’avoir des enfants

Conserver sa liberté, avoir un bon job, ne pas perpétuer l'espèce humaine – autant de raisons de ne pas avoir un chiard.
Paul Douard
Paris, FR

Comme beaucoup de jeunes hommes de mon âge, l'idée d'avoir un enfant m'a déjà traversé l'esprit. Non pas lors d'une discussion solennelle autour d'un dîner, mais plutôt entre 3 et 5 heures du matin à la suite d'un échange de fluides incontrôlé. Et ça n'a jamais été très positif. Pour être honnête, cette perspective m'a même toujours fait flipper. La responsabilité, l'engagement et la possibilité de générer un authentique serial killer étant autant de bons arguments – il me semble – en faveur de la nécessité d'y réfléchir à deux fois.

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Pour autant, j'ai toujours pensé qu'avoir un enfant était une finalité inéluctable. Un passage obligé. Notamment parce que dans tous les cours d'histoires naturelles que j'ai pu vaguement suivre durant mes études secondaires, il y était toujours affirmé que l'objectif premier d'une espèce animale était de se sauvegarder. L'Homme étant une espèce comme une autre, il devrait en être de même. Pourtant, certains hommes et femmes font le choix de ne pas avoir d'enfant. De ne pas pérenniser leur dynastie. Et pour ces mêmes femmes, il s'agit d'un choix parfois compliqué dans un pays où malgré les avancées idéologiques et sociales, une femme reste aux yeux d'une frange de la société, « une mère ».

La France est aussi un pays où les jugements ne manquent pas. Que dire en effet de cette tribune assez déraisonnable de la part du Huffington Post, qui estime que ne pas vouloir d'enfant reviendrait à être « égoïste ». En quoi le fait de ne pas vouloir d'enfant serait-il plus égoïste que d'en faire un afin de sauver son couple ? La lucide Simone de Beauvoir disait : « Que l'enfant soit la fin suprême de la femme, c'est là une affirmation qui a tout juste la valeur d'un slogan publicitaire. » Elle avait raison.

Travail, thunes, immaturité, peur : j'ai discuté avec quatre femmes qui ne seront jamais mères des raisons qui les ont poussées à faire ce choix. Bonne fête à elles.

MÉLANIE, JOURNALISTE, 30 ANS

« Un enfant représente énormément de responsabilités. De sacrifices aussi, en matière de temps, d'insouciance, d'argent. Pour moi, mettre au monde un enfant marque le moment où on commence à vivre pour quelqu'un d'autre que pour soi.

Je suis attachée à mon indépendance. Mon boulot de journaliste free-lance me permet de partir en vacances un peu partout dans le monde le plus souvent sur un coup de tête, sans avoir à "poser de congés". Je n'ai pas envie de renoncer à ça. Pas envie non plus de devoir entrer dans une routine où l'on dîne à heures fixes, où la moindre sortie se traduit par la quête d'une baby-sitter. J'aime avoir du temps pour moi, pour lire, mater des séries, glander au soleil, discuter pendant des heures autour d'un verre, dépenser de l'argent dans des objets inutiles. Être mère m'obligerait à mettre ça entre parenthèses.

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Si j'étais célibataire, les gens penseraient simplement que je n'ai pas "trouvé le bon", selon l'affreuse formule consacrée. Mais c'est le fait que je sois en couple qui entraîne systématiquement la question "et quand est-ce que vous comptez avoir un enfant ?" Souvent, les gens cherchent à me psychanalyser. Ils imaginent que j'ai une histoire familiale compliquée ou que sais-je. Ils tombent encore plus des nues quand je leur dis que j'ai une relation géniale avec mes deux parents. Et que je ne me sens pas prête à me consacrer entièrement à des enfants comme eux l'ont fait pour moi.

Je me souviens d'un article dans Slate qui m'avait interpellée. L'angle, c'était : vous n'avez pas de gosses, alors ne vous plaignez pas d'être débordés. Ça m'avait choquée car de nos jours, à part de très rares exceptions, PERSONNE ne nous force justement à être parents. »

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Photo via Flickr.

MARGOT, AVOCATE, 26 ANS

« Ma carrière m'importe plus. Je considère que si la place des femmes dans la société s'améliore, avoir des enfants freine grandement notre évolution professionnelle. Non pas que j'aie les dents qui rayent le parquet ; mais à compétences égales, je refuse de devoir me placer en retrait pour ce type de raison.

Heureusement, les réactions des autres s'améliorent. Certaines tiennent des discours condescendants du type "tu verras lorsque tu rencontreras le bon", mais d'autres – plus minoritaires – comprennent ma position. Cette évolution me semble liée à la galère des jeunes couples, qui réalisent le coût d'un enfant au quotidien et craignent de ne pas pouvoir offrir le meilleur à leurs enfants. Les générations précédentes se montraient particulièrement intolérantes à ce sujet du fait d'une éducation patriarcale. La nouvelle génération, dite "sacrifiée", comprend plus aisément un tel choix de vie. À l'heure où le coût de la vie augmente en même temps que le chômage, sans que le tout s'accompagne d'une augmentation des rémunérations, les nouvelles mères prennent conscience que l'avenir de leur progéniture ne sera pas un long fleuve tranquille.

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Et puis nous sommes désormais plus de 7 milliards sur Terre. C'est trop. Libre aux autres d'avoir des enfants – je me contenterai d'un chien.

Ces cinquante dernières années ont émancipé la femme, qui désormais n'aspire plus à un rôle façon Ma sorcière bien aimée. Une femme n'est plus valorisée pour ses qualités de ménagère. D'ailleurs, de plus en plus rares sont celles qui peuvent se permettre financièrement d'être mères au foyer. Une femme peut ainsi s'accomplir dans toutes sortes de domaines autrefois réservés aux hommes. Pourquoi se forcer à avoir des enfants quand le monde s'offre à nous ?

Et puis nous sommes désormais plus de 7 milliards sur Terre. C'est trop. Libre aux autres d'avoir des enfants – je me contenterai d'un chien. »

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NOÉMIE, AGENT MARKETING, 31 ANS

« Je n'ai jamais ressenti l'instinct maternel. Même s'il m'est arrivé de me poser la question, j'en arrive toujours aux mêmes conclusions. Encore plus maintenant que j'ai vu des gens proches de moi avoir des enfants ; ils se plaignent en boucle que c'est compliqué, éprouvant, angoissant et fatigant. En les entendant, ce que je comprends est que notre vie telle qu'on la connaît s'arrête net et que l'on se retrouve avec un poids à vie. L'amour qu'on est censé ressentir est supposé compenser tout cela. Le truc, c'est que je n'en suis pas persuadée.

C'est parfois difficile, voire impossible d'en discuter. Les gens qui ont déjà des enfants te jugent, le plus souvent. Et puis parfois, certaines personnes plus franches que d'autres te disent carrément : "n'en fais pas." Ils passent par des phases où ils regrettent leur choix.

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Quelqu'un de ma famille a récemment coupé court à une discussion sur le sujet en me disant : "de toute façon, ce n'est pas de ta faute, on ne peut pas être autrement qu'autocentré tant qu'on n'est pas parent." Je trouve ça faux – et extrêmement réducteur. Il y a mille façons d'être tourné vers les autres, et ça ne passe pas forcément par le fait de faire des enfants. D'ailleurs, en matière de personnes autocentrées, je pense qu'on ne regarde pas assez du côté de ces gens qui ont des enfants et ne font QUE parler d'eux et des difficultés qu'ils éprouvent avec leurs enfants, sans te laisser la moindre possibilité de placer un commentaire ou un conseil ! »

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Photo via Flickr.

MILDRED, JOURNALISTE, 27 ANS

« Il y a une part de moi qui ne veut pas d'enfant pour des raisons purement psychologiques. Je n'en ai tout simplement pas le désir. De même que je n'ai pas le désir de me lancer dans une carrière de pilote de Formule 1 ou de passer quinze ans à construire une maison en allumettes. Pourquoi devrais-je interroger cette absence de désir là plutôt qu'une autre ? Avoir un enfant est une chose qui ne m'effleure même pas l'esprit quand j'imagine mon futur. C'est un possible hors sujet.

La plupart des mecs que j'ai fréquentés respectaient ma décision de ne pas avoir d'enfant, qu'ils envisageaient ou non d'être père. À de rares occasions, on m'a tout de même dit que c'était une manière de "condamner la relation" à l'avance. Ça me paraissait tellement absurde que j'ai arrêté de les fréquenter – immédiatement. Ce sont eux qui ont condamné la relation, finalement.

On me reproche d'être égoïste. Comme si je devais quelque chose à l'humanité, et que ce devoir consistait à me laisser féconder, à héberger un petit humain parasite pendant neuf mois puis à le laisser déchirer mes entrailles afin de saturer un peu plus les crèches du quartier

Il y a plein de femmes qui estiment qu'enfanter est la plus belle chose que l'on puisse faire dans une vie – il n'y a rien à redire à cela. Pour un grand nombre d'entre elles, c'est sans doute vrai. J'ai juste tourné mes yeux vers d'autres buts, qui dans mon univers à moi sont tout aussi beaux. »

Paul est sur Twitter.